Le 25 août 2008, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, Jean Asselborn, a tenu à la Bucerius Stiftung à Hambourg le discours d'ouverture de la Bucerius Summer School qui porte cette année sur la gouvernance globale. La Bucerius Summer School, organisée par la fondation "ZEIT-Stiftung Ebelin und Gerd Bucerius, Hamburg" en coopération avec la fondation "Heinz Nixdorf Stiftung, Essen", est modérée par Theo Sommer, éditeur-en-chef de l’hebdomadaire "Die ZEIT". Quelque 150 jeunes diplomates, originaires de tous les continents, participent au programme de deux semaines.
Jean Asselborn a exposé ses vues sur la gouvernance globale, le rôle des nations et les impératifs supranationaux face aux défis mondiaux que sont pour lui le changement climatique, la sécurité énergétique, le terrorisme de masse, la prolifération nucléaire, la montée des prix alimentaires et de l’énergie ainsi que les pandémies telles que le SIDA.
Aucun pays, aussi grand soit-il, ne sera selon Jean Asselborn capable d’affronter ces défis et d’assurer la paix et la prospérité auxquelles les habitants du globe aspirent depuis la deuxième guerre mondiale.
C’est cette aspiration à la paix et à la prospérité qui a conduit dans un premier temps à la mise en place d’organisations internationales telles que l’ONU ou l’Union européenne qui sont toutes les deux les filles d’un même idéal.
Dans ce cadre, un petit pays comme le Luxembourg "a pris au sérieux ses responsabilités" et pose d’ailleurs maintenant sa candidature à un siège non permanent au Conseil de Sécurité pour les années 2013-2014.
Jean Asselborn a ensuite évoqué les nouvelles frontières qui ont émergé dans le cadre de la globalisation, la naissance de nombreux nouveaux Etats en Europe après la dislocation de l’Union soviétique et de la République fédérale de Yougoslavie, les conflits qui y étaient liés et le retour d’un nationalisme tantôt séculier, tantôt se drapant dans des oripeaux religieux.
Face à ces développements, une ONU "qui est l’héritage d’un monde dominé par deux idéologies qui se combattaient et quelques empires coloniaux en déclin" est critiquée pour son manque d’efficacité au cours de l’après-guerre-froide. "Ces critiques ne sont pas entièrement sans fondement" pour Jean Asselborn, qui a plaidé pour une représentation plus adéquate et juste des pays émergents et en voie de développement, notamment au Conseil de Sécurité. Sinon, la grande organisation multilatérale risque l’échec, et "quand le multilatéralisme ne marche pas, l’unilatéralisme risque de prendre le dessus."
D’où pour Jean Asselborn la nécessité de considérer la contribution de l’Union européenne dans les organisations multilatérales, car elle est « un exemple pour le reste du monde », dans la mesure où elle développe des politiques communes dans des domaines qui vont du changement climatique à l’aide publique au développement en passant par l’immigration, la sécurité énergétique ou la lutte contre le terrorisme.
Aves ses 27 Etats, ses plus de 500 millions d’habitants, autant que les USA et la Russie réunis, son haut degré de développement industriel, l’Union européenne représente à chaque fois une masse critique qui peut avoir un effet dans les domaines où elle applique ses politiques.
La politique étrangère de l’Union européenne, basée sur le consensus, reste néanmoins selon Jean Asselborn pour les années à venir un des domaines les plus délicats, où les décisions s’avèrent difficiles. Même si le traité de Lisbonne prévoit plus de compétences pour le Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité, "l’efficacité de la PESC restera toujours une question de volonté politique et de vision commune."
C’est pourquoi Jean Asselborn s’est félicité de l’unité des Européens, qui ont appuyé la Présidence française qui a su faire taire les armes en Géorgie. "Cela a été possible parce que l’Union européenne n’a pas joué au jeu des condamnations, mais a donné la priorité absolue à la paix en Géorgie. Les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont clairement déclaré que l’action militaire ne constituait pas une solution, ni pour la Géorgie, ni pour la Russie, et que la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Géorgie devaient être respectés."
Les événements du 8 août ont néanmoins conduit pour Jean Asselborn à "une évolution dangereuse", puisque c’est la première fois depuis la création de la Fédération de Russie en 1991 que les USA et la Russie sont incapables de se parler à un haut niveau. "Cela est extrêmement négatif, et c’est exactement ici que l’UE joue son rôle qui est de porter les deux pouvoirs à se parler de nouveau. Les temps où nous parlions des ‘bons’ USA et de la ‘méchante ‘Russie ou vice-versa, sont finis".
C’est pourquoi une organisation régionale comme l’Union européenne est, "dans un monde où les conflits de frontières et les guerres civiles à caractère ethnique sont la source de conflit la plus répandue", un antidote important contre le recours à l’action violente. L’Union européenne a tiré les conséquences de ses insuffisances lors des guerres en ex-Yougoslavie et Jean Asselborn s’est montré convaincu que ce sont les perspectives européennes ouvertes en 2003 à Thessalonique aux anciennes républiques yougoslaves qui ont dissuadé en 2008 la Serbie de recourir aux armes lorsque le Kosovo a unilatéralement proclamé son indépendance.
De ce fait, l’Union européenne est pour les Balkans, "et dans une moindre mesure pour les anciens pays communistes de l’Europe de l’Est", synonyme de paix. Une paix qui est pour les jeunes de l’Europe de l’Ouest une évidence au point que "pour la plupart des citoyens de l’Union européenne, la guerre est tombée dans l’oubli." D’où vient ce fait qui rend l’UE si unique ? Pour Asselborn, cette paix est due à "sa diversité, sa tolérance, sa liberté, son ouverture, symbolisée par l’absence de frontières intérieures."
Et de conclure en citant un extrait de la stratégie européenne de sécurité: "Ceci est un monde fait de nouvelles menaces mais aussi de nouvelles opportunités. L’Union européenne a le potentiel d’y contribuer de manière décisive, soit en affrontant les menaces, soit en aidant à en réaliser les opportunités. (...) En agissant ainsi, elle contribue à un système multilatéral efficace qui conduira à un monde plus juste, plus sûr et plus uni."