Dans son programme de travail pour 2009, la Commission européenne a fixé comme priorité de communication interinstitutionnelle "le vingtième anniversaire des changements démocratiques en Europe centrale et orientale".
A Luxembourg, l’Institut Pierre Werner lance une série de manifestations consacrées aux 20 ans de la chute du mur de Berlin. Autour d’une lecture du journaliste berlinois Jochen Schmidt, le 17 janvier 2009 à 18h00, une double exposition, présentée à l’Abbaye de Neumünster du 9 au 25 janvier 2009, ouvre ce cycle.
Témoignages photographiques et présentation du contexte se répondent ainsi.
Cette première exposition, dans laquelle le visiteur se retrouve immergé sans grand préambule en entrant dans l’Agora de l’Abbaye de Neumünster, présente les témoignages pris sur le vif de 14 photographes allemands. Amateurs et professionnels de l’Est comme de l’Ouest livrent ainsi à chaud leur vision de l’ouverture du mur. La photographie documente certes, mais elle invite aussi le visiteur à partager ces moments d’intense émotion. Cette exposition réalisée dès 1990 par le Goethe-Institut offre un regard immédiat, pluriel et sensible sur ce moment de tournant historique.
Une deuxième exposition, réalisée par la Bundesstiftung zur Aufarbeitung der SED-Diktatur et la Gemeinnützige Hertie-Stiftung à l’occasion du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin, retrace en vingt panneaux les événements marquants qui ont conduit à la "révolution pacifique" puis au "rétablissement de l’unité allemande". Visiblement conçue pour un public avant tout allemand et donc germanophone, l’exposition est présentée en langue allemande et implique une connaissance préalable de certains personnages importants, des lieux et de repères culturels et historiques.
Petite visite à la chapelle de l’Abbaye de Neumünster.
"UN SEMBLANT DE STABILITE" - "A la veille de la révolution", alors que Moscou a pour nouveaux slogans "Glasnost" (Transparence) et "Perestroïka" (Reconstruction), la République démocratique allemande (RDA) "est de plus en plus isolée au sein de son propre camp". La direction du Parti socialiste unifié d’Allemagne (SED en allemand) fait preuve "d’entêtement" ; son secrétaire général, Erich Honecker, qui est aussi président du Conseil d’Etat de la RDA, déclare début 1989 : "Le mur tiendra encore 50 ou 100 ans".
"MECONTENTEMENT" - En pleine crise économique et sociale, la RDA des années 80 offre un cadre de vie "surveillé, réglementé et déterminé par le parti d’Etat". Sur fond de grisaille, de files d’attente et de pollution, "le mécontentement est croissant" tandis que la devise des autorités semble être "Vous faites comme si vous nous obéissiez et nous faisons comme si nous vous croyions".
"TROMPERIE" - Le 7 mai 1989, la RDA organise des élections communales. L’opposition dénonce sur les chaînes de télévision de l’Ouest les fraudes électorales et nombre de citoyens de la RDA découvrent à cette occasion l’existence d’un réseau toujours plus important de groupes de défenseurs des droits de l’homme, du tiers-monde et de l’environnement, ou encore de pacifistes. Des manifestations sont organisées en signe de protestation contre la fraude électorale mais aussi en réaction au massacre de la Place Tian’anmen.
"ADIEUX" - Beaucoup d’Allemands de l’Est ne voient cependant d’autre issue que l’exil et, en 1989, ils sont plus de 100 000 à attendre une autorisation de sortie pour la République fédérale allemande (RFA). Pendant l’été, la Hongrie commence à ouvrir les barbelés à la frontière avec l’Autriche : ils sont des centaines au début, et, en août, 3 000 Allemands de l’Est en vacances passent à l’Ouest. Lorsqu’en septembre la Hongrie ouvre sa frontière aux citoyens de la RDA, 15 000 d’entre eux rejoignent la RFA via l’Autriche tandis que d’autres cherchent refuge auprès des ambassades de la RFA à Prague, Budapest ou Varsovie.
"RENOUVEAU" - C’est dans ce contexte que "sonne l’heure du mouvement citoyen". Dès le mois de juillet, un appel à fonder un parti social-démocrate est lancé. Le "Nouveau Forum" (NDLR : groupe d’opposition pro-démocratique) est créé en septembre tandis que des groupes de militants pour les droits civiques se font entendre et cherchent "à formuler une alternative politique au SED". Le 4 septembre 1989 a lieu à Leipzig la première des nombreuses "manifestations du lundi". Une semaine plus tard, 89 manifestants sont arrêtés, et 19 d’entre eux seront condamnés à des peines de prison. "L’indignation grandit."
"ILLUSION" - La direction du parti et de l’Etat met en scène le quarantième anniversaire de la fondation de la RDA, et ce malgré les troubles qui persistent, y compris le 7 octobre 1989. Les cérémonies paraissent "une mise en scène fantomatique de la force".
"DECISION" - Alors que le nombre de "manifestants du lundi" n’a cessé de grandir au fil des semaines, les véhicules de l’armée sont en place en vue de la manifestation du 9 octobre. Malgré la tension qui règne, 70 000 personnes défilent en clamant "Nous sommes le peuple !" et "Pas de violence !". L’armée se retire à 18h25, la "révolution pacifique" est en marche.
"REVIREMENTS" - Après 9 jours de manifestations dans tout le pays, le 18 octobre, Erich Honecker démissionne de toutes ses fonctions. Egon Krenz, son successeur, annonce un "tournant" politique et se lance dans des tentatives de réformes. La RDA est au bord de la cessation de paiement et la pression de la rue se fait toujours plus grande. Plus de 500.000 personnes manifestent le 4 novembre sur l’Alexanderplatz à Berlin. Le 7 novembre, le gouvernement démissionne.
"LA CHUTE DU MUR" - Le 9 novembre 1989, le journal télévisé annonce, suite à une conférence de presse du porte-parole du SED Günter Schabowski sur une "nouvelle réglementation des voyages", que "la RDA ouvre la frontière". Le soir même, à 23h, 20 000 personnes se pressent au point de contrôle de la Bornholmer Strasse. Une demi-heure plus tard, la barrière s’ouvre. "Le mur de Berlin, symbole de la séparation, est tombé."
"PERSPECTIVES" – Après la chute du mur de Berlin, Willy Brandt se réjouit : "Maintenant doit grandir ensemble ce qui est fait pour vivre ensemble". La question allemande se pose sur la scène politique internationale lorsque le chancelier allemand Helmut Kohl présente un programme qui prévoit la restauration de l’unité allemande. Cependant, ce projet suscite le désaccord de certains pays. Le peuple allemand continue néanmoins à réclamer la réunification immédiate.
"TRANSITION" – La chute du mur de Berlin accélère la décomposition du pouvoir du parti unique SED pendant que la situation économique et les conditions de ravitaillement se détériorent. Les militants pour les droits civiques s’emparent progressivement du pouvoir malgré la présence de quelques cent mille soldats soviétiques sur le territoire de la RDA. Jusqu’à la fin de l’année 1989, des "tables rondes" contrôlent les affaires de l’appareil d’Etat et des administrations publiques. Leurs revendications : des élections libres, une constitution démocratique et la dissolution du Ministère de la sécurité d’Etat.
"DEPOSSEDE DU POUVOIR" – Le 15 janvier 1990, l’occupation de l’ancien siège d’Erich Mielke, chef de la sécurité d’Etat ("Stasi"), marque la fin du pouvoir du parti unique. La tentative de sauver le Ministère de la sécurité d’Etat sous le nom d’"Administration de la sécurité nationale", échoue. Les citoyens ont surmonté le pouvoir de la "Stasi" et réussissent à avoir accès à ses dossiers secrets. "L’ouverture de ces dossiers est indispensable à une prise de conscience de la dictature du SED."
"TRIOMPHE" – Lors des premières et seules élections libres dans l’histoire de la RDA, le 18 mars 1990, 48 % des électeurs votent pour "l’Alliance pour l’Allemagne", la question décisive étant l’attitude des partis envers la réunification allemande. Parallèlement, "l’Alliance pour l’Allemagne" peut compter sur l’appui du gouvernement Kohl, dont de nombreux Allemands de l’Est attendent un rapide soutien financier. Le 12 avril 1990, un gouvernement de coalition entre "l’Alliance", le parti socialiste-démocrate (SPD) et les Libéraux se constitue sous le Premier ministre Lothar de Maizière. "La Révolution pacifique a triomphé."
"ADAPTATION" – Le gouvernement de Maizière se retrouve face au défi de faire adhérer la RDA aussi vite que possible à la RFA, d’en faire avancer les réformes politiques nécessaires, de stabiliser la situation économique du pays, et surtout d’améliorer les conditions de ravitaillement. Berlin Est et Bonn se retrouvent dans l’obligation d’agir : chaque jour, 2000 Allemands de l’Est quittent le pays en direction de l’Ouest. Le 1er juillet 1990, l’Union monétaire, économique et sociale entre en vigueur : le D-Mark fait son entrée officielle entre l’Elbe et l’Oder.
"SOLIDARITE" – Au printemps 1990, une grande majorité des Allemands sont favorables à la réunification de leur pays. A l’Est comme à l’Ouest, on se met en route pour découvrir l’autre partie de l’Allemagne. La curiosité et la joie de se revoir sont énormes. Nombreux sont ceux qui, en dépit de tout scepticisme et avertissement, s’attendent aussitôt à des "paysages fleurissants". Länder, communes, partis, fédérations et associations se jumèlent. Dans l’euphorie du moment, même les cornichons, la moutarde et la farine de l’Ouest semblent avoir un meilleur goût.
"2+4=1" – A partir de mai 1990, les négociations "2+4" entre les Ministres des Affaires étrangères des deux Etats allemands, des Etats-Unis, de l’Union soviétique, de la Grande Bretagne et de la France s’articulent autour de la réunification de l’Allemagne. Il faut tenir compte des troupes alliées toujours stationnées en grand nombre sur le territoire allemand et il faut également prendre en considération la sécurité des Etats voisins. Le 16 juillet 1990, Helmut Kohl et Michail Gorbatschow déclarent devant la presse que les Soviétiques ont donné leur accord à l’adhésion de l’Allemagne à l’OTAN. Avec la signature du Traité "2+4" le 12 septembre 1990, l’Allemagne retrouve sa souveraineté étatique.
"DECIDE" – Le 23 août 1990, la Chambre du Peuple approuve avec une majorité écrasante l’adhésion de la RDA à la RFA. Le 31 août suit le Traité d’union qui a été élaboré en seulement huit semaines. Il règle des changements de la Constitution, des questions d’adaptation législative et de l’administration publique en Allemagne de l’Est, ainsi que des questions financières, sociales, culturelles, et d’emploi. Des points de discorde sont ajournés, comme notamment la détermination de la future capitale allemande ou l’accès aux dossiers secrets de la Sécurité de l’Etat, qui sera cependant obtenu suite à une grève de la faim de militants pour les droits civiques au cours de l’été 1990.
"UNIFIEE" – Le 3 octobre 1990 à minuit, le drapeau de l’Allemagne réunifiée est arboré sur le Reichstag berlinois, sur l’air de l’hymne national. Quatre jours avant son 44e anniversaire, la RDA cesse d’exister. La séparation allemande est surmontée. Un énorme feu d’artifice éclaire les rues et les places autour du Reichstag, où une million de personnes font la fête. "La révolution pacifique et le processus d’auto-démocratisation en RDA ont préparé le chemin vers l’unité allemande et créé les conditions préalables pour que toutes les personnes en Allemagne vivent depuis 1990, pour la première fois dans l’histoire, en paix, en liberté, en démocratie, à l’intérieur de frontières reconnues, en amitié et respect mutuels avec leurs voisins. Le bouleversement en RDA fait partie des Révolutions pacifiques d’Europe de l’Est, qui n’ont pas seulement surmonté les dictatures communistes, mais aussi la division de l’Europe résultant de la Deuxième Guerre mondiale commencée par l’Allemagne nazie en 1939. Ainsi, l’année 1989 est devenue l’année européenne de la liberté."