Yves Mersch, le président de la BCL, a présenté, le 11 septembre 2008 le Bulletin BCL 2008/1 de la Banque centrale du Luxembourg.
Dans un premier temps, il a évoqué les décisions de politique monétaire prises dans la zone Euro, et notamment la décision prise par la BCE en juillet 2008 de hausser les taux d’intérêt pour renforcer la stabilité des prix à moyen terme. Il s’agit pour Yves Mersch d’une "décision qui s’est avérée judicieuse", puisque de juillet à août 2008, le taux d’inflation est passé de 4 à 3,8 %. Cependant, la situation reste selon le président de la BCL tributaire des prix de l’énergie et des produits alimentaires, mais aussi de l’évolution des salaires qui marquent une tendance à la hausse dans un contexte de ralentissement de la croissance et de baisse de la productivité. Il est donc fort probable que le taux d’inflation se maintienne à un niveau qui serait à considérer comme dépassant les normes de stabilité des prix.
La croissance dans la zone Euro a été révisée vers le bas pour 2008, et évoluera autour de 1,4 %. Cela n’exclut pas que certains pays auront sur deux trimestres successifs des chiffres négatifs.
En ce qui concerne le Luxembourg, Mersch a déclaré que la "principale observation qu’il fallait faire est que l’inflation se développe de manière très défavorable." L’IPCN, l’indice des prix à la consommation national a battu avec 4 % au 2e trimestre 2008 un nouveau record. Mais ce qui est encore plus inquiétant est que cet indice corrigé, donc calculé sans les prix de l’énergie, reste également très élevé avec 2,7 %. Cette évolution montre selon Yves Mersch «que des produits autres que ceux de l’énergie ont un impact sur l’inflation. » Ce taux d’inflation hors énergie pourrait diminuer en 2009, mais persistera à un niveau élevé, ce qui met le Luxembourg « en dehors des normes qui garantissent sa compétitivité» et "met en cause son potentiel de croissance". D’où aussi ses doutes quant à la continuité du rythme actuel de création d’emplois.
Si donc la hausse des prix alimentaires persiste, si certains chocs extérieurs continuent à se transmettre de manière particulière sur l’économie luxembourgeoise, si l’inflation hors énergie ne baisse pas, si le recours à l’indexation des salaires continue pour compenser les pertes de pouvoir d’achat, si dans ce contexte l’impact des salaires sur les prix des services conduit à ce que les prix de ces services soient plus élevés que dans d’autres pays, la productivité luxembourgeoise baissera.
La baisse de la productivité luxembourgeoise depuis un an ne semble pas "soutenable" pour Mersch. S’il y a baisse de la croissance, l’on ne peut pas s’attendre au même rythme de création d’emplois. Il a donc souligné "le besoin d’ajustement et de modération salariale" à un moment où il n’y a pas encore eu de retombées de la crise financière sur l’économie réelle.
Pour Yves Mersch, les récents sondages européens ont cependant révélé l’intérêt que les Luxembourgeois portent à la stabilité des prix. Pour le président de la BCL, cette attitude devrait constituer "un signal clair pour le monde politique et syndical qu’il faut prendre des mesures pour lutter contre l’inflation." Cela est pour Mersch d’autant plus vrai et urgent que le différentiel d’inflation cumulé entre le Luxembourg et la zone Euro tend vers les 3 % et que l’écart cumulé entre le Luxembourg et ses pays limitrophes est de 6,5 %.
En 2007, la croissance de l’emploi aura été de 5 % alors que la croissance économique n’affichait que la moitié de ce taux. Et dans le secteur financier, l’emploi continue de croître malgré les turbulences du moment. Cela s’explique selon Mersch par la mise en œuvre de décisions antérieures et par le transfert massif de fonds vers le Luxembourg, dont la gestion a nécessité de nouveaux engagements. Mais le manque de 3000 salariés dont il avait été question en 2007 sera compensé d’ici fin 2008. Le risque d’un retournement de la situation n’est pas à exclure quand les effets conjoncturels de la crise actuelle se feront sentir. Yves Mersch compte revenir sur cette question en décembre 2008.
Répondant à des questions touchant l’indexation des salaires, Yves Mersch a expliqué que selon lui, celle-ci n’est pas seulement un mécanisme qui compense la perte du pouvoir d’achat, mais qui affecte toute l’économie. Comme le Luxembourg participe à une union monétaire, il ne peut pas dévaluer, de sorte que les prix montent réellement avec les salaires. "Le Luxembourg peut-il prendre une direction oppsoée à celle des autres membres de cette union monétaire ?", demande-t-il. Il faut selon lui créer du capital pour la croissance future et éviter le cercle vicieux de la hausse des salaires et des prix. L’inflation ne doit pas persister à cause de ce mécanisme particulier luxembourgeois qui n’est pas compatible avec l’exigence de compétitivité.
Partant du constat que l’emploi stagnait dans l’industrie, dans la construction et dans les banques, alors que la compétitivité baissait, Mersch a prédit un ralentissement de la création d’emplois tant que les salaires resteraient élevés, et ce malgré l’avantage que constituent des frais sociaux comparativement plus bas. Les premiers à en pâtir seront les salariés plus âgés et ceux qui sont difficiles à placer. Seules les perspectives pour les jeunes résidents du Luxembourg sont un peu plus roses, sous réserve de nouveaux dangers, car leur qualification s’est améliorée selon Yves Mersch depuis que le système scolaire luxembourgeois a fait des efforts d’adaptation.
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, avait la veille des déclarations d’Yves Mersch défendu le maintien de l'indexation au Luxembourg.
"L'indexation, qui a résisté aux assauts (en faveur) de sa suppression dans deux ou trois de nos pays (européens), notamment en Belgique et au Luxembourg, a ses vertus si le système est appliqué avec mesure", avait dit Juncker, cité par l’AFP. Il avait ajouté : "Si nous sommes confrontés à une inflation trop élevée, l'indexation évidemment nuit à la compétitivité", mais "au Luxembourg nous avons su avec les partenaires sociaux mettre en place un système qui fait que (...) si l'inflation est trop élevée, l'indexation ne joue pas de façon intégrale".