Le 17 janvier 2008, la parlementaire européenne Lydie Polfer a présenté lors d’une conférence de presse son rapport intitulé : "Sur une politique de l’UE pour le Caucase du sud plus efficace : passer des promesses aux actes". Ce rapport qui a été voté à l’unanimité le 18 décembre 2007 par la Commission des Affaires étrangères du Parlement européen vient d’être approuvé au Parlement avec 567 votes positifs contre 25 votes négatifs.
En adaptant ce rapport, la Commission des affaires étrangères du Parlement s’est prononcée en faveur d’une politique plus efficace envers les pays du Caucase dont l’objectif est de transformer "ces pays en Etat sûrs, pacifiques et capables de contribuer à des relations de bon voisinage".
La région du Caucase du sud représente un intérêt geostratégique majeur. D’un point de vue géographique, elle englobe trois membres de la défunte Union soviétique (la Géorgie, l’Azerbaïdjan et l’Arménie) et représente un corridor de transit entre des pays comme la Turquie, l’Iran et la Russie qui rivalisent pour exercer une influence dans cette région. A cela s'ajoute que la région est très riche en ressources énergétiques et peut représenter une source d’approvisionnement pour l’Europe.
Pour Lydie Polfer, le conflit sur le Haut -Karabakh, qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan, représente " le problème central" de cette région. Le Haut -Karabakh est une région montagneuse au cœur du Caucase où vivent une majorité d’Arméniens. Ellei est de ce fait revendiquée par l’Arménie qui l'occupe.
Un des conflits majeurs que la Géorgie doit gérer concerne deux minorités revendiquant leur indépendance. Il s’agit des régions d’Abkhazie et de l’Ossétie du sud. Les deux Républiques séparatistes sont soutenues par la Russie. Aux habitants de l’Abkhazie, la Russie émet même des visas comme s’il s’agissait de citoyens russes, alors que ces populations sont installées sur le territoire géorgien.
Avec l’élargissement de l’UE, les frontières européennes se sont déplacées vers l’est, et l'Union européenne s’est rapprochée de plus en plus de régions qui abritent des zones de conflit potentiel. Pour l’Europe, il s’agit dés lors de jouer un rôle clé dans la démocratisation et la stabilisation des pays de cette région, le meilleur moyen pour assurer la sécurité à l’extérieur de ses frontières. Ces raisons font selon Lydie Polfer que, "l’Union européenne a un intérêt à ce que les pays du Caucase du sud évoluent dans un contexte politique stable, une condition sine qua non pour assurer également la stabilité économique et sociale de la région".
De plus, les ressources de gaz et de pétrole du Caucase, encore largement inexploitées, peuvent également représenter une source d’approvisionnement pour l’Europe. Même si le renforcement de l’Etat de droit ne se fera pas du jour au lendemain, le règlement pacifique des conflits hérités de l’ère soviétique s’avère primordial. Selon Lydie Polfer, l’UE a un intérêt à accompagner ces pays dans leur processus de démocratisation, parce qu’ils "ont, malgré les tensions qu’ils ont connu, fait le choix de la démocratie".
Lydie Polfer a passé en revue les caractéristiques socio-politiques des trois Républiques sud-caucasiennes tout en soulignant qu’elles se démarquent foncièrement et connaissent des évolutions très différentes.
En Géorgie, l’attachement aux valeurs démocratiques s’est cristallisé avec la révolution des roses en 2003. A Edouard Chevardnaze qui gouvernait la Géorgie jusqu’en 2003, a succédé Mikhaïl Saakachvili. Cette révolution, comme l’a tenu à préciser Lydie Polfer, "a été fomentée aux Etats-Unis". La plupart des élites géorgiennes ont, en effet, été formées dans les universités américaines mais sont, comme l’a pu constater Lydie Polfer, "très éloignées des réalités du terrain".
Les événements d’automne ont conduit à la tenue d’élections anticipées en janvier 2008. D’après les résultats officiels de ce scrutin, Saakachvili a obtenu une large majorité de 54, 3 %. L’opposition a cependant contesté les résultats et a pointé de fortes irrégularités dans le déroulement des élections. Malgré cette contestation, de nombreux observateurs se sont accordés pour dire que ces élections "étaient les plus égalitaires depuis longtemps". En mars de cette année, des élections parlementaires seront organisées en Géorgie. L’issue de ces élections fournira, selon Polfer "un excellent indicateur qui sera révélateur de l’avenir du pays".
L’Azerbaïdjan a fait des progrès considérables, surtout en ce qui concerne le développement d’une économie du marché. En 2006, le pays a connu une croissance économique de 35 %. Pour Lydie Polfer, il s’agit à la fois d’une vraie chance pour le pays, mais également d’un énorme défi. Il faudra, selon elle, observer de près comment cet argent est investi : Revient-il à toute la population ou est-ce que l’écart entre riches et pauvres se creusera davantage ? "Si cela se produit, alors nous sommes sur le mauvais chemin", a-t-elle affirmé.
Une autre évolution que la députée européenne applaudit fortement est l’émancipation des pays du Caucase du Sud par rapport à la Russie. En 2005-2006, l’Azerbaïdjan a commencé à construire des pipelines à travers la Géorgie et la Turquie, ce qui lui permet de contourner la Russie et en s’assurant ainsi une indépendance politique et économique. Selon la députée européenne, cela constitue un avantage à la fois pour le pays lui-même, mais également pour l’Union européenne. Seul désavantage : l’Arménie se trouve encore davantage enclavée.
Pourtant, la députée européenne estime que le développement de la région sud-caucasienne ne peut passer que par la réglementation pacifique des conflits, et surtout de celui du Haut-Karabakh. Dans ce contexte, elle a évoqué le Groupe de Minsk, une alliance entre la Russie, les Etats-Unis et la France, qui s’est donnée comme tâche de trouver des compromis pour régler le conflit. "Pour l’instant nous [le Parlement européen] ne sommes pas très optimistes en ce qui concerne une cessation rapide du conflit", a-t-elle déclaré lors de la conférence de presse. La raison pour cette inquiétude est, selon elle, la course à l’armement qui a commencé dans la région, et surtout en Azerbaïdjan.
Dans son rapport, la députée européenne a essayé, selon ses propres propos, de trouver un équilibre entre progrès accomplis et problèmes persistants." J’ai essayé à la fois de relever les efforts qui ont été faits, mais en même temps, j’ai jugé nécessaire d’attirer l’attention sur les points qui doivent être améliorés, mais toujours dans la perspective de les aider", a-t-elle affirmé.
Finalement, Lydie Polfer a insisté sur la nécessité de garder un œil sur les pays du Caucase du Sud. "Ce sont de véritables bombes à retardement, et nous devons tout faire pour les désamorcer", a-t-elle souligné.