Le 7 mars 2008, le ministre délégué aux Affaires étrangères et à l’Immigration Nicolas Schmit est intervenu à l’assemblée générale de la Conférence générale de la jeunesse luxembourgeoise "sur le rôle et la participation de la jeunesse en Europe". L’occasion pour le ministre de mettre en exergue les atouts du projet européen, de désigner aussi ses faiblesses et d’échanger des points de vue.
Lors du référendum en 2005, beaucoup de jeunes ont rejeté le projet de Constitution. Pour Nicolas Schmit, ces votes négatifs ne signifient pas pour autant "que les jeunes soient contre l’Europe". Il a jeté un regard en arrière, sur les plus grands succès qui ont marqué l’histoire de la construction européenne, tels que l’euro, la libre circulation des personnes avant de diriger son regard vers l’avenir où "les raisons pour lesquelles les jeunes devraient s’engager pour le projet européen, ne manquent pas".
Dans son plaidoyer pour l’UE, arguments géopolitiques, sociaux-économiques et environnementaux se sont enchaînés.
Arguments géopolitiques d’abord : en recourant à la métaphore psychologique "Vénus/Mars" empruntée à l'auteur américain John Gray, développée par la suite par le politologue Robert Kagan dans son ouvrage "La puissance et la faiblesse", Nicolas Schmit a d’emblée mis en exergue les visions du monde antagonistes qui ont été développées des deux côtés de l’Atlantique. Alors que les Etats-Unis auraient plutôt tendance à régler les différends politiques par le recours à la force armée, comme l’illustre l’intervention américaine en Irak, l’Europe se dirige vers un au-delà de la puissance, vers un monde bien distinct du monde américain, où la résolution des conflits se ferait par des moyens pacifiques - le multilatéralisme, la réglementation, la négociation, la solidarité et la coopération entre nations.
Arguments socio-économiques ensuite : le mérite de l’Europe, est selon Nicolas Schmit, d’avoir développé un nouveau partenariat social basé sur les trois piliers de la stratégie de Lisbonne qui se renforcent mutuellement : la compétitivité, le social et le développement durable. "Ce projet unique qui n’existe nulle part ailleurs", a souligné Nicolas Schmit, "offre une perspective nouvelle aux générations futures", à la suite de deux événements précis qui ont mis a nu les faiblesses des modèles économiques. Ces événements sont d’un côté, l’effondrement du communisme qui a fait prendre conscience qu’il n’existe pas d’alternative viable à l’économie de marché, et de l’autre la crise immobilière aux Etats-Unis qui a révélé que l’économie américaine n’est pas, non plus, à l’abri de crises.
Arguments sur le plan environnemental: l’Europe a confirmé à la conférence de Bali, organisée en décembre 2007 sous l’égide des Nations Unies, son rôle de leadership en matière de lutte contre le changement climatique tout en veillant à une égalité globale vis-à-vis des pays émergents.
Enfin, les défis multiples auxquels l’Europe sera confrontée – du vieillissement démographique, en passant par le manque de ressources naturelles jusqu'à la dépendance énergétique du continent - illustrent selon Nicolas Schmit le besoin accru de cibler tous les efforts sur l’éducation, la formation, l’innovation. Ce message est celui de la stratégie de Lisbonne qui devrait selon les vœux de Nicolas Schmit s’accompagner d’un accès général au savoir, à la formation continue pour les travailleurs qui subissent les plus grandes conséquences de la mondialisation.
Quelles sont les faiblesses du projet européen ? "Le manque de démocratie est peut-être une des faiblesses du projet européen", a admis Nicolas Schmit en faisant référence aux débuts de la construction européenne marqués par une "technocratie lourde et des décisions qui s’imposaient de haut en bas". Le traité de Lisbonne marquera selon Schmit un tournant en prévoyant explicitement "la participation à la vie démocratique", " le développement des échanges avec les jeunes", et le droit d’initiative citoyenne. Pour Nicolas Schmit, le traité de Lisbonne, qui engendrera "plus d’informations, une meilleure information et plus de débats", est finalement synonyme d’espoir : "Si on parvient à réaliser cette ouverture démocratique, je suis convaincu que la jeunesse retrouvera le chemin vers l’Europe et s’engagera pour défendre l’idée européenne".
Pourquoi n’a-t-on pas consulté les citoyens européens sur le traité de Lisbonne ? Pourquoi devrait-on s’engager pour une Europe qui ignore la voix de ses peuples ? Les jeunes réunis à la Maison de l’Europe n’ont pas ménagé leurs critiques. Ils ont surtout critiqué le processus de ratification par voie parlementaire, au détriment d’une consultation populaire.
"Il serait absurde", a rétorqué Nicolas Schmit, "de tenir un référendum sur un texte qui récupère 90 % de la substance constitutionnelle", un projet, a tenu à rappeler le ministre " qui a été approuvé majoritairement en juin 2005 par la population luxembourgeoise".
Cela est selon Schmit d’autant plus vrai que la participation citoyenne au processus politique ne saurait se cantonner à la pratique référendaire, "à laquelle on accorde trop d’importance ». « Ce n’est pas là, ou la démocratie va s’exercer à l’avenir", a-t-il pronostiqué tout en attirant l’attention des jeunes sur les multiples formes que peut revêtir la participation citoyenne, comme par exemple la participation des citoyens à la société civile, aux débats de société. Un autre facteur nouveau est que les politiques nationales et européennes ont de plus en plus tendance à se chevaucher, à s’enchevêtrer, de sorte que les prérogatives de contrôle des Parlements nationaux ont été renforcées dans le traité de Lisbonne.
Autre argument : les limites de la pratique référendaire. Lors de la tenue d’un référendum, l’expérience a montré que les citoyens ont tendance à répondre à toutes sortes de questions, sauf à la question posée. Le recours systématique au référendum, tel que pratiqué en Suisse, serait également "une véritable aubaine pour les populistes, les démagogues". "Rien de plus facile alors pour eux que d’imputer tous les échecs à l’UE", a argumenté Nicolas Schmit.
Enfin, il convient selon le ministre de ne pas confondre le traité de Lisbonne avec le projet de Constitution, qui se caractérisait par un saut qualitatif encore plus important et requérait, pour asseoir sa légitimité, le soutien des peuples d’Europe.