"Y a-t-il vraiment un problème institutionnel ?", s’est interrogé Hans Peter Schiffauer, pour qui la question des institutions européennes est intrinsèquement liée à leur dimension démocratique. Le premier constat qu’il a dressé est que l’architecture institutionnelle de l’UE a connu peu de modifications depuis ses origines et qu’il y a un besoin de réformer les institutions de l’Union élargie.
En remontant dans l’histoire de la construction européenne, il a estimé que l’instauration de l’élection directe du Parlement européen a apporté une modification importante dans la composition et le fonctionnement des institutions européennes. Dans son analyse, la fin de la Guerre froide apparaît comme un événement historique déclencheur qui "a ouvert la voie à la paix".
Une étape importante a également été franchie avec le traité de Maastricht en 1992 et l’instauration d’une Union monétaire et économique. Ce traité, dont l’objectif principal était "d’adopter les structures à l’élargissement de l’UE", a posé les jalons d’un espace de liberté en supprimant les droits de douane et en instaurant la libre circulation des biens et des services. Le traité UE a renforcé l’activité intergouvernementale en instaurant une politique étrangère et de sécurité commune et une coopération dans le domaine des affaires judicaires et intérieures.
Vint ensuite le traité de Nice de 2001 qui prévoyait déjà dans ses conclusions l’organisation d’une conférence intergouvernementale (CIG) qui visait "qu’un débat s’engage sur l’avenir de l’UE", surtout en ce qui concerne les règles internes au Conseil.
Conformément au Conseil européen de Laeken de 2001, une nouvelle méthode a été retenue pour préparer la prochaine CIG : la Convention. Elle se démarquait par rapport aux autres conventions en ce sens qu’elle rassemblait des représentants des gouvernements nationaux, des parlements nationaux des Etats membres et des représentants du Parlement européen et de la Commission européenne. La convention sur l'avenir de l'Europe, présidée par Valéry Giscard d'Estaing, s’est ouverte en 2002 à Bruxelles. Dix-huit mois plus tard, elle a produit un projet de Constitution pour l'Europe, visant à renforcer l'efficacité et la légitimité d'une Union élargie à dix nouveaux pays
En 2005, le projet de Constitution européenne a été rejeté par les Français et les Néerlandais par voie référendaire et a plongé l’UE dans une crise institutionnelle. Une solution s’imposait. Elle est venue en 2007 avec le traité de Lisbonne qui, comme l’a souligné Hans Peter Schiffauer "reprenait les principales avancées du traité constitutionnel".
Les exemples qui illustrent que les instructions européennes fonctionnent, ne manquent pourtant pas selon Hans Peter Schiffauer. Pour étayer son argumentaire, il a cité la directive REACH, une panoplie de textes législatifs pour lesquels les institutions européennes ont réussi à trouver un équilibre entre, d’une part, les intérêts de l’industrie et d’autre part, les défenseurs de l’environnement. Le rôle que l’UE a joué dans la crise géorgienne et dans la crise financière, sont d’autres exemples qui illustrent selon lui la capacité de l’UE de parler d’une seule voix sur la scène internationale.
Résoudre les problèmes institutionnels de l’UE nécessite, selon Hans Peter Schiffauer, de mettre en place des instruments efficaces. Parmi les principales avancées du traité de Lisbonne, Hans Peter Schiffauer a notamment cité la création d’un poste de Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, qui fusionne les postes du Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et du Commissaire européen chargé des relations extérieures. Le Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité préside désormais le Conseil des affaires étrangères, qui réunit tous les ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne. En tant que "pair des ministres, il disposera d’un pouvoir de parole qui est très important dans nos sociétés démocratiques", a estimé Hans Peter Schiffauer.
La création d’un service diplomatique européen favorisera également le développement « d’une politique extérieure commune ainsi que la cohérence et l’unité de l’action extérieure de l’Union européenne ».
S’ajoute également que le traité de Lisbonne octroie la "personnalité juridique" à l’Union européenne.
Le deuxième chantier identifié par Hans Peter Schiffauer est celui de la liberté de circulation des personnes. Dans ce domaine, il a estimé que " le défaut de coordination limitait l'action de l’Union européenne contre les réseaux de criminalité internationaux et l’immigration illégale".
Autres avancées significatives qui ont été citées par Hans Peter Schiffauer : le traité de Lisbonne clarifie les responsabilités politiques qui incombent aux institutions et fait de la lutte contre le changement climatique une priorité.
Quelle solution faut-il apporter aux institutions ? Hans Peter Schiffauer, a évoqué la solution fédéraliste avec le traité de Lisbonne qui "dispose d’une double légitimité politique parce qu’il découle du résultat de la Convention".
Hans Peter Schiffauer a estimé "que le traité de Lisbonne n’est pas encore mort". Car contrairement a ce qui c’est passé avec l’échec de la Communauté européenne de défense (CED) en 1954, et malgré les deux votes négatifs au projet de traité constitutionnel en France et aux Pays-Bas et le rejet du traité de Lisbonne en Irlande, force est de constater que "la discussion sur le Traité de Lisbonne n’a jamais cessé". Hans Peter Schiffauer y décèle un signe" qui annonce l’émergence d’un véritable espace politique européen". Il s’agira aux Européens de trouver une solution commune pour sortir de la crise et d’empêcher un éclatement de l’UE. Il s’est montré optimiste "qu’une deuxième consultation directe de la population irlandaise soit possible".