Le 11 mars 2008, un débat d’orientation sur le paquet "climat/énergie" de la Commission européenne a eu lieu à la Chambre des députés.
Le ministre de l’Environnement, Lucien Lux, aborda la question sous quatre angles :
Un des points les plus positifs du paquet est pour Lux que 2005 soit devenue l’année-référence pour évaluer les progrès effectués. Pour le Luxembourg, cela signifie qu’en matière d’émissions, la part de l’industrie a déjà baissé par rapport à 1990, où ce secteur d’activité tenait une place plus importante dans le bilan énergétique. Mais la part du "Tanktourismus" est passée de 15 à 50 % des émissions de CO2. Un autre point positif est l’européanisation des allocations d’émissions. Le dernier point positif est pour Lux l’importance donnée aux énergies renouvelables, ce qui conduira ce secteur à des poussées de croissance significatives.
Mais il reste quelques questions.
Que les droits d’émissions du secteur de l’électricité aient été mis à 100 % aux enchères risque de défavoriser les tenants de petits marchés et de provoquer des délocalisations.
Le modèle PIB, qui est à la base de la fixation des objectifs de réduction se base en ce qui concerne le Luxembourg sur une surévaluation, dans la mesure où la quote-part des frontaliers au PIB est incluse dans les 75 000 euros /habitant. Néanmoins, dans la mesure où d’autres pays qui ont un PIB juste inférieur ou supérieur à 40 000 euros/habitant se sont vus fixer des objectifs identiques, le ministre pense que même un correctif d’un PIB luxembourgeois surévalué ne changerait pas grand chose dans la pratique. Reste la revendication qu’il faudrait plus de flexibilités au Luxembourg pour qu’il puisse augmenter son potentiel de réduction d’émissions.
Autre question : Faut-il que les biocarburants représentent 10 % du bilan énergétique en matière de transports ? Le ministre a fait connaître son scepticisme, à l’instar du Comité économique et social qui met en doute que la production des biocarburants remplisse les critères du développement durable par son impact sur les terres arables, la forêt et l’environnement.
Le Luxembourg peut actionner plusieurs leviers pour approcher ses objectifs : agir sur le "Tanktourismus", bien qu’une démarche sur le différentiel fiscal avec les pays voisins puisse s’avérer être très aléatoire ; agir sur l’immobilier ; agir dans l’agriculture ; miser sur l’électricité verte.
Lors du Conseil européen qui se tiendra les 13 et 14 mars à Bruxelles , de nouvelles orientations sur le paquet "climat/énergie" seront décidées. Dans ce cadre, le Luxembourg demandera avec d’autres pays que l’on tienne compte de la spécificité des Etats membres avant de fixer de manière contraignante les objectifs nationaux de réduction de gaz de serre.
Les positions de Roger Negri du LSAP se sont largement recoupées avec celles de Lucien Lux. A l’instar du ministre de l’Environnement, il a accueilli favorablement la proposition de la Commission de réformer le système communautaire d’échange de quotas et l’esprit d’innovation qui découle du train de mesures. Il s’est surtout montré préoccupé par les délocalisations et a prôné un retrait graduel du tourisme à la pompe.
Il a, en revanche, mis en garde contre les répercussions sociales qui pourraient être induites par les mesures de la Commission européenne tout en exigeant que la stratégie de lutte contre le changement climatique soit adaptée à l’environnement socio-économique des Etats membres. Il s’est résolument opposé à ce que la lutte contre le changement climatique s’exerce au détriment des plus populations les plus démunies.
Marcel Oberweis, qui a parlé au nom du CSV, a marqué l’accord de son parti politique avec les positions du ministre Lucien Lux, surtout en ce qui concerne la revendication pour une utilisation renforcée des mécanismes flexibles. "Pourquoi ne pas investir autre part dans des pays en voie de développement ? Nous créons ainsi de nouveaux emplois. Cela peut être bénéfique pour les deux parties impliquées", a avancé Marcel Oberweis.
Le député a également porté l’attention sur la question des agrocarburants. Selon lui, la première génération des agrocarburants "est une catastrophe". La culture de végétaux uniquement destinés à des fins énergétiques peut entraîner des effets néfastes pour les pays producteurs, tel est le raisonnement de Marcel Oberweis quand il mesure la production des agro-arburants à l’aune du développement durable.
Pour Oberweis, ce sont les transports publics qui constituent la colonne vertébrale de toute politique de réduction énergétique. Il exige ainsi qu’au Luxembourg, on "amène les transports publics sur de nouveaux rails". Il faudrait ainsi amener les frontaliers à recourir davantage aux moyens de transports publics pour venir travailler. Actuellement, seulement 6 % prennent le train quotidiennement.
Autre tonalité chez Eugène Berger. Selon le député libéral, les mesures proposées par la Commission "manquent de réalisme". Il a surtout mis en doute la justesse du critère retenu par la Commission européenne pour répartir l’effort de réduction global entre les Etats membres, le PIB. "Où est le lien de causalité entre le PIB et la lutte contre les émissions de gaz à effet de serre", s’est-il interrogé. Il a estimé qu’il aurait été plus réaliste d’évaluer d’abord les potentialités des Etats membres et de fixer, ensuite, des objectifs. Le critère du PIB présente, selon le DP, un autre désavantage : il ne tient pas assez compte des spécificités luxembourgeoises, à savoir une population active qui est composée à plus de 30 % de frontaliers.
Pour Eugène Berger, les efforts engagés sur le terrain doivent se traduire par des résultats concrets et tangibles. Il a pointé l’absence d’évaluation des mesures à long terme, de logique, de stratégie globale et de prospection. A long terme, l’absence de résultats chiffrés constitue selon Berger un obstacle majeur pour faire accepter les mesures au Luxembourg. "Après les grands discours, il faudra traduire les paroles en actes", a-t-il lancé. "Les réponses concrètes, pourtant", a-t-il jugé "manquent".
Pour le parti des Verts, le paquet "climat/énergie" de la Commission européenne est une bonne chose, malgré certains points jugés négatifs. "Bien que nous ne soyons pas d’accord avec l’une ou l’autre mesure, dans l’ensemble, les propositions vont dans la bonne direction", a dit Henri Kox. Le député n’a cependant pas ménagé ses critiques envers le gouvernement, qui affiche, selon lui, une attitude "larmoyante". "Seulement des lamentations, et pas de message positif", a-t-il lancé à l’égard du ministre Lucien Lux, en lui recommandant "d’agir plutôt que de pleurer".
En ce qui concerne les objectifs que la Commission a proposés pour le Luxembourg, Henri Kox s’est dit convaincu que le Grand-Duché est bien capable de les atteindre. Pour lui, le pays a déjà trop longtemps négligé ses responsabilités en matière de protection de l’environnement.
Le député vert a estimé qu’au Luxembourg, c’est le secteur du transport qui pose le plus de problème, secteur dans lequel le gouvernement aurait négligé de remédier à une situation désastreuse. "Nous avons besoin de concepts de mobilité innovants", a précisé Henri Kox. Par ailleurs, le député s’est plaint de l’absence d’études et de statistiques sérieuses sur le coût et les effets du tourisme à la pompe.
Plus loin, le député vert s’est prononcé pour une meilleure coordination de tous les acteurs concernés. Afin de compléter l’Agence de l’Energie, une structure limitée à ses yeux, Henri Kox a plaidé pour la création d’un établissement public qui soit à la fois fabrique de pensée, organisateur et coordinateur pour transposition du programme national de protection de l’environnement et de l’efficience énergétique.
Un manque de stratégie, un mauvais concept, de faux investissements. Le bilan que Robert Mehlen de l’ADR a dressé sur l’action du gouvernement en matière de lutte contre le changement climatique était plus que mitigé. Il a souligné le besoin accru d’investir dans la recherche et de s’interroger sur le sens des mesures qui sont engagées à l’échelon européen. : "On doit s’interroger sur le sens écologique des initiatives."
A la fin du débat d’orientation, le ministre de l’Environnement, Lucien Lux, a repris la parole pour répondre à plusieurs questions soulevées par les différents députés. Au reproche que lui avait adressé Henri Kox, Lucien Lux a rétorqué qu’il n’avait pas accueilli le paquet de la Commission en se lamentant, mais en l’applaudissant. "On parle toujours des trains qui sont partis trop tard, mais on ne parle jamais des trains qui sont partis à temps", a-t-il lancé à l’égard du député vert.
Lux a également écarté la critique d’absence de statistiques sur les recettes et les dépenses du tourisme à la pompe. Faire des calculs objectifs des recettes et dépenses du "Tanktourismus" serait "très compliqué". "Le tourisme à la pompe est une question politique", a conclu le ministre de l’Environnement. "En fin de compte, la question est de savoir si nous sommes prêts à en sortir ou non." Lucien Lux a réitéré sa position, selon laquelle il faut engager un chemin de sortie du tourisme à la pompe, mais par une stagnation d’abord, et par une révision à la baisse modérée ensuite.