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Traités et Affaires institutionnelles
Dans un entretien accordé à l’Express, Jean-Claude Juncker se dit "déçu par la lenteur des avancées politiques en Europe"
29-01-2009


Dans un entretien accordé au journaliste français Jean-Michel Demetz et publié le 28 janvier 2009 dans le quotidien L’Express, sous le titre "Le XXIe siècle ne sera pas européen", Jean-Claude Juncker, président de l’Eurogroupe et Premier ministre luxembourgeois, se dit "déçu par la lenteur des avancées politiques en Europe" et justifie la nécessité pour les nations de l’intégration européenne pour compenser la perte de poids démographique. Bref, "le XXIe siècle ne sera pas européen : il sera multipolaire".

L’Europe institutionnelle, efficace face à la crise

"Jean-Claude Juncker veille sur l’Europe comme un vieux sage". C’est ainsi que le journaliste de l’Express présente son interlocuteur. Le "sur-moi des dirigeants européens", comme l’appelle encore Jean-Michel Demetz, considère que, face à la crise, l’Europe a su "sur le plan institutionnel, aligner des moyens de lutte contre la crise selon une méthode de travail qui n’est peut-être pas la plus esthétique, mais qui s’est avérée, sur le plan de l’efficacité, la bonne". Le président de l’Eurogroupe rappelle cependant que "les instruments d’action sont surtout nationaux", ce qui est dû, selon lui, au fait que "les politiques économiques sont surtout nationales".

Intensité versus discrétion et confidentialité

Saluant "l’intensité rarement rencontrée dans le passé" avec laquelle la Présidence de l’UE a été menée par la France au deuxième semestre 2008, le Premier ministre luxembourgeois revient sur les épreuves qu’il a eues à affronter en 2005, alors que le Luxembourg assurait la Présidence de l’UE. "Nicolas Sarkozy a accompli un travail excellent au moment de la crise géorgienne et a été à la hauteur des enjeux de la crise financière", déclare-t-il avant de répondre, au sujet de Nicolas Sarkozy et de l’Eurogroupe, que, en tant que président de l’Eurogroupe, "[il] entretient avec le mégaphone un usage prudent".

Jean-Claude Juncker pense en effet que la confidentialité des échanges informels entre ministres des Finances a rendu possible "la réponse de l’Europe à la crise". Aussi, contrairement à Nicolas Sarkozy, il doute de la nécessité de "formaliser" des réunions de l’Eurogroupe  - qui est, comme il le rappelle, une "instance informelle" - au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement.

"L’élément déterminant pour la bonne conduite des affaires européennes est la bonne volonté des gouvernements"

"Des traités imparfaits peuvent conduire à des résultats presque parfaits et des traités parfaits à des résultats imparfaits", c’est ainsi que répond Jean-Claude Juncker à une question sur la nécessité d’un Traité de Lisbonne encore "dans les limbes" et alors que "l’Europe ne s’est pas arrêtée" (J.M. Demetz). Le Premier ministre luxembourgeois insiste alors sur le fait que "l’élément déterminant pour la bonne conduite des affaires européennes est la bonne volonté des gouvernements". "Mais la volonté sans les textes rend les progrès sporadiques et éphémères" ne manque-t-il pas de conclure.

Déficits publics : responsabilité et solidarité

Pour Jean-Claude Juncker, "vouloir maîtriser à tous prix les déficits sans avoir l’œil rivé sur la réalité économique, ce serait accélérer l’affaiblissement de nos économies [et cela] détruirait la confiance en l’euro et à terme sa stabilité". Interrogé sur la divergence croissante entre les déficits publics des Etats de la zone Euro, le président de l’Eurogroupe invite cependant à rester "attentif" aux disparités des taux de crédit dans les pays de la zone Euro tout en rappelant que "avec l’euro, nous sommes copropriétaires d’une monnaie : cela implique de la responsabilité et de la solidarité".

Le Luxembourg paradis fiscal ?

"Rares sont les ministres européens qui disent que nous sommes un paradis fiscal, car nombreux sont ceux qui savent que ce n’est pas vrai" déclare le Premier ministre luxembourgeois lorsque le journaliste français évoque le Luxembourg comme "montré du doigt comme un paradis fiscal". Jean-Claude Juncker ne manque pas de rappeler que "le centre financier du Luxembourg, un des plus importants du monde, ne peut pas vivre en dehors de la réglementation internationale". Il saisit l’occasion pour redire que "la crise prouve à l’évidence que la régulation financière est trop faible et que nous avons besoin de bien plus d’Europe en la matière".

"Oui, je suis déçu par la lenteur des avancées politiques en Europe"

"Oui, je suis déçu par la lenteur des avancées politiques en Europe. Parfois, je me dis que nous n’avons pas les ambitions de nos instruments." C’est ce qu’avoue Jean-Claude Juncker quand il est question de l’union politique plus étroite sur laquelle devait déboucher l’union monétaire. "Nous avons quand même progressé" poursuit-il cependant et, se félicitant du succès de l’importance de l’euro sur la scène internationale, il explique que, pour lui, "l’union monétaire est le moyen d’assurer la paix sur la longue durée".

L’intégration européenne au secours des Etats nations

Pour justifier la construction européenne aux yeux des nouvelles générations, Jean-Claude Juncker s’appuie sur l’évolution du poids démographique de l’UE par rapport à la population mondiale, 20 % en 1900, 4 % seulement vers 2099. Il en conclut que, si "très souvent nous pensons que nous sommes encore les maîtres du monde", "le XXIe siècle ne sera pas européen : il sera multipolaire". Aussi, selon lui, "abandonner l’intégration européenne, ce serait affaiblir le rang de nos Etats nations".