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Développement et aide humanitaire
"En 2007, l'aide publique au développement a baissé" - une tribune de Jean-Louis Schiltz et de Louis Michel dans le Figaro du 4 avril 2008
04-04-2008


Jean-Louis Schiltz, ministre luxembourgeois pour le Développement et les Affaires humanitaires et Louis Michel, commissaire européen pour le Développement et l'Aide humanitaire déplorent dans une tribune commune publiée dans le Figaro du 4 avril 2008 qu'en 2007, les pays développés n'aient pas respecté leurs engagements en matière d'aide financière au développement. Ils font savoir que la Commission européenne annoncera de nouvelles mesures le 9 avril.

"Le 4 avril 2008 est un jour triste pour la lutte contre la pauvreté dans le monde. Les chiffres de l'aide internationale au développement pour 2007 publiés ce jour par l'OCDE, ont livré un verdict brutal. Les plus grands pays donateurs d'aide dont les États membres de l'Union européenne, les États-Unis, le Canada et le Japon ne sont pas parvenus à respecter leurs engagements financiers afin de lutter contre la pauvreté dans le monde et offrir un avenir meilleur à des millions d'hommes, de femmes et d'enfants vivant dans la misère absolue.

Les chiffres de l'aide au développement pour 2007 sont très loin des objectifs fixés. L'année dernière, la part de l'aide publique au développement de l'Union européenne relative au revenu national brut a diminué de 0,41 % à 0,38 %.

Concrètement, cela veut dire que les pauvres dans le monde ont reçu 1,7 milliard d'euros de moins qu'en 2006. Le but quantitatif pour 2015, fixé dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement, est de 0,7 %.

Force est de constater que 2007 fut un grave échec en matière d'aide financière au développement. 2008 marque l'étape de mi-parcours dans le calendrier de réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) dont le terme est fixé à 2015. Les chiffres de 2007 sont un signal d'alarme : nous sommes collectivement en train de relâcher nos efforts et ceci est inacceptable.

Ce 1,7 milliard d'euros manquant à l'appel, aurait pu permettre de soigner des millions d'enfants alors que 11 millions d'entre eux meurent chaque année par défaut d'accès aux soins. Il aurait également pu servir à augmenter le nombre de personnes ayant accès à l'eau potable alors qu'une sur quatre boit encore de l'eau souillée.

Ce 1,7 milliard d'euros aurait aussi pu soutenir l'accès à l'école primaire pour certains des 114 millions d'enfants qui en sont privés. Et puis, il aurait également pu permettre à certaines des 584 millions de femmes illettrées de lire cet article.

Et si les chiffres choquants de la mortalité infantile, de la santé ou de l'accès à l'éducation ne suffisent pas à convaincre d'agir maintenant, alors nos craintes concernant les défis globaux du futur (changement climatique, migration, lutte contre la violence et le terrorisme) doivent, elles, nous convaincre d'agir.

Si nous voulons avoir quelque chance que ce soit de relever ensemble ces défis communs, nous devons prendre conscience que toute solution passe impérativement par l'amélioration des conditions de vie des populations des pays en développement.

Le fossé croissant entre les pays pauvres et les pays riches nous affecte tous. L'augmentation des flux migratoires illégaux vers le continent européen est une conséquence de cette extrême pauvreté, du manque d'opportunités et d'espoirs d'une grande partie de la population mondiale, tout particulièrement en Afrique.

Les conflits, l'insécurité, les conséquences dramatiques du changement climatique, les épidémies : voilà autant de facteurs qui affectent les pays pauvres et ont un effet boomerang sur l'Europe et les pays les plus riches.

Dans un monde globalisé, les politiques du développement font face à une nouvelle réalité : ceci veut dire plus d'opportunités, mais aussi plus de risques et de responsabilités de la part des pays développés. Nous ne pouvons pas passer à côté des défis que les OMD représentent. La coopération pour le développement ne doit pas simplement être vue comme une charité institutionnelle ou gouvernementale, mais comme un domaine d'action politique crucial qui nous affecte tous.

Il est donc temps que les Européens et les autres grands donateurs agissent. Il est temps que l'aide au développement cesse d'être un budget de bonne conscience. Bien plus, le développement doit être à l'avant-garde des budgets nationaux : un secteur dont les citoyens comme les politiques doivent être fiers. Nous devons respecter nos promesses.

C'est la raison pour laquelle l'Europe, en tant que plus important donateur, doit donner l'exemple et doit réitérer au plus haut niveau les engagements pris en 2005 sous la présidence luxembourgeoise de l'UE.

C'est la raison pour laquelle la Commission européenne proposera le 9 avril de nouvelles mesures sur le volume de l'aide et son efficacité afin d'assurer que nous puissions donner les sommes promises et que nous les dépensions de manière à permettre une vie meilleure aux plus pauvres.

La proposition inclut une offre destinée à établir des prévisions sur une base multiannuelle de l'augmentation de l'aide ; elle permettra aux États membres de montrer comment ils respecteront leur objectif d'augmenter leurs contributions de 20 milliards d'euros supplémentaires à compter de 2010.

Nous en appelons aux États membres de l'Union européenne afin qu'ils soutiennent cette initiative et travaillent ensemble pour que nous puissions retourner sur la bonne voie. Nous avons une chance de réaffirmer nos engagements afin d'atteindre les Objectifs du millénaire pour le développement avant qu'il ne soit trop tard.

Nous sommes la première génération à pouvoir regarder l'extrême pauvreté en face et dire avec conviction : "Nous avons l'argent, nous avons les médicaments et nous avons le savoir-faire." Le véritable défi est notre capacité à mobiliser la volonté politique nécessaire pour tenir nos promesses."