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Economie, finances et monnaie
"Crise financière et économique – Quelles réponses politiques au Luxembourg ?"
30-01-2009


Jeannot Krecké, Claude Simon, Yves Mersch, Franz Fayot, Marc Solvi, Jean-Jacques RommesSuivant sa propre devise "cultiver le débat", la Fondation Robert Krieps a organisé, le 29 janvier 2009 dans les locaux de l’Abbaye de Neumünster, une conférence-débat publique intitulée "Crise financière et économique – Quelles réponses politiques au Luxembourg ?" A l’ordre du jour : une discussion sur la crise financière en présence d’autorités nationales et d’acteurs économiques luxembourgeois. Jeannot Krecké, ministre luxembourgeois de l’Économie et du Commerce extérieur, Yves Mersch, président de la Banque centrale du Luxembourg, Jean-Jacques Rommes, directeur de l’Association des Banques et Banquiers, Claude Simon de la Commission de surveillance du secteur financier, et Marc Solvi, Chief Executive Officer de Paul Wurth S.A., ont tenté de donner quelques premiers éléments de réponses.

Jeannot Krecké : "La crise est un défi"

Après la présentation d’un récapitulatif de la crise financière par l’animateur du débat, Franz Fayot, le ministre de l’Économie et du Commerce extérieur, Jeannot Krecké a déclaré devant une salle bien remplie et en présence de nombreux jeunes que "la crise représente un défi", dont il aurait néanmoins "préféré se passer". Il a salué que "la suppression d’emplois ne prend pas des dimensions trop dramatiques au Luxembourg" tout en espérant que le pays "s’en sortira aussi bien à l’avenir" et qu’il soit bien "préparé une fois que la crise sera terminée".

"Dans le cadre du paquet conjoncturel", a expliqué Jeannot Krecké, "nous ne pouvons rien faire pour favoriser les exportations, seulement essayer d’agir de façon plus coordonnée sur le plan européen" et "de diminuer les frais par le biais du travail à temps réduit." Il a ajouté qu’il est maintenant nécessaire de "renforcer le pouvoir d’achat pour renforcer le commerce."

Claude Simon : "Faire l’autruche ne sert à rien"

Claude Simon, de la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) a alors constaté que "la politique a Jeannot Krecké, Claude Simonmontré qu’elle peut si elle veut." Il a souligné qu’il faudra prendre "les bonnes mesures pour regagner la confiance des gens", notamment en investissant dans les infrastructures et dans les écoles, et en baissant les impôts. "Faire l’autruche ne sert à rien", a-t-il ajouté, "mais il faut développer des stratégies de croissance à long terme et veiller à ne pas faire fausse route."

Jeannot Krecké a ensuite déploré que les mesures prises jusqu’à présent ont été "adaptées aux intérêts nationaux" mais qu’il n’y avait pas "d’actions coordonnées". Il a constaté qu’"au sein de l’Eurogroupe, il y a 16 pays différents avec leurs propres intérêts qui ne sont pas toujours conciliables." Pour ce qui est du programme de relance conjoncturelle, il a insisté sur le fait qu’"on doit agir de façon ordonnée et qu’on doit être patient parce que cela prend du temps pour réorienter les gens et les entreprises. Pour qu’il y ait une prise de conscience chez les gens, il faut insister et se répéter."

Jeannot Krecké : "Je ne prends plus au sérieux certains analystes et managers"

Le ministre luxembourgeois de l’Économie et du Commerce extérieur a ensuite abordé les causes de la crise financière. "Vu de loin", a-t-il déclaré, "de nombreuses choses se sont passées qui n’auraient pas dû se passer." Il a alors attribué une certaine responsabilité à la Federal Reserve, la Banque centrale des Etats-Unis, et au fait que "les accords de Bâle II (n. d. l. r. accords signés en 2004 par les gouverneurs des banques centrales pour fixer la réglementation bancaire) n’aient pas été appliqués de façon conséquente." Faisant référence à l’affaire Madoff, il pense que "certaines choses sont inexcusables", et il a ajouté : "Cela me dépasse qu’aucune régulation n’a su l’empêcher. Je ne prends plus au sérieux certains analystes et managers."

Yves Mersch : "L’excroissance d’un capitalisme financier"

Yves MerschYves Mersch, président de la Banque centrale du Luxembourg (BCL), a présenté la crise financière comme "l'excroissance d’un capitalisme financier, qui a d’abord apporté une énorme croissance au monde occidental, mais qui s’est accéléré et finalement écroulé." Il a expliqué que "personne n’a plus épargné son argent aux Etats-Unis, ni les gens, ni les entreprises, ni l’Etat. Cependant, les gens en Chine ont épargné leur argent et l’ont investi aux Etats-Unis. Cela a créé un énorme déséquilibre au niveau mondial."

Le président de la BCL a ajouté que "toutes les personnes compétentes ont été drainées vers le secteur financier, tandis que l’économie réelle n’a plus trouvé de personnes compétentes. Mais nous pouvons seulement sortir de la crise si nous rétablissons les banques, sans lesquelles l’économie réelle ne peut pas fonctionner." Selon Yves Mersch, "les banques centrales doivent être impliquées dans la surveillance du secteur financier pour pouvoir maintenir la stabilité des prix, et il faut plus de coopération dans la surveillance."

Yves Mersch a ensuite dénoncé la faiblesse du système qui faisait qu’"il y avait trop de personnes autour de la table". En parallèle, "le flux d’informations des pays voisins vers le Luxembourg n’était pas optimal." Il pense qu’il faut "des institutions européennes, puisque nous avons une monnaie européenne, et les pays ne peuvent donc pas construire des forteresses pour se protéger." Et de conclure : "Il nous faut plus de coopération et plus de coordination."

Claude Simon a alors rétorqué que "la crise a montré qu’il n’y pas de ‘meilleur modèle’ et que la concentration de pouvoir (n. d. l. r. dans les mains des banques centrales) n’est pas bonne." Il a suggéré de coopérer à l’avenir mais de ne pas philosopher sur un modèle européen."

Jean-Jacques Rommes : "Nous ne pouvons pas ignorer la dimension européenne"

Jean-Jacques Rommes, directeur de l’Association des Banques et Banquiers (ABBL), a ensuite constaté que "le monde des crédits était gonflé, mais il va se dégonfler maintenant. L’ABBL", a-t-il ajouté, "a souhaité une séparation de la BCL et de la CSSF, parce que les deux jouent un rôle politique différent. Mais comme nous ne pouvons pas ignorer la dimension européenne, nous souhaitons un ‘eurosystème de la surveillance’. Cette mesure est particulièrement nécessaire pour éviter que l’ensemble des banques européennes soient surveillées par les grands pays comme la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie."

Marc Solvi : "La fonction primaire des banques a été détournée de ses objectifs initiaux"

Marc Solvi, Chief Executive Officer de Paul Wurth S.A, a ensuite constaté que "la prise de conscience du risque est beaucoup plus développée chez l’industriel que chez le banquier." Il a ajouté que "la fonction primaire des banques a été détournée de ses objectifs initiaux" et que nous "devons recréer des valeurs si nous voulons soutenir la croissance." En faisant référence au manque de scientifiques et d’ingénieurs au Luxembourg, il a revendiqué que "le système cesse d’être hostile à la technique".

Jean-Jacques Rommes a enchaîné en abordant le caractère virtuel du monde financier. "Seulement la confiance permet un flux monétaire, parce que le monde réel ne tourne pas sans le monde virtuel", a-t-il expliqué en ajoutant que "le risque a de nouveau un prix, qui doit être payé par les particuliers et les entreprises. Mais il ne faut pas tout peindre en noir parce qu’actuellement, les crédits sont plus importants que l’année passée, et on est donc loin d’une crise des crédits."

En guise de conclusion, Jeannot Krecké a approuvé le point de Marc Solvi que "les entreprises ont l’impression que les banques ne leur accordent plus des crédits". Et il a ajouté : "Si tel n’est pas le cas, les banques doivent formuler leur message différemment pour qu’il soit compris."