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ECC 2009 (IV) Les 10 propositions votées avant de devenir des recommandations
15-03-2009


Victor Weitzel et Robert HarmsenAprès la discussion et la mise à défi par des experts de 20 propositions politiques pour l’Europe au cours de la soirée du samedi 14 mars 2009, les 31 citoyens ont retenu 10 propositions.

Les propositions votées ont été ensuite discutées et précisées à nouveau par deux experts, Robert Harmsen, professeur à l’Université de Luxembourg, et Victor Weitzel, responsable d’Europaforum.lu. Ils se sont notamment efforcés d’introduire la question de savoir à quel niveau ces propositions pourraient être mises en place.

1. Pour une responsabilité sociale et économique des pouvoirs publics                                     

Par cela ils entendaient que la politique de création d'emplois soit améliorée au niveau national, qu’il ait des contrôles des abus en ce qui concerne les gains des actionnaires, les licenciements, les allocations de chômage et d’absence pour raisons de maladie. Ils voulaient également que les pouvoirs politiques garantissent le pouvoir d'achat des citoyens face au cout de la vie et ils se sont prononcés pour l’introduction d’un salaire minimum européen en fonction du niveau de vie de chaque pays.

Cette proposition, arrivée en tête, a amené Robert Harmsen à proposer aux participants d’utiliser le concept de flexicurité comme référence dans leurs travaux, dans la mesure où il s’agit à l’heure actuelle d’un terme de référence pour de nombreuses politiques sociales européennes. Victor Weitzel considère pour sa part que si les pouvoirs publics n’assumaient pas ces responsabilités, c’est qu’ils ne mériteraient pas d’avoir cette fonction. Il a ensuite repris les différentes propositions faites par les citoyens en essayant de définir à quel niveau – européen ou national – elles pourraient être mises en pratique, quand cela n’avait pas été clairement indiqué par les participants.Consultation européenne des citoyens

Ainsi, pour Victor Weitzel, c’est au niveau national qu’ont déjà lieu les discussions visant à contrôler certains abus, tandis que d’autres, comme les abus sur les gains des actionnaires – et il a à ce sujet invité les citoyens à réfléchir plutôt aux abus en matière de gains des managers - , ne saurait relever des pouvoirs publics. Si certaines mesures visant à protéger par exemple les voies d’approvisionnement peuvent relever de l’Etat, ces derniers ne sauraient cependant garantir le pouvoir d’achat des citoyens dans la mesure où il s’agit d’une question économique conditionnée par des mécanismes européens et mondiaux. En ce qui concerne l’idée d’un salaire minimum européen, Victor Weitzel a rappelé que cette proposition avait été défendue par le Luxembourg au niveau européen et qu’elle restait dans l’air du temps, et ce bien que de nombreux pays européens ne connaissent pas le salaire minimum.

2. Pour une politique d'égalité de chances et de promotion sociale    

Il s’agissait ici de mieux protéger les familles monoparentales, d’assurer aussi une meilleure protection sociale des femmes non-salariées, de renforcer l'égalité des chances par une garantie de la parité sociale et économique. Il a été question d’abolir les privilèges, par quoi ils entendaient ceux des fonctionnaires européens et de généraliser le revenu minimum garanti par pays.

Au sujet de l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, Robert Harmsen a expliqué que l’Union européenne a déjà beaucoup fait. Victor Weitzel a ajouté qu’un des objectifs de l’Union européenne est l’égalité entre les hommes et les femmes, notamment en matière de salaire. Dans ce cadre, il a abordé la féminisation d’un certain nombre de professions qui étaient encore il y a quelques années la chasse gardée des hommes.

Consultation européenne des citoyensConcernant les familles monoparentales, Victor Weitzel a expliqué qu’il y a actuellement une défamiliarisation des salaires. En effet, si, avant, un salaire permettait de nourrir toute une famille, il a tendance à ne nourrir aujourd’hui qu’une seule personne. "Il relève des Etats de soutenir les familles monoparentales", a-t-il précisé. Concernant l’abolition des "privilèges" des fonctionnaires européens, il a expliqué que depuis 2004, ils gagnent moins que les fonctionnaires luxembourgeois – ce qui ne donne d’ailleurs guère envie aux Luxembourgeois de travailler aux institutions européennes – et qu’il ne s’agit donc pas là d’un réel enjeu.

3. Pour des incitants à l'innovation et l'utilisation de technologies durables

Une première façon d’atteindre cet objectif serait selon les citoyens que des aides financières aillent à ceux qui veulent utiliser des énergies durables. Ils ont aussi prôné la création de nouveaux emplois par l’investissement dans les technologies vertes. Pour cela ils ont exigé une stratégie européenne, mais aussi l’introduction d’impôts solidaires et écologiques et que l’UE donne en général l’exemple en matière d'écologie.

A propos de cette proposition, Robert Harmsen a tenu à rappeler que l’Europe était déjà un leader mondial en ce qui concerne par exemple la mise en place d’une taxe pour le marché du carbone. Il a ainsi évoqué l’importance de mesures nationales à structurer dans un cadre européen, lequel pourrait être un modèle à projeter sur la scène internationale.

4. Pour le développement d'une politique forte de la recherche européenne

Un développement de la recherche européenne serait avant tout lié à une augmentation du budget et de la coopération en matière de recherche.

L’idée de développer une politique forte de la recherche, saluée par les experts et les organisateurs des consultations, pourrait être précisée, selon Robert Harmsen, car il n'est pas aisé de choisir la manière de décliner cette politique. En effet il s’agit de choisir, ou de trouver un équilibre, entre la création de centres d’excellence au niveau européen – lesquels seraient très compétitifs mais auraient tendance à générer de fortes concentrations des ressources dans les pays qui sont déjà les plus riches – et un développement plus équilibré à l’échelle de l’Union européenne.

5. Pour davantage d'intégration européenne dans l'éducation    

L’harmonisation européenne de l'éducation à travers les programmes, les diplômes, les échanges, mais aussi des contenus et des curricula à tous les niveaux et une éducation précoce sur l’Europe étaient ici les voies à suivre.

Concernant cette proposition, Robert Harmsen a souligné qu’on se concentre actuellement plus sur une harmonisation de la forme que sur une harmonisation du contenu. "Mais c’est aussi dans cette diversité que réside la richesse de l’éducation européenne", a-t-il précisé. Il pense que la mobilité est d’une grande importance pour les étudiants, mais que les contenus ne doivent pas forcément être assimilés à cent pour cent. Cependant, il pense qu’on pourrait introduire une sorte d’éducation civique européenne dans tous les Etats membres de l’Union européenne.

Victor Weitzel a ajouté que les compétences de l’Union européenne en matière d’éducation sont très restreintes. Il a expliqué que le processus de Bologne, à l’origine une initiative du Conseil de l’Europe, est destiné à créer un espace européen de l’enseignement supérieur. Victor Weitzel pense que de telles mesures ne devraient pas uniquement se limiter au domaine intellectuel et que le domaine professionnel ne devrait pas être mis à l’écart. En ce qui concerne l’enseignement sur l’Europe, il serait d’ailleurs difficile et très sensible de rapprocher les mémoires européennes, et il vaudrait mieux se concentrer sur un partage des cultures, des valeurs et de la paix.

6. Pour une coordination de la politique de santé en Europe

C’est pour une coordination, mais pas une harmonisation des systèmes de santé européens que les citoyens se sont exprimés. Un grand souci a été l’accès aux services de santé dans tous les pays européens.

Les politiques de santé ont été jusqu’ici la "chasse gardée" des gouvernements nationaux, ainsi que l’a expliqué Robert Harmsen. Aussi, si certains efforts ont été faits au niveau européen en matière d’accès individuel aux services de santé (en cas de voyages par exemple, ou encore dans l’accès aux services de santé transfrontaliers), les développements liés aux arrêts de la Cour de Justice européenne tendent à ce qu’ils soient considérés comme des services commerciaux. Il serait sans doute souhaitable, selon cet expert, de les considérer comme des services publics.

Victor Weitzel a alors expliqué la lutte qu’il avait fallu mener pour introduire dans le Traité de Lisbonne les notions de service d’intérêt général et de service d’intérêt économique général. Evoquant l’état parfois "dantesque" des systèmes de santé de certains nouveaux Etats membres, il a évoqué les fonds structurels qui aident ces systèmes de santé à se restructurer. Enfin, l’idée d’une harmonisation des systèmes de santé lui a semblé très difficilement réalisable.

7. Pour un approfondissement de l’UE, plutôt que son élargissement 

Dans un premier temps, les citoyens se sont prononcés pour un gouvernement européen, pour une limitation de l’élargissement, voire son arrêt stoppé, afin que l’UE actuelle, celle des 27, puisse se stabiliser et s’approfondir.

Robert Harmsen a résumé la problématique comme suit : "Le premier problème est qu’on cherche à imposer une vision européenne, le deuxième problème est celui de la construction d’une Europe fédérale". Il s’est demandé si un approfondissement est possible à 27 et s’il faut chercher à construire une structure fédérale au sein d’un cercle restreint d’Etats.

Victor Weitzel a rappelé que l’adhésion des 12 nouveaux Etats membres, comme tout élargissement d’une grande famille, avait impliqué un changement des règles et posé un certain nombre de problèmes mais qu’il " fallait donner un certain temps à cela". A ses yeux, l’Union européenne a une expérience de 60 ans de paix, laquelle est "contagieuse" et il faut intégrer pas à pas les nouveaux Etats membres. Et il a ajouté : "Au Luxembourg, 65 % des citoyens sont contre un élargissement de l’Union européenne, mais il faut être conscient que l’Europe est plus libre et est un immense paradis pour tous ceux qui ont vécu la guerre".

8. Pour un soutien aux entreprises écologiquement responsables

Des subventions aux entreprises qui font des efforts pour une politique durable ou pour créer des entreprises développant ou exploitant des énergies propres ou durables étaient ici une première option. Une autre était de faire le constat de l’état d'urgence écologique global qui devrait inciter à une meilleure gestion et à un meilleur contrôle des ressources afin qu’une alternative économique propre et durable puisse être possible.

9. Aspects du droit du travail            

Les citoyens ont demandé ici une évaluation du travail au noir au niveau européen. Ils ont aussi exigé un changement de mentalité en ce qui concerne le respect, l’utilisation des capacités et la revalorisation du travail des salariés. Ils ont demandé qu’il y ait une coordination des contrats de travail au niveau européen et par secteur, de même que des conditions de travail.

Robert Harmsen a expliqué qu’on sous-estimait les problèmes pratiques que pourrait engendrer la coordination et l’harmonisation dans le domaine du droit du travail. En effet, les marchés du travail sont régulés de façon très différente selon les pays et il serait sans doute préférable selon lui de concevoir des normes de référence européennes.

Abordant les aspects du droit du travail, Victor Weitzel a expliqué que l’Union européenne n’était pas compétente dans la majorité des cas. "Dans l’Union européenne, il y a d’ailleurs une tendance à baisser le niveau de protection des salariés, mais le Luxembourg y résiste, un peu comme le village des irréductibles Gaulois".

Citant l’arrêt Rüffert de la Cour de Justice, Victor Weitzel a, enfin, expliqué comment la jurisprudence européenne aura paradoxalement pour effet de pousser certains Etats à réviser leur droit du travail national, notamment en ce qui concerne la législation sur les conventions collectives .

10. Pour une autre politique de développement et d’aide économique contrôlée aux pays  tiers   

Les citoyens se sont exprimés pour des conditions de vie dignes en Afrique et dans les pays en voie de développement comme moyen de freiner l'immigration. En même temps, ils se sont prononcés pour un contrôle plus strict de l'aide au développement et une promotion de l’Union pour la Méditerranée.

Robert Harmsen a appelé de ses voeux une meilleure synthèse des politiques d’aide au développement et des politiques migratoires et il estime que l’Union pour la Méditerranée ou encore la politique de voisinage en présenteraient une esquisse de cadre. Il a par ailleurs ajouté qu’une politique migratoire plus flexible, qui permettrait des va-et-vient entre les continents plutôt que de construire des barrières entre eux, serait sans doute nécessaire en complément de l’aide au développement.

Victor Weitzel a tenu pour sa part à souligner que l’aide au développement, qui devrait représenter 0,7 % du PIB européen selon les engagements pris à Luxembourg en 2005, est déjà soumise à de nombreuses conditions et à un contrôle assez important. Il a précisé que l’Union pour la Méditerranée avait pour vocation plutôt que d’offrir de l’aide au développement, d’offrir un cadre de coopération et de dialogue pour les pays du pourtour méditerranéen, qu’ils soient européens ou non.

Les 10 propositions qui n’ont pas été retenues

Les citoyens ont laissé tomber 10 autres revendications concernant la flexibilité de l’organisation du travail, le soutien à la création de PME, l’harmonisation fiscale, le contrôle européen et mondial des finances dans le cadre de la lutte contre l’endettement, la limitation du travail des lobbies européens, l’harmonisation des politiques de l’emploi, l’harmonisation des retraites, la valorisation des politiques linguistiques, l’harmonisation des politiques de sécurité et de justice et finalement la spécialisation nationale dans la production agricole.   

Propositions de citoyens grecs et polonais

Après la présentation des résultats du vote effectué la veille au soir afin de choisir dix propositions, les participants ont été brièvement informés au sujet des propositions votées en Grèce et en Pologne. Ainsi, la première proposition votée en Grèce, qui traduit sans doute une préoccupation liée à une situation nationale spécifique, consistait à "assurer la qualité de l’enseignement public". La troisième proposition des citoyens grecs, qui rejoint une des propositions luxembourgeoises, appelle à l’introduction au niveau européen d’un salaire minimum garanti en lien avec le coût de la vie. En Pologne, c’est l’idée d’un cofinancement par l’Union européenne d’un accès Internet à travers toute l’Europe qui est arrivée en tête. Et l’idée d’améliorer le système de santé, qui concorde avec des préoccupations exprimées à plusieurs tables de citoyens luxembourgeois, est arrivée elle en troisième position à l’issue du vote de fin de première journée.