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Traités et Affaires institutionnelles
L’Europe est pour Juncker le seul remède contre le retour des vieux démons de l’Europe : "L’absence de la guerre n’est pas la règle. C’est l’inverse."
19-06-2008


Continuation du processus de ratification du traité de Lisbonne ou émergence d’une Europe à deux vitesses ? Europe des dirigeants ou Europe des citoyens ? A la veille du Conseil Européen, le Premier ministre Jean-Claude Juncker et le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, se sont exprimés dans les colonnes du Luxemburger Wort, de la Frankfurter Rundschau, de la Berliner Zeitung et de Libération sur l’agenda du Conseil européen des 19 et 20 juin 2008 et sur l’avenir de l’Europe à la suite du "Non"  irlandais au traité de Lisbonne. Avec des déclarations parfois inattendues.

Jean-Claude Juncker : respecter tous les Etats membres, grands et petits, et continuer le processus de ratification

Au Luxemburger Wort, Jean-Claude Juncker a déclaré que le Non irlandais avait la même signification que les "Non" français ou néerlandais. Selon lui, il ne faut pas opérer de distinction entre les grands et les petits Etats membres. Dire qu’un petit Etat membre ne devrait pas bloquer le processus d’intégration européen, signifie implicitement pour Juncker qu’un grand Etat pourrait le faire. Au Conseil européen, Jean-Claude Juncker attend de son homologue irlandais Brian Cowen qu'il explique les causes du rejet et "esquisse quelques voies de sortie" afin de trouver une solution commune qui permettra de reprendre les Irlandais à bord. Jean-Claude Juncker se montre optimiste qu’une solution commune pourra être trouvée et que l’ensemble des Etats membres se prononceront en faveur de la poursuite du processus de ratification.

La perspective d’une Europe à deux vitesses

Dans une interview au journal français Libération, Jean-Claude Juncker estime que si les propositions irlandaises n'étaient pas suivies par le reste de l'UE, alors la perspective d'une Europe à deux vitesses se renforcerait "Si nous ne trouvions pas cette voie et si nous devions continuer sur la base du traité de Nice que nous disons tous insuffisant pour alimenter la machine communautaire, il faudra alors que nous ayons recours aux coopérations renforcées", poursuit-il. L'émergence d'une Europe à plusieurs vitesses "serait la conséquence logique d'un désaccord", prévient Juncker.

Les Irlandais devront décider par eux-mêmes

Quant à savoir si le recours à un deuxième référendum en Irlande pourrait constituer une solution, Jean-Claude Juncker a déclaré au Rheinischer Merkur, qu’il n’insisterait pas "pour pousser les Irlandais à organiser un deuxième référendum sur le même traité et un éventuel protocole additionnel. Ce serait une manière arrogante de répondre aux problèmes des Irlandais". Et d’ajouter : "Les Irlandais ne réagiront pas aux appels extérieurs, mais ils devront trouver décider par eux-mêmes du chemin qu’ils prendront dans le cadre du processus de ratification."

Jean Asselborn, de son côté, à déclaré à la Frankfurter Rundschau et à la Berliner Zeitung qu’il ne voyait pas comment "la chose pourrait être arrangée sans un deuxième référendum en Irlande". Pour qu’un deuxième référendum puisse réussir, "l’Union européenne pourrait donner à la population irlandaise des garanties et montrer que leurs réticences ne sont pas fondées."      

Le fossé entre ceux qui veulent plus d’Europe et ceux qui trouvent qu’il y a trop d’Europe

Dans le journal "Libération" Juncker, explique le rejet irlandais par "cette ligne de fracture, qui existe dans tous les Etats membres, et qui a trouvé une confirmation brutale en Irlande". Au lieu de parler d’un fossé qui sépare la classe politique et les citoyens, Juncker attire l’attention sur un autre fossé, celui qui oppose 50 % des citoyens qui veulent plus d’Europe et les 50 % qui considèrent qu’il y a trop ou suffisamment d’Europe.

Le problème central réside selon lui à la fois "dans une paresse des gouvernements qui ont renoncé à expliquer l’Europe" et "dans la paresse des citoyens qui sont bien installés dans leur confort national". Il a critiqué l’attitude de certains gouvernements qui légitiment leurs choix par des contraintes communautaires, au lieu d’expliquer aux citoyens  qu’ils ont participé à leur élaboration et "que les chefs d’Etat et de Gouvernement se réunissent pour régler en commun les problèmes", et pas pour qu’il y ait des gagnant et des perdants. Quant aux citoyens, Juncker a estimé qu’ils se retirent souvent dans le domaine privé et manquent d’intérêt pour les autres pays européens et continents, "un double égoïsme national qui fait qu’on n’a plus de regard sur le monde".

Pourquoi y a-t-il nécessité de construire L’Europe ?

Dans Libération, Juncker a mis en garde l’Europe qui ne peut pas se permettre de se "parcelliser" et de se "subdiviser", l’appelant à devenir "une grande région de la planète". C’est simplement et avant tout une question de survie : "Tout nous pousse à l’intégration pour survivre économiquement, culturellement, politiquement, militairement".

Dans le scénario que Juncker dresse de l’avenir de l’Europe, les vieux démons de la guerre et des génocides n’ont pas vraiment quitté le continent. "L’absence de la guerre n’est pas la règle. C’est l’inverse." Dans son analyse, si le projet européen "qui nous permet de régler pacifiquement nos conflits" devait disparaître, cela marquerait le retour tôt ou tard de ces vieux démons ». Pour Juncker, "c’est écrit dans l’histoire, c’est écrit dans le sol européen, c’est écrit dans ses cimetières ". Même s’il admet "que le discours ne passe plus" il conclut que "ce n’est pas une raison pour ne pas le tenir" d’où d’ailleurs l’importance de la perspective européenne des Balkans occidentaux, qui figure à l’ordre du jour du Conseil européen.

La problématique de la hausse du pétrole et des denrées alimentaires

Un autre sujet qui sera abordé au cours du Conseil européen est la hausse des prix pétroliers et des denrées alimentaires, et notamment leurs répercussions sur les catégories les plus vulnérables des populations. Il a été souvent suggéré ces derniers jours que l’Union européenne sera jugée sur sa capacité de s’occuper de ces sujets qui concernent le quotidien des citoyens de tous les Etats membres à partir de la manière dont elle pourra prendre des mesures concrètes et tangibles.   

Au Luxemburger Wort, Jean-Claude Juncker explique à ce sujet qu’il  "était l’un des premiers à exiger que la problématique de la hausse du pétrole et des denrées alimentaires soit inscrite sur l’agenda des ministres". Selon lui, cette initiative permettra de donner un cadre européen à des mesures en faveur des populations les plus démunies au niveau européen, même si ces mesures relèvent en dernier ressort des gouvernements nationaux.