Du 4 au 7 juin 2009, plus de 450 millions de citoyens européens sont appelés à désigner leurs nouveaux représentants au Parlement européen. Au Luxembourg, ces élections auront lieu le 7 juin 2009, en même temps que les élections législatives. Les ressortissants de l’UE résidant au Grand-Duché peuvent, sous certaines conditions, voter et être éligibles au Luxembourg pour les élections européennes et, selon la nouvelle loi électorale, il leur est possible de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’au 12 mars 2009.
La question des enjeux et des modalités de ces élections était débattue à la Maison de l’Europe, le 21 janvier 2009, dans le cadre des "Midis de l’Europe". "Pourquoi ça me regarde ?", c’est en ces termes qu’ont été invités à intervenir Johann Schoo, directeur des affaires institutionnelles et parlementaires du service juridique du Parlement européen, Ben Fayot, député socialiste et Victor Weitzel, responsable du site www.europaforum.lu. Les Midis de l’Europe sont organisés par le Bureau d'information du Parlement européen à Luxembourg, la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, le Mouvement Européen Luxembourg et le Centre européen des consommateurs.
Après avoir rappelé le trentième anniversaire des élections européennes directes – les premières élections européennes au suffrage direct ont eu lieu en effet en 1979 – Johann Schoo a dressé un rapide aperçu de l’histoire du Parlement européen, tant du point de vue de son mode d’élection que de l’élargissement de ses compétences et de ses pouvoirs. Il convient de noter que les élections sont organisées sur la base de lois nationales et que, depuis 2002, une harmonisation de ces lois a permis la généralisation d’un système proportionnel. Johann Schoo a tenu enfin à citer de nombreux exemples d’actions menées par le Parlement européen dans le domaine de la crise financière, de la protection des consommateurs ou encore du droit familial pour montrer combien le travail mené au sein de cette institution par les eurodéputés concerne directement les citoyens.
Ben Fayot, qui a exercé deux mandats d’eurodéputé de 1989 à 1999, a tenu à souligner que le Parlement européen est un parlement "solide et sérieux", qui, s’il n’a pas de "gouvernement à soutenir", a, comme les autres, ses "grandes tendances politiques". Pour le député socialiste, les "grands groupes politiques au sein du Parlement" - PPE-DE, PSE, ALDE et Verts – "soutiennent le système" et permettent à l’institution de fonctionner. Le poids de ces différents groupes donne par ailleurs une "orientation générale" aux politiques de l’UE, et c’est pour Ben Fayot une preuve qu’il est "important que les citoyens aillent voter s’ils ont une opinion politique" et qu’il est tout aussi essentiel, pour "restreindre l’éparpillement des forces politiques", de "renforcer les groupes importants". Ben Fayot a évoqué le "dynamisme interne" du Parlement européen qui s’est imposé, au fil des années, des traités et de "prises de pouvoir", - que l’ancien secrétaire général du PE a qualifié de "batailles" dans un livre récent, - comme un pouvoir aussi important que le Conseil et la Commission.
Revenant sur la forte participation des électeurs luxembourgeois aux élections européennes, liée à l’obligation de vote dans le Grand-Duché, Ben Fayot a rappelé que le principe de "citoyenneté européenne" avait été introduit dans le Traité de Maastricht, ce qui impliquait le droit de vote des ressortissants de l’UE aux élections européennes et municipales dans le pays membre de l’UE de leur résidence. La "grande peur des décideurs luxembourgeois" de l’époque, c’était, selon le député socialiste, "que les étrangers prennent le pouvoir au Luxembourg". De ce fait, des dérogations ont été accordées au Luxembourg et ce dans la mesure où les non-Luxembourgeois représentent plus de 20 % de la population du pays. Ainsi, depuis 1994, les ressortissants de l’UE devaient justifier d’un minimum de cinq ans de résidence au Grand-Duché pour pouvoir participer aux élections européennes et même dix ans pour être éligibles.
La loi électorale de décembre 2008 abaisse le temps de résidence minimal requis à deux ans pour les élections européennes, tandis que les citoyens européens qui, du fait de leur établissement à l’étranger, perdent leur droit de vote dans leur pays d’origine peuvent pour leur part s’inscrire sur les listes électorales luxembourgeoises sans avoir à justifier de ce minimum de deux années de résidence. Pour Ben Fayot, le danger d’une prise de pouvoir par les étrangers n’existe pas et il considère donc cette dérogation comme "politiquement inadéquate".
Ben Fayot a souhaité souligner d’autres particularités des élections européennes au Luxembourg. Il n’existe qu’une seule circonscription pour tout le pays, ce qui implique pour les aspirants eurodéputés qu’ils doivent, pour être élus, être capables de "percer au niveau national". Pour Ben Fayot, il s’agit là d’un "système proportionnel mâtiné de système majoritaire", où se mêlent "panachage" et "vote préférentiel", et qui fait de l’élection des eurodéputés luxembourgeois une "loterie". Tant et si bien que, pour le député luxembourgeois, "tout est joué au Parlement européen lorsque les Luxembourgeois arrivent". En effet, dans la plupart des pays de l’UE les candidats se voient attribuer une place sur une liste par circonscription, et l’élection des candidats bien placés sur leur liste ne dépend donc pas, comme au Luxembourg, du vote que les citoyens leur ont accordés personnellement. De ce fait, il est courant que nombre de postes importants au Parlement européen puissent être discutés et attribués bien avant les élections.
Ben Fayot a donc souligné l’importance de la réduction, selon la loi électorale de juillet 2008, du nombre de candidats par liste – de 12, il est en effet passé à 6 – et de l’accord politique qui consiste à mettre fin aux doubles candidatures – il faut désormais choisir de se présenter aux élections législatives ou européennes – et à accepter son mandat si l’on est élu. Chargé lui-même, au cours de ces dernières semaines, de mettre sur pied la liste du LSAP pour les élections européennes, Ben Fayot a expliqué que c’était un "sacré travail" que de réunir pour les européennes des personnalités connues dans le pays entier.
Pour conclure son intervention, Ben Fayot s’est réjoui de la réouverture des listes électorales pour l’inscription aux européennes – jusqu’au 12 mars 2009 inclus ! – et a insisté pour rappeler que toute personne s’inscrivant sur les listes électorales était soumise à l’obligation de voter.
Victor Weitzel, responsable du site Internet www.europaforum.lu a pour sa part présenté les différentes initiatives mises en œuvre dans le cadre de la campagne de sensibilisation menée par le gouvernement en vue d’informer les ressortissants européens résidant au Luxembourg de la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales européennes jusqu’au 12 mars 2009 inclus.
Présentant dépliants et affiches rédigés en langues allemande, anglaise, française, italienne et portugaise, Victor Weitzel a déclaré que les communes et associations avaient été invitées à organiser des réunions de sensibilisation tandis que qu’il a été recommandé aux communes d’ouvrir jusqu’au 12 mars 2009 leurs bureaux les samedi matin pour faciliter la procédure d’inscription sur les listes électorales. Pour toutes informations, consultez le dossier "Elections européennes" mis à jour au quotidien sur le site d’Europaforum.
Interrogé sur la possibilité de décaler d’organiser au Luxembourg les élections législatives et européennes à des dates différentes, Ben Fayot a répondu que des élections séparées ne seraient pas une "garantie que le débat européen ne soit pas pollué par les enjeux politiques nationaux". Il a par ailleurs expliqué que, contrairement aux "senior members" du Parlement européen originaires des pays influents qui se "concentrent sur la politique européenne", les "hommes et femmes politiques luxembourgeois veulent rester à cheval sur le Luxembourg et l’Europe", au détriment parfois de la "qualité des débats européens".
A une question sur la possibilité d’un partage clair et lisible pour l’opinion publique entre activité législative nationale et européenne, Johann Schoo a expliqué brièvement le principe de subsidiarité en soulevant le fait que les lois nationales devraient clairement indiquer leur source, et ce notamment dans le cas où elles découleraient d’un acte communautaire, afin que le citoyen puisse mieux faire la différence.
Une ressortissante française résidant au Luxembourg depuis six ans s’est demandée pourquoi elle devrait voter pour un eurodéputé luxembourgeois plutôt que pour un eurodéputé français. Johann Schoo, qui est lui-même allemand et qui réside au Grand-Duché, a expliqué son choix de voter au Luxembourg par le fait qu’un député luxembourgeois a "12 fois plus de poids qu’un député allemand" en raison d’un système de répartition des sièges par pays qui n’est pas strictement proportionnel au nombre d’habitants. Le problème soulevé par cette personne n’était cependant pas résolu de la sorte car, expliquant sa situation et les difficultés qu’elle rencontrait pour accéder à certaines fonctions dans le service public luxembourgeois du fait de sa nationalité, elle concluait qu’elle "n’était pas sûre qu’un député luxembourgeois défende ses intérêts".
En référence à une déclaration de Martin Schulz, président du groupe socialiste au Parlement européen, il a été enfin demandé à Ben Fayot "pourquoi le PSE soutenait la candidature de Barroso à la présidence de la prochaine Commission européenne". Le député socialiste s’est dit lui-même "étonné que le groupe socialiste européen se prononce aussi clairement avant les élections". En effet, José Manuel Barroso est pour Fayot "une personnalité de la droite conservatrice" et il est d’usage que la Commission soit un "reflet" du résultat des élections au Parlement européen, élections qui n’auront lieu que le 7 juin 2009.