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Éducation, formation et jeunesse - Emploi et politique sociale
Odile Quintin livre sa vision sur la relation entre l'enseignement et le marché de l'emploi
07-07-2008


Odile QuintinComment politique de l'emploi et politique de l'enseignement vont de pair dans un contexte de plus en plus complexe du marché de l'emploi? C'est à cette question que la directrice générale dela DG "Enseignement et Culture" de la Commission européenne, Odile Quintin, a donné une réponse lors d'une conférence du 4 juillet 2008, dans le cadre des Journées nationales pour l'Emploi. Dans son exposé, la directrice générale a insisté sur l'importance de mener une politique de l'enseignement et de la formation intégrée, afin d'accroître l'employabilité des jeunes Européens. Un des mots clés pour la haute fonctionnaire: la formation tout au long de la vie.

Au niveau européen, politique de l'emploi et politique de l'enseignement s'inscrivent dans le cadre plus large de la stratégie de Lisbonne, cette stratégie pour améliorer la croissance et l'emploi dont s'était dotée l'Union européenne en 2000. Parallèlement à la stratégie de Lisbonne, l’Union européenne a engagé une série de processus de réformes, comme le processus de Bologne ou de Copenhague, qui sont à mettre, selon Odile Quintin, en relation avec la stratégie de Lisbonne. Pour elle, les politiques de l’enseignement et de la formation occupent une place de plus en  plus importante dans la stratégie de Lisbonne, et surtout dans la stratégie renouvelée de 2005. Fin 2008, la Commission présentera sa stratégie révisée de manière à ce que l'éducation puisse contribuer à atteindre les objectifs de la stratégie de Lisbonne.

Pour Odile Quintin, ce ne fut pas facile à faire travailler ensemble les mondes de l'éducation avec et de l’économie. "Au début du lancement de la stratégie de Lisbonne, le monde de l'éducation était assez réticent à coopérer avec les domaines de l'emploi", car il avait peur de perdre sa 'pureté' dans le débat lié à l'emploi", a-t-elle expliqué.

Dans le contexte de la stratégie de Lisbonne, une stratégie de coopération pour le domaine de l'enseignement, appelé le "Programme de travail de l'éducation et de la formation 2010", a été élaboré, en fixant des objectifs chiffrés pour chaque Etat membre. Bien que la plupart des Etats membres ait réussi à définir des stratégies cohérentes et globales pour la formation tout au long de la vie (Life Long Learning), "les objectifs sont loin d'être atteints", a avoué Odile Quintin.

Quelle est la situation au Luxembourg?

Odile QuintinQuintin s'est ensuite penchée de manière plus détaillée sur la situation au Luxembourg, ainsi que sur les efforts que le pays devra faire dans les années à venir afin d'améliorer l'employabilité de l'ensemble de sa population.

Avec 63 % en 2007, le taux d'emploi général au Luxembourg reste en effet inférieur à la moyenne européenne et il est loin de l'objectif fixé dans la stratégie de Lisbonne (70 % d'ici à 2010). Dans le domaine de l'enseignement et du taux d'emploi des jeunes, le bilan s'annonce également mitigé pour le Luxembourg: 17,5 % des jeunes âgés de moins de 25 ans n'ont pas d'emploi, contre 15,4 % en moyenne européenne. En matière de réduction du taux des jeunes quittant prématurément les écoles, l'objectif européen prévoit une baisse à 10 %. Le Luxembourg se situe actuellement à 15,1 %. Seulement 70,9 % des jeunes finissent leur parcours scolaire par des études supérieures, contre un objectif de 85 %. "Ce chiffre est d'autant plus inquiétant puisqu'il a baissé de 7 points depuis 2000", a souligné Odile Quintin.

Dans la participation des adultes dans les formations continues, le Luxembourg ne fait pas meilleure figure. Seuls 7 % des adultes participent à des formations continues (contre 9,7 % au niveau européen).

Dans son dernier rapport sur la mise en œuvre de la stratégie de Lisbonne publié en décembre 2007, la Commission a adressé au Luxembourg la recommandation de se diriger davantage vers une formation tout au long de la vie intégrée. "Le Grand-Duché souffre encore d'une trop grande ségrégation entre le système d'enseignement traditionnel, la formation professionnelle et la formation continue", a déploré la fonctionnaire européenne, pour qui "les nouveaux besoins de compétences sur le marché de travail constituent un véritable défi pour les systèmes d'éducation, mais aussi une chance". Pour atteindre les objectifs fixés par la stratégie de Lisbonne, "il faudra mieux exploiter les synergies entre systèmes scolaires et économie", a-t-elle précisé.

Comment faire en sorte que l'éducation contribue à l'employabilité?

Odile Quintin a ensuite pointé les défis que l'Europe en général et le Luxembourg plus particulièrement doivent relever dans le domaine de l'éducation et de l'enseignement, afin d'améliorer l'employabilité.  Au niveau des écoles primaires et secondaires, qui sont « le fondement de tout développement d'enseignement », il faudra mettre un accent particulier sur l'amélioration de la formation des professeurs.

Un autre axe à poursuivre de manière prioritaire est pour Odile Quintin une meilleure intégration des enfants d'origine étrangère. Cela vaut d'autant plus pour le Luxembourg, où "45,5 % des ses jeunes d'origine étrangère sont dans l'abandon scolaire", et accèdent rarement aux études supérieures. "Cette réalité ne nous met pas seulement en face d'un problème d'ordre social, mais également face à un problème de la mauvaise gestion des ressources humaines", a pointé la fonctionnaire.

Dans le domaine de l'enseignement supérieur, il faudra exploiter davantage le potentiel des universités. "Le problème en Europe, c'est que nous avons beaucoup de bonnes universités, mais nous n'avons que peu de très bonnes universités. Une fragmentation qui fait que nous avons rarement la masse critique nécessaire pour attirer l'excellence", a regretté Odile Quintin. Dans son analyse, les universités doivent davantage s'ouvrir aux entreprises.

Elle a présenté deux initiatives européennes récentes, censées faciliter le contact entre monde universitaire et monde économique : un forum permanent pour les universités et les entreprises, et l'Institut européen de Technologies à Budapest, qui met en réseau universités, centres de recherche publics et entreprises. Autre élément qui devra davantage être soutenu selon Odile Quintin: l'investissement privé dans les universités, qui reste assez maigre comparé aux Etats-Unis.

En termes de formation professionnelle, le Luxembourg devra aussi faire des efforts. "La formation professionnelle continue à être considérée comme le parent pauvre de l'enseignement supérieur, alors que ce n'est pas du tout le cas. Une bonne formation technique sera de plus en plus demandée à l'avenir", a insisté Odile Quintin, pour qui, "les formations professionnelles doivent être considérées par les parents et les entreprises comme un potentiel d'employabilité". Dans ce contexte, elle a salué l'initiative luxembourgeoise à établir un cadre des références pour les formations professionnelles.

"La mobilité devrait être la règle"

Finalement, Odile Quintin a également insisté sur la relation entre mobilité et employabilité. Aux yeux de la commissaire européenne, la mobilité joue un rôle clé dans "l'employabilité de demain". Une étude récemment menée par la Commission européenne auprès d'anciens étudiants Erasmus a révélée que des étudiants qui ont participé à un programme de mobilité, trouvent plus rapidement un emploi et des emplois d'une meilleure qualité. "La mobilité devrait être la règle pour tous les jeunes », a insisté Odile Quintin, pour qui « l'employabilité est un des éléments de réussite des programmes de réussite". Elle a déploré que les programmes de mobilité et de formation pour les travailleurs (Grundtvig, Leonardo) soient beaucoup moins connus que les programmes d'échanges pour étudiants, alors que ces programmes touchent aux yeux de la commissaire une catégorie de personnes "qui en a encore beaucoup plus besoin que les étudiants pour acquérir une nouvelle forme de compétence". Le Luxembourg est parmi les pays qui a un des taux les plus bas en ce qui concerne la mobilité des travailleurs.