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Énergie - Environnement
Discussions autour du Livre blanc sur une stratégie énergétique pour le Luxembourg
03-03-2009


En décembre 2006, Jeannot Krecké, ministre de l'Economie et du Commerce extérieur, avait mandaté un groupe d’experts en vue de la définition d’une stratégie énergétique pour le Luxembourg. Le 3 mars 2009, Hans-Joachim Ziesing, accompagné de Wolfgang Eichhammer et de Dieter Ewringmann, expert de la FIFO de Cologne, présentait , à la Chambre des métiers leurs conclusions à ce sujet sous la forme d’un Livre blanc.

L’objectif de cet atelier auquel assistait un auditoire nombreux et varié : stimuler le débat et les échanges d’idées entre les différents acteurs du secteur de l’énergie. "Le processus engagé doit continuer" selon Jeannot Krecké, et il a précisé qu’il souhaiterait faire de la question énergétique un thème de campagne pour les élections de juin, car il se dit "horrifié" par le manque d’informations et de compréhension sur la question. Il espère donc que le prochain gouvernement, quel qu’il soit, disposera, avec ce Livre blanc - qui sera enrichi par les différents acteurs invités à participer à cette réflexion - , d’un travail préliminaire et d’une stratégie qu’il restera alors à mettre en œuvre, tant à court terme qu’à long terme.

Etat des lieux au Luxembourg : l’approvisionnement en énergie n’est pas durable

Hans-Joachim Ziesing, coordinateur de cette étude, a dans un premier temps dressé un rapide tableau du contexte international et des problématiques majeures soulevées par les questions de politique énergétique. Changement climatique, sécurité de l’approvisionnement en énergie, et volatilité des prix sont les enjeux les plus marquants. L’internationalité de la question, liée tant à la dépendance énergétique de l’Europe qu’à un environnement réglementaire et juridique qui relève de la compétence de l’Union européenne, limite grandement les possibilités d’action au niveau national.

La situation actuelle du Luxembourg est marquée par une dépendance presque totale du Luxembourg, et ce pour toutes les sources d’énergie primaire. Il en est de même en matière d’électricité, puisque 90 % de la production électrique du Grand-Duché dépend du gaz naturel et qu’elle couvre à peine la moitié de la consommation intérieure, même si la part de cogénération atteint 11 % de la production. En tête en matière de consommation : le pétrole et le gaz naturel. Les experts n’ont pas manqué de relever que les exportations de carburant comptent pour beaucoup dans la consommation en énergies primaires.

En termes d’infrastructures et de transport transfrontalier de l’électricité et du gaz, les experts n’ont pas relevé de difficultés particulières tandis que la sécurité en matière d’approvisionnement en ce qui concerne les produits pétroliers est, selon les prescriptions de l’Agence internationale pour l’énergie (AIE), garantie, bien que le Luxembourg ait pour ce faire nécessairement recours à des capacités de stockage à l’étranger. Les énergies renouvelables ne disposent pas d’un potentiel important, comme cela avait été démontré par une étude de l’ISI en 2007.

En ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre, la moyenne par habitant dépasse largement celle de l’Europe des 15, et c’est sans compter le tourisme à la pompe. Le Luxembourg s’est engagé à baisser ces émissions de 28 % par rapport aux chiffres de 1990 d’ici à 2012 et, selon les experts, cet objectif ne saurait être atteint sans l’achat massif de quotas d’émission.

Pour ce qui est des prix enfin, ils sont au Luxembourg nettement plus bas que dans les autres Etats de l’Europe des quinze, ce qui est essentiellement lié à des taxes moins élevées. Le prix du gaz est plus bas pour les ménages tandis que, pour l’industrie, il dépasse de près de 10 % la moyenne des 27. L’électricité passe elle pour assez chère dans le Grand-Duché.

En conclusion de cet état des lieux, c’est le manque de durabilité de l’approvisionnement énergétique qui est le plus prégnant au Luxembourg.

Ce qui est ressorti des discussions, c’est dans un premier temps l’importance du rôle que pouvait jouer l’agriculture en matière de lutte contre le changement climatique, mais aussi l’importance que peuvent avoir les communes en matière de politique énergétique, et l’exemple de l’utilisation des déchets pour produire de l’énergie a été évoqué à ce titre. Le paradoxe du soutien à la production d’électricité par la cogénération, qui implique une augmentation de l’émission de gaz à effets de serre, a été soulevé tandis que la question centrale de l’éducation des consommateurs à l’économie d’énergie a suscité un large consensus.

Un cadre réglementaire européen

Le modèle énergétique luxembourgeois ne pourra être défini que sur la base des décisions prises à l’échelle de l’Union européenne, et de la réglementation qui en découle. Et c’est le cas en termes de concurrence – le Luxembourg a transposé en 2007 les directives pour le marché intérieur de l’électricité et du gaz  -  mais aussi en termes de sécurité énergétique – et on peut citer comme exemple la directive 2006/67/CE - et de durabilité.

La réglementation européenne en matière d’efficacité énergétique  est très riche et il convient de citer en particulier la directive 2006/32/CE qui implique pour chaque Etat membre la mise en œuvre d’un plan national d'action en matière d'efficacité énergétique. De nombreux textes visent à réduire la consommation d’énergie au niveau de la conception des appareils électriques, ou encore de la performance énergétique des bâtiments.

Par ailleurs, le Luxembourg se doit répondre aux objectifs que s’est fixés l’Union européenne pour 2020 en vue de lutter contre le changement climatique. Il s’agit d’une part d’augmenter la part des énergies renouvelables - l’objectif du Luxembourg est fixé à 11 % - mais aussi celle des biocarburants – pour atteindre d’ici à 2020 10 % dans tous les Etats membres. Il faut aussi renforcer la productivité énergétique et réduire les émissions de gaz à effet de serre ce qui sera difficile pour la grande majorité des membres de l’Europe des quinze.

Une stratégie énergétique pour le Luxembourg

Pour répondre au besoin d’un approvisionnement en énergie qui soit durable, sûr et compétitif, la stratégie énergétique du Luxembourg devrait, selon les experts mandatés par le ministre Jeannot Krecké, s’articuler autour des objectifs suivants :

  • réduire de façon drastique les gaz à effet de serre sur le long terme – pour atteindre une baisse de – 60 à – 80 % d’ici à 2050
  • améliorer de façon durable l’efficacité énergétique grâce à une production et à une utilisation plus rationnelle de l’énergie
  • augmenter l’utilisation des ressources en énergie renouvelable en vue d’une diversification des ressources
  • diversifier l’origine des importations en énergie fossile
  • garantir la qualité des infrastructures
  • éviter le gaspillage d’énergie en changeant le comportement des producteurs et des consommateurs
  • assurer la constitution d’un marché du gaz et de l’électricité où prévaut la libre concurrence

Pour que cette stratégie puisse être mise en œuvre, les experts ont insisté sur la nécessité d’une sensibilisation à ces objectifs auprès des acteurs de l’économie et de la société ainsi que sur la mise à disposition des ressources humaines et financières nécessaires au sein du gouvernement. Et cet aspect n’a pas manqué de soulever auprès de l’assistance la question déterminante de la répartition des compétences et du caractère transversal d’une telle stratégie.

Neuf domaines d’action ont été identifiés et ont fait l’objet de recommandations, à savoir la sécurité de l’approvisionnement, les infrastructures, le transport, l’industrie, les ménages, le secteur tertiaire, la production d’électricité, les institutions publiques et enfin les énergies renouvelables.

Les Verts un tantinet narquois

Henri Kox et Claude Turmes, respectivement député à la Chambre et eurodéputé, ont réagi, par voie de communiqué, pour souligner que "le bilan de l’étude confirme l’analyse que 'Déi Greng' présentent au gouvernement depuis des années". Et Claude Turmes de relever que "les auteurs du Livre blanc attendent depuis un an et demi sa publication" tout cela parce que "le département de l’énergie au sein du Ministère de l’économie est désespérément en sous-effectifs". En conclusion pour les Verts, "(presque) tout reste à faire en vue de la mise en œuvre d’un développement durable dans le domaine de l’énergie".