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Justice, liberté, sécurité et immigration
6 ONG luxembourgeoises mobilisent contre une proposition de directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier
08-05-2008


Serge Kollwelter, Armelle OnoLes 6 ONG luxembourgeoises, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), l'Association de soutien au Travailleurs immigrés (ASTI), Caritas, le Comité de Liaison et d’Action des étrangers (CLAE), le CPJMO et le SeSoPi, qui avaient adressé le 29 avril 2008 une lettre ouverte aux députés européens luxembourgeois pour protester contre une proposition de directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ont donné le 8 mai 2008 une conférence de presse sur le même sujet.

Les ONG contre une durée maximale de rétention de 18 mois

Jean Lichtfous, de l’ASTI, qui avait participé le 7 mai à une manifestation européenne à Bruxelles devant le Parlement européen, a qualifié lors de son intervention cette proposition de directive du retour de « directive de la honte ».

Armelle Ono, de l’ACAT, a précisé les deux points qui préoccupent particulièrement les 6 ONG par rapport à la situation actuelle au Luxembourg.

FlyerPremier point : La proposition de directive prévoit une durée de rétention maximale des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier de 18 mois, alors que la loi luxembourgeoise actuelle et le projet de loi sur l’immigration prévoient une durée maximale de 3 mois. Bien que chaque pays soit libre de réduire ou de maintenir la durée maximale de rétention en-dessous de 18 mois, les 6 ONG craignent que la directive n’ouvre la voie à une prolongation de la durée maximale de rétention au Luxembourg.

Deuxième point : les 6 ONG rejettent la possibilité que des mineurs accompagnés ou non accompagnés soient placés en rétention, une possibilité de plus en plus probable selon eux au Luxembourg lorsque le centre de rétention aura été construit.

Une politique commune de l’immigration qui "privilégie le volet répressif"

Serge Kollwelter, de l’ASTI, a signalé et salué que c’est la première fois qu’une directive en matière d’immigration est soumise à la procédure de codécision qui implique, au-delà du Conseil, le Parlement européen. Tout en saluant cette ouverture, il a regretté que l’Union européenne légifère en matière d’immigration "en privilégiant le seul volet répressif". L’objectif des institutions européennes est de jeter les bases d’une politique commune. "Mais", a lancé Kollwelter, "nos organisations ne sont pas si sûres que cette politique commune-là soit la bonne."

Lors d’un échange de vues des ONG avec le député européen Manfred Weber (CSU, PPE), qui est le rapporteur de la directive, ce dernier a mis en avant les avantages d’une politique commune des 27 Etats membres de l’Union européenne en matière d’immigration. Il aurait estimé que plusieurs millions de personnes se trouvaient en séjour irrégulier sur le territoire de l’Union européenne, et comme il était impossible, vu le nombre, de les renvoyer toutes dans leur pays d’origine, il aurait déclaré qu’il faudrait régulariser leur situation.

Quelle est la position des députés européens luxembourgeois ?

Armelle Ono, Jean LichtfousSelon Serge Kollwelter, c’est le député européen Claude Turmes qui avait averti les ONG sur la nature de la directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qui est en discussion depuis deux ans et demi en appelant le 14 mars dernier à une réunion  qu’il avait organisée spécialement à cet effet. Erna Hennicot-Schoepges aurait trouvé que les 18 mois de durée maximale sont exagérés, et Jean Spautz serait prêt à recevoir les ONG et à écouter leurs arguments. Les autres trois députés européens, Robert Goebbels, Astrid Lulling et Lydie Polfer n’ont selon Kollwelter pas encore pris position. Les groupes politiques au Parlement européen seraient quant à eux encore divisés, sauf en ce qui concerne le groupe des Verts et le groupe de la Gauche unitaire européenne.

Discuter en amont des propositions de directive – une question de démocratie sur le plan national

Marie-Ange Schimmer, de l’ASTI, est intervenue sur la dimension démocratique du processus de décision concernant la directive sur le retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Elle trouve que le Luxembourg accuse encore des retards dans l’application du mécanisme sur le plan national. "Bruxelles ne nous oblige-t-il pas à revoir notre culture démocratique ?", a-t-elle demandé après avoir dressé le constat qu’en amont, il n’y pas avait eu de débat à la Chambre des députés sur la proposition de directive ni de discussion sur le mandat du gouvernement au Conseil. "Dans d’autres pays, le parlement donne un mandat très clair à ses gouvernements avant qu’ils n’aillent au Conseil, surtout quand il s’agit d’un problème de société aussi importants." Le risque existe pour Marie-Ange Schimmer que "la Chambre des députés voit son rôle réduit à celui d’une chambre d’exécution législative d’un acte législatif communautaire, sans avoir eu la possibilité d’en débattre au préalable et de prendre position. Or, la où il y a codécision, il y a aussi coresponsabilité."