"Lors du référendum sur la Constitution européenne en 2005, des tables-rondes avaient été organisées pour informer les citoyens. Ces débats avaient révélé à quel point un dialogue avec la population est nécessaire", a déclaré Monique Faber, la responsable des relations publiques de la Chambre des députés.
Ben Fayot (LSAP), le président de la Commission des Affaires étrangères, qui veut lui aussi relancer le débat, a souligné: "L’Europe passe souvent à côté des citoyens, qui ne saisissent pas toujours très bien les enjeux." Soucieux d’avoir un "feed-back" de la population, il a estimé qu’il " n’y a pas de questions bêtes à propos de l’Union européenne".
Pour lancer de manière ludique la table-ronde, Maurice Molitor, qui a animé le débat avec Monique Faber, avait préparé un petit quizz pour les élèves.
Le 1er janvier 2008, deux nouveaux pays sont entrés dans la zone euro, à savoir Chypre et Malte. Les animateurs ont demandé aux lycéens d’évoquer les avantages et désavantages de la monnaie européenne commune. Un élève avança que l’euro était avant tout commode pour voyager en Europe. Maurice, un élève du Lycée Hubert Clément fut, quant à lui, d’avis que l’euro a suscité une augmentation considérable du coût de vie.
Les députés européens et luxembourgeois ont éclairé les élèves sur ce qu’ils estiment être un préjugé. Le député Ben Fayot a expliqué qu’avant l’introduction de l’euro dans un nouveau pays, la Commission avait établi un rapport détaillé pour éviter justement cette flambée des prix. Il a ensuite évoqué une enquête menée auprès de citoyens européens à propos de l’introduction de l’euro. Elle avait révélé que l’augmentation objective des prix suite à l’introduction de l’euro est beaucoup moins importante que celle qui est perçue subjectivement par les citoyens.
Lorsque Maurice Molitor demanda aux élèves ce qui pour eux était devenu plus cher, certains ont répondu que les prix des boissons et de la nourriture à la cantine avaient fortement augmenté.
Le député Félix Braz (Déi Greng) a affirmé que, même si l’euro n’avait pas été introduit au Luxembourg, les prix auraient tout de même augmenté. Selon lui, la monnaie unique a même joué un rôle de protecteur. Il a reconnu que certains produits sont devenus plus chers, mais pour Félix Braz, cela n’a rien à voir avec l’euro.
Le député Xavier Bettel (DP) a partagé l’avis de son collègue. "On ne peut pas comparer les prix de l’époque du franc avec les prix d’aujourd’hui", a-t-il affirmé. Selon Jacques-Yves Henckes de l’ADR, l’euro a tiré sa mauvaise réputation des premiers temps de son introduction, lorsque les commerçants ont arrondi les prix vers le haut.
D’un autre côté, les responsables politiques ont rappelé l’importance de l’euro sur le plan international. Charles Goerens, du DP, a souligné qu’il fallait également tenir compte de l’importance de l’euro en dehors des frontières de l’Union européenne. La députée européenne Lydie Polfer a affirmé que les grands investisseurs du monde faisaient confiance à la monnaie européenne unique.
"Le 1er novembre 2007, le marché du travail luxembourgeois a été ouvert aux ressortissants de l’Europe centrale et orientale. Est-ce que cette ouverture représente plutôt une chance ou un danger pour le Luxembourg ?", a demandé Maurice Molitor.
Le premier élève qui a pris la parole, a exprimé des sentiments mitigés par rapport à l’ouverture du marché du travail : "A priori, je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose. Mais, il serait dommage si cette concurrence accrue se soldait par un taux de chômage plus élevé des Luxembourgeois.". Il a également estimé que la fuite des cerveaux empêchait les nouveaux Etats membres et les pays en voie de développement de décoller économiquement.
La plupart des jeunes intervenants ont estimé que le recrutement d’une personne doit se faire sur des critères objectifs tels que les compétences personnelles ou professionnelles et non pas sur un critère de nationalité.
Ben Fayot a souligné dans ce contexte que "l’abolition de toute discrimination fondée sur la nationalité", est un principe fondamental de l’UE. Pour garantir ce principe, il faut que la libre circulation des travailleurs s’exerce dans un double sens. Fayot qui n’a pas "voulu embellir les choses" a également reconnu que cette libre circulation "peut engendrer des problèmes"..
Certains élèves se sont montrés très préoccupés par la vague récente de délocalisations intra-européennes et le dumping social.
Lydie Polfer a répondu que la directive sur les services, (Bolkenstein) a été amendée et qu’elle prévoit désormais que la personne qui vient travailler au Luxembourg sera embauchée aux mêmes conditions qu’un citoyen luxembourgeois. En même temps, elle a souligné que le marché du travail luxembourgeois avec des salaires de plus en plus élevés, présente des caractéristiques tout à fait atypiques.
Fayot a cité l’exemple de l’Espagne et du Portugal pour illustrer à quel point l’adhésion à l’UE peut être un facteur de prospérité et conduire à une harmonisation des conditions de vie. Ces deux pays de l’Europe du sud qui ont le plus bénéficié des fonds structurels européens connaissent selon le député "aujourd’hui des salaires qui sont à peu près équivalents aux nôtres". Fayot a toutefois exprimé l’espoir que "les salaires seront un jour harmonisés en Europe".
Un élève n’était pas du tout d’accord avec l’argumentaire développé par Fayot. Il a estimé que l’élargissement de l’UE vers les pays du sud ne peut en aucun cas être comparé au grand élargissement de 2004. Pour lui, le contexte économique n’était pas le même et le nombre de pays qui ont adhéré était plus élevé.
Xavier Bettel a fait un appel à la solidarité. "Il ne faut surtout pas oublier ses origines", a-t-il demandé en rappelant que le Luxembourg était, il n’y a pas si longtemps, un pays rural et très pauvre. Félix Braz, de son côté, a souligné les dangers que l’UE aurait encourus si elle n’avait pas accueilli les Etats d’Europe centrale et orientale.
La députée européenne Astrid Lulling a incité les jeunes à ne pas se laisser décourager par rapport à la situation sur le marché du travail. "Il ne faut pas se leurrer, le principe de la libre circulation des personnes, n’est pas un principe nouveau. Il a été introduit, il y a plus de 50 ans. Depuis, il n’existe plus de priorité qui est accordée aux Luxembourgeois. Le recrutement se fait et se fera uniquement sur base des compétences professionnelles et de la motivation des candidats".
Elle a également pointé du doigt "la politique du slalom" que le Luxembourg mène au sein des institutions européennes. "Parfois, le Luxembourg est pour le maintien du principe d’origine et parfois il est contre. Sa position varie en fonction de ses intérêts", a-t-elle lancé.
Plusieurs députés firent l’éloge de la concurrence et des efforts qu’elle impose à tous en Europe, y compris aux jeunes Luxembourgeois qui doivent affronter le marché du travail sur un pied d’égalité avec leurs homologues étrangers. Ils étaient loin d’être tous d’accord avec cette vision des choses, estimant que l’école luxembourgeoise prépare mal les jeunes à ces nouveaux défis. Certains se plaignirent du prix élevé des minervaux à payer aux universités, des coûts élevés des études en général et des difficultés pour obtenir un poste d’étudiant à cause des numerus clausus qui se multiplient.
Ben Fayot dut à ce moment expliquer que si l’Union européenne est une association d’Etats souverains qui agissent en commun dans les domaines où ils le veulent bien, et ces Etats le font bien dans des domaines économiques, financiers, de justice ou d’environnement, s’il y a deux domaines où il n’y a pas eu d’abandons de souveraineté ou de compétences, c’est bien dans les domaines de la culture et de l’enseignement.
Ancienne ministre de la Culture et de l’Enseignement supérieur, la députée européenne Erna Hennicot-Schoepges put alors exposer les difficultés qu’ont aujourd’hui des artistes qui bougent en Europe pour voir leur cotisations sociales transformées en droits, ou que des étudiants ont pour transporter leur bourse d’un pays à l’autre. Cela ne l’étonne pas dans une Europe qui a en fin de compte hésité à adopter ses propres symboles et où l’on se sent d’abord national et ensuite seulement Européen. Elle place pour cela beaucoup d’espoirs en l’année du dialogue interculturel pour aider les Européens à dépasser ces clivages.
Abondant dans le même sens, le député européen Claude Turmes récusa le faux choix qui est si souvent suggéré entre l’option nationale et l’option pour une mélasse européenne uniforme. L’Europe est pour lui un rapprochement de citoyens qui ont les mêmes droits.
La politique de défense européenne fut mise en question et un élève s’éleva contre la présence de troupes de l’Union européenne autour de champs pétrolifères. Cela lui valut une franche mise au point du député Goerens, également ancien ministre de la Défense, qui énuméra toutes les missions de l’Union européenne qui impliquent des militaires, mais dont aucune n’est chargée de la protection de champs pétrolifères. "S’il y a des troupes européennes autour des champs de pétrole, comme cela peut être le cas en Irak, ce n’est pas sous mandat de l’Union européenne", conclut-il.
Certains élèves voulurent savoir pourquoi il n’y aurait pas de référendum sur le traité de Lisbonne et jugèrent que sa ratification par référendum serait plus démocratique que sa ratification par la Chambre des députés. Ben Fayot leur expliqua le sens et la fonction de la démocratie représentative, et qu’un vote à la Chambre par des députés qui pourront être récusés aux élections législatives n’était pas moins démocratique qu’un vote par référendum. Il revint également au résultat du référendum sur le traité constitutionnel de 2005 – 56 % de oui, 44 % de non – et au contenu du traité de Lisbonne, qu’il juge à plus de 90 % identique au traité constitutionnel pour justifier la ratification parlementaire.
Félix Braz le soutint pour expliquer que par rapport aux traités existants, dont le traité de Nice, le traité de Lisbonne apportait dans tous les domaines des améliorations, mais qu’il ne constituait qu’une base à partir de laquelle des politiques devraient être définies. Et pour définir ces politiques, il faut selon Claude Turmes des élus que les Européens pourront entre autres élire lors des élections européennes de 2009.