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Politique étrangère et de défense
Le 21 octobre 2008, le ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, a fait une déclaration à la Chambre des députés sur la situation en Géorgie qui fut suivie d’un débat
21-10-2008


Depuis l’éclatement d’un conflit armé entre la Géorgie et la Russie et l’obtention par l’Union européenne d’un cessez-le-feu, la situation en Géorgie concerne la sécurité européenne et donc le Luxembourg. Partant de ce constat, Jean Asselborn a décrit l’engagement du Luxembourg pour que le processus de stabilisation de la région aboutisse. "Si les armes se taisent en Géorgie, c’est grâce à l’Union européenne qui a mené la seule action crédible et efficace" a déclaré le chef de la diplomatie luxembourgeoise. "La Russie et les USA ont accepté l’action de l’Union européenne, car elle partait d’une approche équilibrée", a-t-il ajouté, et ce dans un conflit "que la Géorgie a commencé et où la réaction de la Russie a été disproportionnée." Ce n’est pas la recherche d’un coupable qui doit intéresser l’Europe, mais le maintien du cessez-le-feu, l’aide humanitaire et la stabilité de la région.

La mission d’observation de l’Union européenne

Jean Asselborn a évoqué le déploiement rapide de 300 membres de la Mission d’observation européenne, dont 2 policiers expérimentés luxembourgeois qui sont stationnées du côté de Gori avec des collègues français, polonais, bulgares et maltais. Le Luxembourg a aussi contribué au transport aérien de véhicules blindés avec lesquels la mission se déplace sur le terrain. Cet engagement de l’Union européenne a fortement contribué au retrait des Russes vers leurs positions antérieures à la guerre.

La Commission d’enquête sur les origines du conflit

L’idée d’une commission d’enquête sur les origines du conflit qui avait été retenue dès le mois de septembre par le Conseil vient d’être soutenue par une lettre des ministres des Affaires étrangères allemand, belge, luxembourgeois et néerlandais qui contient des propositions de mise en place de cette commission.

L’aide aux réfugiés

Jean Asselborn a ensuite évoqué la situation des réfugiés, dont le nombre tend, selon un dernier rapport de l’UNHCR, à diminuer, bien que 35 000 se retrouvent encore sans toit. Le Luxembourg a contribué par des sommes virées à la Caritas, à la Croix-Rouge, à l’ONG Care et au Programme alimentaire mondial à l’aide aux réfugiés sur place.

Pour le Luxembourg, les régions dissidentes font partie de la Géorgie

Du point de vue du droit international, le Luxembourg reste d’avis que les régions dissidentes d’Ossétie du Nord et d’Abkhazie qui ont unilatéralement déclaré leur indépendance font partie du territoire de la Géorgie, selon les termes de la résolution 1808 du Conseil de sécurité d’avril 2008, à laquelle la Russie a également donné son vote et qui reconnaît l’intérité territoriale de la Géorgie. De l’autre côté, il faut selon Jean Asselborn admettre que, malgré l’indépendance, un conflit a éclaté qui a été provoqué par la Géorgie, et pas par la Russie. Le fait que de premiers mais difficiles contacts pour des discussions internationales ont pu être noués à Genève le 14 octobre 2008 est à considérer comme un succès diplomatique. Ces discussions seront reprises le 18 novembre.

L’agenda pour la reconstruction et la stabilisation de la Géorgie

Entretemps, l’Union européenne s’engagera pour la reconstruction à long terme de la Géorgie, notamment à travers une somme de 500 millions d’euros à laquelle s’ajouteront les contributions qui pourront être rassemblées à la conférence des donateurs qui se tiendra le 22 octobre 2008 à Bruxelles. D’autres rendez-vous sont la réunion ministérielle de l’OTAN de décembre, au cours de laquelle le Luxembourg optera pour qu’une évaluation de la candidature de la Géorgie soit pratiquée, mais qu’aucune décision ne soit prise. Ensuite, il y aura une réunion ministérielle de l’OSCE qui opère depuis 1992 dans la région et dont la mission devrait être renforcée par 80 observateurs supplémentaires dans les provinces dissidentes, des observateurs libres de leurs mouvements, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Pour de bonnes relations avec la Russie

Après avoir défini le cadre pour une sortie de la crise géorgienne, Jean Asselborn a réitéré son engagement pour de bonnes relations avec la Russie. "Le Luxembourg est contre la confrontation et la distanciation avec la Russie. Il est au contraire pour qu’un bon accord de partenariat entre la Russie et l’Union européenne soit négocié qui empêche que dans le futur, l’on ne recoure pas aux armes pour résoudre des différends entre pays", a-t-il souligné.

Le débat : les députés luxembourgeois d’accord sur la nécessité de ne pas précipiter l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN et de garder de bonnes relations avec la Russie

Lors du débat qui a suivi l’allocution de Jean Asselborn, une position unanime s’est dégagée de l’ensemble des interventions des différents partis politiques : il ne faudra pas précipiter l’adhésion de la Géorgie à l’OTAN.

Laurent Mosar, député du CSV, a émis des doutes sur la capacité de la commission d’enquête de retracer les origines de la crise, réussira. "La clarification sera difficile", a-t-il estimé. Aux yeux du député, la Russie a réagi de manière trop violente. Mais il s’est prononcé contre d’éventuelles sanctions contre Moscou. La donne a changé dans le Caucase, et l’Union européenne doit accepter cette nouvelle situation. Pour Mosar, cette nouvelle situation peut présenter un grand risque, mais aussi une grande chance pour la politique étrangère de l’Union européenne. "Il faudra tirer leçon des événements", a-t-il insisté. Plus loin, le député a estimé que l’Union européenne ne devra pas "attiser des espoirs qu’elle ne pourra pas remplir", mais déployer sa politique de sécurité commune (PESC) qui est le meilleur moyen de conjurer les angoisses qui sont nourries à l’égard de la Russie dans les pays ex-soviétiques. La PESC  plutôt que l’OTAN, qui est perçue par la Russie comme "une menace et une agression".  

Charles Goerens, député du DP, a parlé d’un "triple échec et d’une victoire douteuse de l’Union européenne" dans cette guerre qui a opposé la Géorgie à la Russie. Echec d’abord au plan humanitaire. Beaucoup de victimes civiles, des centaines de milliers de personnes déplacées, insécurité dans les régions concernées : le bilan s’annonce sombre selon le député libéral. Un deuxième échec est pour Goerens l’échec des institutions : tant au niveau du Conseil de l’Europe, qu’au niveau de l’OSCE et de l’OTAN. Un troisième échec sont les relations entre la Russie et les USA, l’OTAN, avec "des torts partagés". Le député libéral a mis en cause "l’expansionnisme de l’OTAN face à une Russie dont le budget militaire ne représente que 10 % du budget militaire américain".  Rendant hommage à l’action de Nicolas Sarkozy, il s’est interrogé si ce dernier "a obtenu ses succès du fait de sa fonction de Président de la France ou de président du Conseil européen ? Je ne pense pas que le poste de président du Conseil européen ait compté beaucoup", a-t-il conclu tout en demandant  "la tenue d’une Conférence sur l’Europe comme il y en a eu dans les années 70 où l’on tablerait toutes les questions qui restent ouvertes."  

Le député socialiste Ben Fayot (LSAP), s’est interrogé sur trois questions. Le futur de la Géorgie d’abord. D’après lui, il importe en première ligne, de faire de la Géorgie un Etat démocratique et d’assurer son développement économique. L’adhésion de la Géorgie à l’Union européenne fut le deuxième point soulevé par Fayot. L’Union européenne ne devra pas "commettre les mêmes erreurs qu’auparavant", c’est-à-dire soulever des espoirs de la Géorgie pour une adhésion rapide, si elle n’est pas capable de tenir ses engagements. Finalement, le député socialiste s’est soucié des relations de l’Union européenne avec la Russie. "Nous ne pouvons pas savoir qui a agi comment et pourquoi. Mais la réaction de la Russie a été trop violente pour une nation qui veut participer aux échanges internationaux", a-t-il avancé. Tout comme Mosar, Fayot s’est malgré tout prononcé clairement contre des sanctions éventuelles de la Russie. Il faudra bien plus faire avancer les négociations autour du projet de partenariat avec Moscou.

Pour Jean Huss du parti des Verts, bien que "le conflit ait éclaté de manière impromptue", il était toutefois prévisible. "Malgré cela, l’Union européenne n’était pas préparée", a-t-il critiqué. Il s’est ensuite attaché aux raisons du conflit, diverses selon lui. Il a d’abord cité le système anti-missile qui sera installé en Pologne, les nombreuses livraisons d’armes à la Géorgie et à l’Ukraine, par lesquels Moscou se sentait menacé. La perspective d’adhésion de la Géorgie à l’OTAN ainsi que la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo furent pour le député vert deux autres éléments qui ont alimenté le conflit. Jean Huss a finalement douté de l’efficacité de la conférence de Genève, supposée trouver un compromis sur le conflit.

Jacques-Yves Henckes de l’ADR s’est demandé si les aides humanitaires et militaires que l’Union européenne est en train de déployer en Géorgie amèneront les résultats attendus et aideront à stabiliser la Géorgie politiquement et économiquement. "Les entreprises qui s’étaient installées en Géorgie l’avaient uniquement fait en vue de pouvoir exporter en Russie. Elles ne vont pas tarder à se délocaliser depuis que la Géorgie a quitté la Communauté des Etats indépendants", a-t-il affirmé. Rejetant l’adhésion d’une Géorgie qui n’est pas une vraie démocratie, qui jugule la liberté d’expression et persécute son opposition, Henckes a lui aussi plaidé pour de bonnes relations avec la Russie.