Au Luxembourg, l’Objectif Plein Emploi, OPE, est un des principaux vecteurs de l’économie solidaire. Le 9 octobre 2009, son président John Castegnaro, et son administrateur délégué, Robert Biever, ont présenté à la presse deux propositions de loi qu’OPE a élaboré lors d’un projet de recherche cofinancé à raison de 250 000 euros par le Fonds social européen FSE. (voir le reportage d’Europaforum.lu sur ce sujet).
L’objectif d’OPE: réformer et optimiser le fonctionnement de l’économie solidaire au Luxembourg. Les deux propositions de lois s’articulent autour de deux idées principales. La première concerne la réforme du statut des entreprises de l’économie solidaire, qui ne sont ni des entreprises de marché ni de simples initiatives pour l’emploi. C’est pourquoi OPE propose de créer un statut spécifique, celui des associations d’intérêt collectif. Et dans une deuxième proposition de loi, OPE revendique la création d’un Fonds social pour l’économie solidaire.
Avant de rédiger les propositions de loi, OPE a mené une étude de faisabilité qui a été cofinancée par le FSE. "Tout a commencé avec une proposition que nous avons fait au ministre du Travail François Biltgen de travailler sur ce sujet", a expliqué Robert Biever, l’administrateur délégué d’OPE.
Pourquoi une telle étude sur le changement du statut des entreprises solidaires s’est-elle révélée nécessaire ? Depuis cinq ans, le gouvernement luxembourgeois travaille sur le projet de loi 5144, qui a pour objet de lutter contre le chômage social. Cette loi devrait réglementer toutes les initiatives qui tombent sous la catégorie "mesures pour l’emploi". Ce projet de loi 5144 prévoit un changement de leur statut juridique pour les entreprises qui exercent des activités socio-économiques après une phase transitoire de six ans.
Le nouveau statut prévu par le projet de loi 5144 donnerait aux entreprises de l’économie solidaire le statut de société commerciale. Mais aux yeux des responsables d’OPE, cette solution n’est pas adaptée, car une entreprise solidaire se caractérise par le fait qu’elle ne poursuit pas des buts lucratifs, à l’instar d’une a.s.b.l.. Ceci dit, le statut d’une a.s.b.l. traditionnelle n’est pas adapté non plus, même si elle constitue pour OPE une "référence de prédilection", qui peut être élargie et améliorée selon les besoins d’une entreprise solidaire.
Avant de mettre sur papier leurs propositions, les responsables d’OPE sont également allés s’inspirer dans d’autres pays européens. "Dans la plupart des pays européens", a témoigné Biever, "de telles initiatives existent déjà. Mais nous avons pris une approche différente. Au lieu de décliner, à partir d’un statut préexistant, comme la coopérative, des initiatives plus sociales, nous avons décidé de créer un nouveau statut d’association et de construire autour un cadre qui lui permette de fonctionner dans un cadre socio-économique", a-t-il expliqué.
OPE propose donc un troisième statut : celui d’une association d’intérêt collectif (a.i.c.). La caractérisation de "l’intérêt collectif" dérive du fait que les entreprises de l’économie solidaire fournissent des services qui ont un caractère d’utilité générale pour les citoyens et la société.
Robert Biever a énuméré les caractéristiques qui différencieront une association d’intérêt collectif d’une association sans but lucratif traditionnelle : Elle devra promouvoir le développement local et le développement durable, et favoriser la cohésion sociale. L’a.i.c. se caractérisera aussi par les méthodes de la démocratie participative et de la cogestion. Mais selon l’administrateur délégué, une a.i.c. insistera également sur l’importance de la formation tout au long de la vie et devra faire du bien-être au travail une culture d’entreprise.
La deuxième proposition d’OPE est celle de créer un "Fonds pour l’économie solidaire". Aujourd’hui, la principale source de financement d’OPE est le Fonds pour l’Emploi, qui est alimenté par le ministère du Travail. L’autre partie est fournie par les syndicats, commerçants, associations sociales, qu’on appelle les "forces vives locales". Les activités d’intérêt collectives menées par les entreprises de l’économie solidaire englobent pourtant une série très large d’activités dans les domaines du développement durable, de la culture, de la formation et de l’éducation et d’autres. C’est pourquoi Romain Biever et John Castegnaro estiment que le financement d’OPE devrait être diversifié. A leurs yeux, chaque ministère devrait mettre à disposition une partie du budget. Selon Biever, la gestion du futur fonds devra être prise en charge par un groupement interministériel de gestion.
"Si nos deux projets deviennent réalité, je suis convaincu qu’ils auront un très grand écho non seulement auprès des acteurs luxembourgeois, mais également au niveau international", a estimé Robert Biever, pour qui le Luxembourg "ferait également un grand pas en avant" en adoptant les deux propositions.
Deux possibilités s’offrent maintenant à OPE pour déposer leur projet. Les responsables peuvent soit le soumettre à François Biltgen, qui pourrait en faire un projet de loi, soit John Castegnaro, en sa fonction de député à la Chambre, pourrait le déposer en tant que proposition de loi. C’est vers la première option que tendent pour l’instant Biever et Castegnaro. "Sur base des bonnes relations avec le Ministère du Travail et de l’Emploi, nous pensons qu’il est correct de demander l’avis du ministre", a jugé Castegnaro. En guise de conclusion, il a insisté : "Nous avons fait un devoir à domicile très important. Je veux maintenant mettre au point avec le ministre sur quel chemin nous pourrons nous engager maintenant." Et d’ajouter : "mais l’important pour nous, c’est d’avancer dans ce dossier".