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Opinion
Les principales motivations du rejet irlandais selon un sondage de la Commission européenne
24-06-2008


Le 12 juin 2008, les Irlandais ont rejeté avec 53, 4 % à une grande majorité le traité de Lisbonne. Aujourd’hui, une semaine à peine après ce vote, une enquête "Flash eurobaromètre" met en lumière les principales motivations de ce rejet, élucide les raisons de l’abstention et analyse la perception des Irlandais sur la compagne référendaire. L’Institut Gallup a été sollicité par la Représentation de la Commission européenne en Irlande pour effectuer ce sondage. Entre le 13 et 15 juin, 2000 Irlandais, âgées entre 18 ans et plus, ont été interrogés par téléphone.

"Pourquoi avez-vous rejeté le traité de Lisbonne ?"

A la question "Pourquoi avez-vous rejeté le traité de Lisbonne ?",  52 % des Irlandais disent ne pas avoir saisi l’entièreté de l’enjeu qui était lié au référendum, 45 % invoquent le manque de temps et  42 % le manque d’information sur le traité de Lisbonne.

Le profil sociodémographique révèle que la proportion de citoyens irlandais qui ont participé au référendum et qui ont rejeté le traité varie fortement en fonction de l’âge et des catégories professionnelles.

Les jeunes entre 18 à 24 ans (64 %) contre seulement (31 %) de leurs aînés, la plupart des ouvriers (6 sur 10) et des employés (51 %) apparaissent dans le sondage comme des tranches de la population qui ont le plus boudé les urnes.

Un même constat vaut également pour les votes. Alors que les jeunes (65 %), les femmes (56 %), les chômeurs (56 %), les femmes au foyer (63 %) et les étudiants (72 %) se sont montrés très sceptiques vis-à-vis du traité de Lisbonne, d’autres catégories professionnelles tels que les indépendants (60 %), les cadres (58 %), les managers (63 %) se sont exprimés majoritairement pour le traité.

Campagne du Oui contre campagne du Non

La grande partie des opinions publiques irlandaises (68 %) estiment que la campagne référendaire du Non était plus convaincante. Un constat qui fut également partagé par ceux qui ont voté pour le traité de Lisbonne (57 %). En revanche, seulement 29 % sont d’avis que la campagne référendaire du Oui était plus convaincante.

Autre enseignement de l’étude : la grande volatilité des opinions publiques. L’enquête Eurobaromètre révèle que l’électorat était très indécis et s’est seulement décidé (55 %) à la fin de la campagne référendaire. L’indécision régnait surtout chez ceux qui ont rejeté le traité et qui se sont décidés durant la campagne référendaire. Une fois l’opinion forgée, les citoyens irlandais étaient peu enclins à changer d’avis. A noter également que le camp du "Oui" a amené le plus de citoyens à changer d’avis.

Les raisons du "Non" et du "Oui"

Les participants du sondage Eurobaromètre ont ensuite été interrogés sur les raisons de leur vote négatif, respectivement positif. 32 % des défenseurs du traité de Lisbonne ont indiqué qu’ils l’ont fait parce que c’"était dans le meilleur intérêt de l’Irlande". 19 % des adhérents ont évoqué les avantages de l’Union européenne pour l’Irlande comme raison décisive. D’autres encore ont considéré que le traité de Lisbonne assurera à l’Irlande la pleine participation au sein de l’Union européenne (9 %), ou qu’il sera favorable à l’économie irlandaise (9 %).

Du côté des nonistes, le manque d’information sur le traité de Lisbonne fut le premier argument à voter non (22 %), suivi par la volonté de préserver l’identité irlandaise, invoquée par 12 % des interviewés.

D’autres raisons concernaient la volonté de maintenir l’indépendance de l’île verte dans les domaines de la sécurité et de la défense (6 %), la méfiance envers les politiciens (6 %), ou encore la volonté de protéger le système fiscal irlandais (6 %). Il est intéressant de constater que des questions comme l’immigration, ou la législation en matière d’avortement et de mariage homosexuel n’ont joué qu’un rôle marginal (respectivement 1 % et 2 %)

Est-ce que les Irlandais ont fait leur choix en toute connaissance de cause ?

L’Eurobaromètre a également relevé des informations sur le degré d’information des électeurs irlandais sur le traité de Lisbonne au moment où ils se sont rendus aux urnes.

Un opposant sur cinq par exemple ne savait pas si le traité de Lisbonne est bien ou non pour l’Irlande. Dans le camp des défenseurs du traité, un Irlandais sur six n’en était pas au courant.

42 % des nonistes estimaient que l’issue du vote n’avait pas un très grand impact sur le rôle futur de l’Irlande au sein de l’Union européenne. Pour les défenseurs du traité de Lisbonne, ce pourcentage fut nettement inférieur : seuls 5 % ont jugé que le référendum n’aura pas d’impact sur la position de l’île verte au sein de l’UE.

De manière plus générale, l’appartenance de l’Irlande à l’Union européenne est largement soutenue par les deux camps. (98 % pour les défenseurs du traité de Lisbonne, et 80 % des adversaires).

L’impact du référendum sur la position de l’Irlande au sein de l’UE

Les participants du sondage furent également questionnés sur les conséquences que le "Non" engendre pour l’Irlande et pour l’Europe. Les réponses peuvent être regroupées dans trois catégories différentes, à savoir "les questions liées à l’Union européenne", "les politiques intérieures irlandaises", et "les problèmes liés au maintien de l’identité irlandaise".

Les questions liées à l’Union européenne

Globalement, 76 % des adversaires du traité de Lisbonne ont considéré que le "Non" permettait à l’Irlande de renégocier des "exceptions" et des opts-outs dans le nouveau traité. Seuls 38 % des adhérents ont partagé cet avis.

Est-ce que le fonctionnement des institutions européennes sera bloqué par un rejet irlandais ? Sur cette question, les réponses des deux camps ne divergeaient que marginalement ; 42 % des défenseurs et 33 % des opposants ont répondu par un oui. Un résultat semblable se présente pour la question si l’Irlande bloquerait la route vers une Europe plus fédérale. 52 % des nonistes et 48 % des défenseurs se rejoignaient sur cette opinion.

La situation se présente autrement sur l’affaiblissement de la position irlandaise au sein de l’Union européenne. 64 % des défenseurs au traité de Lisbonne ont soutenu cette idée, alors que du côté des adversaires, seuls 24 % y ont consenti. 34 % des nonistes ont même estimé que la position de l’Irlande au sein de l’UE serait renforcée par le rejet du traité de Lisbonne (contre 19 %).

Les politiques intérieures irlandaises

En termes de politiques irlandaises nationales, la moitié des défenseurs du traité de Lisbonne ont jugé que le "Non" pourrait avoir des conséquences négatives sur l’économie irlandaise, un souci qui fut uniquement partagé par un sixième des opposants (17 %). Les interviewés ont toutefois épargné leur gouvernement. Seul un quart des nonistes et 9 % des défenseurs du traité de Lisbonne ont souhaité une démission du gouvernement.

Le maintien de l’identité irlandaise

Le résultat négatif du référendum permet à l’Irlande de sauvegarder sa neutralité. Telle était l’opinion d’une grande partie des opposants (83 % en tout), une idée qui était uniquement partagée par la moitié des défenseurs (51 %). Les réponses furent similaires quant à la question si l’Irlande pouvait désormais maintenir son système de taxation spécifique. (79 % pour les opposants, 50 % pour les défenseurs).

Est-ce que le rejet du traité de Lisbonne permettra de maintenir la législation actuelle en matière d’avortement, de mariages homosexuels et d’euthanasie ? Les prévisions furent quelque peu plus pessimistes. Seuls 60 % des nonistes répondaient par un oui, contre 36 % des défenseurs.