Demain quelle politique culturelle ? C’est cette interrogation que GénérationsEurope.lu a soulevée, invitant à une conférence-débat qui s’est tenue le 30 avril 2009 à la Maison de l’Europe Lydie Polfer, députée européenne sortante, échevine de la Ville de Luxembourg en charge de la culture et candidate DP aux élections législatives, Claude Frisoni, directeur du Centre culturel de Rencontres de Neumünster (CCRN) et candidat aux élections européennes (LSAP), Frédéric Jambu, directeur de l’Association pour le Développement culturel européen et international (ADCEI) à Marseille et René Kollwelter, président de Générations-Europe.lu, conseiller d’Etat, conseiller communal de la capitale et candidat LSAP aux élections européennes de juin 2009.
René Kollwelter a d’emblée inscrit cette manifestation dans le contexte des élections européennes, car il estime que la campagne pour les européennes devrait avoir son "propre profil". Or, la culture est à ses yeux un "ciment fondamental de l’Union européenne" et une garantie aussi pour préparer l’avenir, et ce d’autant plus qu’elle a un impact économique et social qu’il ne faut pas négliger.
Lydie Polfer, qui s’est exprimée surtout sous sa casquette d’échevine, a tenu à souligner le poids accordé à la culture par la ville de Luxembourg, et ce depuis longtemps déjà. Remontant à 1995, année au cours de laquelle Luxembourg a pour la première fois été capitale européenne de la culture, Lydie Polfer a ainsi salué la prise de conscience qui a eu lieu depuis cette date dans tout le pays en ce qui concerne l’importance de la culture dans notre vie quotidienne.
La ville de Luxembourg compte 64 % d’habitants non-Luxembourgeois, preuve s’il en est, pour Lydie Polfer, de son caractère multiculturel. Or, à ses yeux, la "cohésion" qui prime au sein de cette société multiculturelle est due en partie à la culture, qui est aussi "une manière de vivre ensemble". Et l’eurodéputée d’insister sur le fait que, pour le Luxembourg, lieu de carrefour et mais aussi de chocs tout au long de son histoire, l’Europe est un moyen de pouvoir façonner notre avenir commun dans la paix.
Claude Frisoni a expliqué quant à lui qu’il était légitime pour le Luxembourg de parler d’échange et de dialogue, ce qui tient selon lui non seulement à l’histoire du Grand-Duché, mais aussi et surtout à une question de volonté. Et de revenir lui aussi sur cette fameuse année 1995 qu’il avait alors proposé de baptiser, avec succès, "Luxembourg, ville européenne de toutes les cultures".
La diversité est pour Claude Frisoni une "loi de la nature" qui vaut aussi pour toute civilisation car, comme il se plaît à le dire, non sans humour, "société pas variée est avariée". Pourtant, ce mot, qui est à la mode, connaît deux grandes interprétations, l’une insistant sur ce qui distingue, l’autre sur ce qui rassemble.
Son expérience lui a par ailleurs montré que ce ne sont pas les cultures qui dialoguent, mais bien les hommes. Or, cette découverte mutuelle n’est possible que grâce à des instruments de coopération, et Claude Frisoni a ici insisté, en tant que chef de file du réseau luxembourgeois de la Fondation Anna Lindh, sur leur nécessité toute particulière dans les relations entre Europe et autres cultures.
La Fondation Anna Lindh, créée en 2005, sous présidence luxembourgeoise de l’Union européenne, est née d’une décision d’Euromed de s’ouvrir à la société civile, et ce réseau de réseaux euro-méditerranéen d’une extraordinaire richesse, qui rassemble plus de 2000 associations, entend tisser un maillage de la Mauritanie à la Scandinavie.
Financée en partie par l’Union européenne et en partie par des contributions volontaires des Etats participant – et le Luxembourg n’a, selon Claude Frisoni, pas à rougir de sa contribution, même si ce dernier estime qu’un système de contributions contraignantes serait plus à même de faire fonctionner le réseau – la Fondation est ainsi un outil essentiel de la coopération euro-méditerranéenne.
Frédéric Jambu, directeur de l’ADCEI, a tenu pour sa part à souligner son désaccord avec le terme de "Politique de Voisinage" choisi par l’Union européenne pour cadre de ses relations avec les pays du pourtour méditerranéen. Pour lui en effet, la Méditerranée est au cœur de la construction de l’Europe et ces pays, avec lesquels l’Europe a en partage non seulement la Méditerranée, mais aussi une histoire, sont plus que des voisins.
Selon Frédéric Jambu, les échanges et le dialogue, fruits de la coopération, vivent grâce aux réseaux qui les portent. Il distingue ainsi plusieurs types de réseaux européens, les uns soutenant des intérêts communs par des activités de lobbying notamment, et les autres soutenant la coopération à travers des projets communs. Aux yeux de Frédéric Jambu, ce sont ces projets communs, concrets, qui constituent le meilleur moyen de construire cet espace, ce que, selon lui, l’Union européenne a d’ailleurs bien compris.
Une des difficultés rencontrées cependant dans le cadre de ce travail de coopération euro-méditerranéenne, à savoir les obstacles nombreux à la mobilité, montre selon Claude Frisoni que "les priorités affichées par l’Union européenne cachent parfois un certain immobilisme". Et c’est notamment le cas "quand on parle de mobilité sans permettre aux acteurs de la mobilité d’être mobiles". En bref pour lui, entre les idéaux et la pratique, il reste beaucoup à faire.
Frédéric Jambu, qui, basé à Marseille, est aussi délégué général du réseau Euromedineculture, a qualifié ce problème de mobilité de "point noir des relations euro-méditerranéennes". Il regrette pour sa part que l’Europe apparaisse aux yeux de ses partenaires méditerranéens comme "un blockhaus aux murs quasi-infranchissables". Et il n’a pas manqué de soulever que les obstacles à la mobilité allaient parfois au-delà de ce mur puisque les obstacles à la mobilité intra-européenne sont encore nombreux.
Et Claude Frisoni d’ajouter à ce sujet que, d’une façon générale, les travailleurs culturels sont les parents pauvres de la mobilité en Europe. Un inventaire des obstacles objectifs à la mobilité est d’ailleurs en cours, à la demande du réseau européen des Centres culturels de rencontre.
S’il trouve bien des défauts à l’Union européenne, le directeur de l’ADCEI lui reconnaît aussi la qualité d’accepter, parfois, d’entendre ce qui remonte du terrain. Ainsi, évoquant l’Agenda européen de la culture proposé en mai 2007 par la Commission européenne, Frédéric Jambu a expliqué très rapidement que cela pourrait être une des prémisses d’une future politique européenne en faveur de la culture, laquelle n’existe pas à ce jour.
Les trois objectifs annoncés par la Commission dans ce texte sont la diversité culturelle et le dialogue interculturel, la culture en tant que catalyseur de la créativité et la culture en tant qu'élément essentiel des relations internationales. Un processus de consultation sur le sujet se poursuit actuellement, et professionnels de la culture ou citoyens sont ainsi notamment invités à apporter leur contribution à cette réflexion qui devrait influer sur l’avenir des politiques européennes en faveur de la culture.