La Fedil, qui se définit elle-même comme "une fédération d'entreprises multisectorielle représentative des secteurs de l’industrie, de la construction et des services aux entreprises", vient de publier dans les Echos de l’Industrie du mois d’avril 2009 les réponses des partis politiques qui ont des élus à la Chambre des députés et au Parlement européen à un questionnaire sur le sujet "Quelle Europe pour les entreprises ?".
Ce questionnaire tourne autour des trois priorités des industriels luxembourgeois au niveau de la politique européenne : le marché intérieur, l’environnement et l’Europe sociale. Ce faisant, "la Fedil s'implique activement dans les débats européens à travers son adhésion à BUSINESSEUROPE et sa représentation à Bruxelles"..
Europaforum.lu publie ici, avec l’accord de la Fedil, les réponses des partis à son questionnaire. En vue des élections européennes, ces réponses donnent un large aperçu sur les options programmatiques des partis parlementaires en lice.
Aux yeux de la Fedil, il est évident que le Luxembourg doit sa prospérité économique è l'intégration européenne, plus particulièrement a la création du marché unique. A ce jour, notre pays est dépendant du marché intérieur pour garantir la pérennité de sa croissance et la viabilité de son économie. En ces temps de crise, les valeurs fondamentales du marché intérieur, à savoir la libre circulation des personnes, des marchandises, des capitaux et des idées, sont soumises à rude épreuve par des tendances protectionnistes, voire nationalistes dans certains Etats membres de l'Union. Les atteintes portées a la cohésion du marché intérieur sont souvent dissimulées dans des messages de protection, souvent excessive, des consommateurs et dans des messages, souvent injustifiés, de protection des minimas sociaux. En tant que parlementaires européens, entendez-vous défendre des positions qui renforcent le marché intérieur, mf me sous des conditions politiques difficiles ?
Nous dépendons, plus que d'autres et à un degré quasiment existentiel, du bon fonctionnement du marché intérieur européen. Ce marché sous-tend l'euro et constitue la base non seulement de la crédibilité de la monnaie européenne, mais également de la dynamique de la politique européenne du commerce extérieur. La très grande majorité du commerce extérieur du Luxembourg se déroule au sein du marché intérieur de I'UE. La performance non entravée du marché intérieur est pour le Parti chrétien social une priorité absolue de sa démarche européenne. Pour le Luxembourg, toute velléité protectionniste au sein du marché intérieur serait extrêmement préjudiciable. Voilà pourquoi nous ferons tout ce qui est dans le pouvoir des quelques parlementaires européens dont dispose le Luxembourg pour défendre la lettre et l'esprit du marché intérieur. Nous considérons pour le surplus que ce marché, bien que vital pour notre pays et relevant dès lors de notre intérêt national, est également l'une des pierres angulaires de l'édifice communautaire. Il mérite d'être soutenu de toute notre force.
Le marché intérieur est né sous l'impulsion de Jacques Delors, le dernier président socialiste de la Commission européenne. Pour les socialistes européens l'achèvement du marché intérieur et la pérennité des quatre libertés qui en sont le fondement reste un objectif primordial. Pour nous socialistes le marché n'est pas un but en soi, mais doit être au service des consommateurs.
Le marché doit être réglementé afin de permettre une concurrence saine entre les acteurs économiques. Cela implique de lutter contre les abus de position dominante, d'ententes de prix et la formation de cartels. Cela implique également de lutter contre le protectionnisme et contre la tentation de privilégier en temps de crise certains "champions nationaux" au détriment d'une concurrence loyale. Aux yeux des socialistes, la Commission Barroso a trop souvent privilégié l'orthodoxie ultralibérale en empêchant les Etats de mener une politique industrielle active. Pour les socialistes des aides à l'investissement et à la restructuration sont des instruments licites de politique économique. A condition, bien évidemment, de ne pas créer des distorsions de concurrence. Un autre reproche que l'on doit faire à la Commission Barroso est d'avoir souvent privilégié des solutions bureaucratiques, par exemple pour la mise en œuvre de REACH. Pour résumer, les socialistes vont œuvrer en faveur d'un marché intérieur permettant aux acteurs économiques de se développer dans le cadre d'une libre concurrence évitant les abus, afin de mieux servir les consommateurs.
Sachant que plus de deux tiers des richesses produites dans l'Union européenne s'échangent sur le marché unique il est clair que nous ne pouvons nous couper ni de nos partenaires européens ni du reste du monde. La question n'étant plus de savoir si notre économie doit être ouverte ou fermée, le vrai débat doit porter sur la façon dont l'Union européenne nous permet de nous adapter à la donne principale qu'est la mondialisation. Les 27 Etats membres doivent se montrer solidaires. Ils doivent se soutenir mutuellement afin que la crise économique et financière mondiale ne leur barre pas le chemin de la croissance. Chaque Etat membre a le droit de compter sur le soutien de l'Union européenne. Ce droit engendre cependant également des devoirs comme celui de répondre aux impératifs du pacte de stabilité. Ce dont nous allons avoir cruellement besoin c'est d'un "Pacte de solidarité" entre les Etats membres mettant en exergue les grands choix politiques en privilégiant à chaque occasion le recours à des solutions communautaires.
Pour ce qui est de la crise actuelle, rien ne garantit que les inquiétudes bien compréhensibles ne préparent le retour en force des vieux démons que sont le protectionnisme, le corporatisme et les replis identitaires qui tôt ou tard risquent de déboucher sur la haine et l'exclusion. En ce début d'année 2009, les signes précurseurs d'attitudes protectionnistes sont déjà suffisamment perceptibles pour ne plus être ignorés. A titre d'exemple l'on pourrait citer les réponses apportées par les Etats membres à la crise du secteur automobile. Ce qu'il y a lieu de stigmatiser en l'occurrence, ce n'est pas le fait que les Etats membres veuillent intervenir dans la présente crise, mais leur incapacité de s'entendre sur une réponse coordonnée à donner au secteur automobile entre autres.
Le marché unique européen est un aspect fondamental de la construction de l'Union, mais il n'est toutefois pas une fin en soi. Il doit servir à atteindre les objectifs clés que l'Union européenne s'est fixée, à savoir la stabilité de l'emploi, une politique sociale ambitieuse, un développement durable ainsi que le respect des droits des consommateurs. Comme le stipule l'article 2 du Traité CE : L'Union européenne a pour ambition de promouvoir "un niveau d'emploi et de protection élevé", "un développement harmonieux, équilibré et durable des activités économiques", "l'égalité entre les hommes et les femmes", "une croissance durable et non inflationniste", "un haut degré de compétitivité et de convergence des performances économiques", "le relèvement du niveau et de la qualité de vie", et "la cohésion économique et sociale".
Les Verts défendent l'idée d'un marché unique pour autant qu'il soit compatible avec les principes précités. Ils ne plaident donc pas pour un marché totalement libéralisé mais pour une libéralisation soumise à des règles. La crise financière actuelle montre qu'un marché financier dérégulé peut déraper aux dépens de la stabilité de l'économie européenne et mondiale avec d'énormes conséquences négatives sur l'économie réelle. Nous soulignons que le marché unique doit respecter le principe de subsidiarité dans les matières qui relèvent de la compétence nationale. En effet, il est inacceptable que la libéralisation des services prime sur le respect des conventions salariales entre les partenaires sociaux, à l'image des arrêts Ruffert, Laval et Viking de la Cour de justice européenne (CJCE).
Afin de réglementer le marché unique, les Verts ont fait quelques propositions concrètes :
Globalement, I'ADR (Alternativ Demokratesch Reformpartei - parti démocrate réformateur) se prononce en faveur d'une Europe des Nations dans laquelle le principe de subsidiarité est largement appliqué. Sur le plan économique, I'ADR adhère aux principes du marché intérieur. C'est essentiellement dans ce domaine que l'Union européenne peut apporter une plus-value à ses Etats membres et citoyens européens. L'Union européenne, en cette période de crise, doit jouer un rôle important dans la relance de l'économie. Une des priorités doit consister dans l'extension des réseaux : transport, énergie, données électroniques. Toutes ces mesures bénéficieront également aux entreprises industrielles. L'ADR plaide pour une réduction des barrières administratives qui se dressent devant les entreprises luxembourgeoises souhaitant accéder aux marchés des autres Etats membres. Les représentants de I'ADR défendront donc au Parlement européen une politique en faveur du marché intérieur. Ils plaideront également pour que l'accès à ce marché aux entreprises des pays tiers soit progressivement lié à des standards minimas sur le plan écologique, sur celui de l'exploitation des ressources naturelles et à des normes sociales telles que définies par l'Organisation internationale du travail (OIT).
La politique européenne en matière de protection de l'environnement a des incidences directes sur l'activité économique au Luxembourg. La Fedil soutient les principes d'une politique environnementale ambitieuse mais tient toutefois à mettre en garde contre une approche déséquilibrée qui aurait des conséquences néfastes pour la productivité et la compétitivité internationale des entreprises. La Fedil a notamment souscrit aux objectifs de réduction des émissions de CO2 avancés par la Commission européenne pour la période post-2012, sous condition qu'un accord International soit trouvé qui garantira des conditions égales (level playinq field) en matière de compétitivité. Si un tel accord n'était pas trouvé lors de la conférence COP-15 à Copenhague en décembre 2009, l'industrie européenne serait confrontée a un désavantage concurrentiel sur le plan mondial.
En tant que parlementaires européens, vous serez invités à vous prononcer sur le futur de la politique de lutte contre le changement climatique, qui vous confrontera à des choix difficiles pouvant entraîner des délocalisations et des pertes d'emploi considérables dans notre pays et en Europe en général. Comment comptez-vous réagir face à de tels défis ?
La lutte contre le changement climatique constitue l'un des quelques grands défis mondiaux qu'il s'agit de relever pour garantir la survie des habitants de notre planète. Toute politique s'y rapportant doit d'abord être conçue en conscience du caractère absolument existentiel de la problématique. Toujours est-il que ce n'est ni sur notre territoire de 2.586 kilomètres carrés, ni dans I'UE dans son ensemble, que guettent les dangers les plus graves en matière d'émissions. Il s'agit d'une problématique globale, dont d'importants aspects actuels et futurs se situent en dehors des frontières européennes. Il faudra que l'Union agisse au sein de fora internationaux pour que ses engagements soient d'abord imités avant de les renforcer encore, au risque de pénaliser massivement l'industrie européenne dont nous avons un besoin urgent pour réussir la sortie de la crise. Dès lors, tout nouvel engagement européen devra prendre en compte les engagements des principaux acteurs économiques de la planète. Il a été démontré qu'une démarche européenne plus ou moins solitaire ne trouve guère d'imitateurs rien que par sa noblesse conceptuelle.
La lutte pour la protection de l'environnement et contre le changement climatique concernent toute l'humanité. Parmi les 18 pays les plus peuplés au monde, et représentant 75 % de l'humanité, ne figure qu'un seul pays de I'UE : la République fédérale d'Allemagne. S'il est vrai que les Etats industriels polluent davantage que les Etats moins développés, il n'en est pas moins vrai que l'Europe, même si elle devait être suivie des Etats-Unis, ne parviendra pas à limiter toute seule l'émission de gaz à effet de serre. L'Union européenne émet quelque 13 % des émissions mondiales de C02 . Les pays dit BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) émettent plus du tiers des émissions globales. Un accord international ne pourra se faire qu'avec le concours des principaux pays développés et des pays les plus peuplés. Ce qui revient à dire que l'Union européenne ne pourra pas sacrifier ses industries ou les pousser à la délocalisation vers des pays laxistes en matière de réglementation environnementale. L'Union européenne doit bien évidemment assurer ses responsabilités historiques. Elle doit notamment contribuer par l'exemple, mais également à travers le financement du transfert technologique vers les pays moins développés, afin de permettre à la communauté internationale de s'adapter rapidement aux exigences climatiques et aux impératifs environnementaux. A cet égard le développement de technologies plus économes en énergies et plus efficientes dans l'utilisation des ressources de la terre ne constituent pas uniquement un défi, mais également une chance pour le développement industriel de l'Europe.
L'Union européenne édicté des objectifs mais ne donne pas ou tout au plus que de manière trop vague le mode d'emploi pour l'application de ces directives. Avec le DP, les citoyens et les entreprises tireront profit de la politique environnementale. Le DP préconise l'implication de tous les acteurs dans la définition des politiques à arrêter dans ce domaine. A cette fin, les Etats membres doivent être en mesure de tabler sur un appui scientifique adéquat leur donnant les moyens de leurs ambitions. Les objectifs climatiques poursuivis par l'Union européenne seront soutenus de manière concrète au Luxembourg.
Le DP mettra en œuvre une politique environnementale à moyen terme qui permettra à notre pays de réduire sa dépendance des énergies fossiles. Il procédera également à une refonte du plan national d'affectation des quotas sur base des mesures retenues dans son programme électoral pour les élections législatives du 7 juin 2009. Pour le DP le recours aux mécanismes de développement propre déjà prévus dans le protocole de Kyoto sont à voir en tant qu'élément complémentaire dans la lutte contre le changement climatique. Le DP estime qu'il importe cependant de mettre d'abord en œuvre toutes les mesures permettant de répondre au défi du changement climatique avant d'avoir recours à ces mécanismes.
L'Union des entreprises luxembourgeoises (UEL) a souligné dans ses propositions de mars 2009 - "100 mesures pour redresser la compétitivité" - que le créneau des technologies développées dans le cadre de la lutte contre le changement climatique est important pour l'économie de demain. En effet elle propose "d'engager un plan de développement et d'action en matière d'écotechnologies et plus particulièrement en matière de technologies permettant d'économiser de l'énergie" et recommande que le gouvernement luxembourgeois s'inspire davantage de la stratégie des gouvernements américain et allemand en la matière. Or, s'inspirer des stratégies américaines et allemandes signifie qu'il faut considérer la lutte contre le changement climatique et pour un mode de production moins consommateur de ressources et plus soutenable comme une chance pour l'économie de demain.
Les Nations Unies prévoient que le marché mondial dans le domaine de l'environnement représentera environ 3 trillions de dollars en 2020. D'après la Commission européenne, les éco-industries emploient déjà 3,4 millions de personnes en Europe avec une tendance à la hausse. Les recherches de la Confédération européenne des syndicats (CES) prouvent aussi que le changement climatique a un fort potentiel de création d'emplois. La combinaison des mesures de protection du climat et de réduction de la dépendance énergétique permettra non seulement l'accès à de nouveaux marchés et la création de nouveaux emplois.
Elle nous aidera également à prévenir de nouvelles crises climatiques ou d'approvisionnement énergétique pouvant mettre en péril les bases de notre économie.
Les Verts voudraient promouvoir ce potentiel par un programme européen d'investissements écologiques, en partie garantis par la Banque européenne d'investissement (BEI). Ce « Green New Deal » pourrait créer cinq millions d'emplois en Europe dans les secteurs de la construction, des énergies renouvelables, de l'efficacité énergétique et de la mobilité durable. Le lien avec l'économie luxembourgeoise est évident. Les Verts proposent la création de trois centres de compétences à Luxembourg pour préparer l'économie luxembourgeoise à ces défis : un centre de compétences sur les bâtiments et les matériaux de construction de demain, un centre sur la voiture de demain (hybride-électrique) et un sur les produits financiers respectant des critères écologiques et sociaux.
Concernant la question de la compétitivité économique européenne : en cas d'échec des négociations internationales sur le climat à Copenhague, d'éventuels effets négatifs sur la compétitivité des entreprises européennes pourraient être contrés par une taxe à l'importation.
L'ADR reconnaît que l'Union européenne doit jouer un rôle important dans la politique environnementale et dans la lutte contre le réchauffement du climat. Le parti démocrate réformateur plaide toutefois pour que, dans, ce cadre, il soit tenu compte des intérêts nationaux du Luxembourg et donc de ses entreprises. Le Luxembourg doit ainsi se fixer des objectifs réalisables en matière de réductions des émissions de CO2 et doit rester conscient de l'impact financier sur le budget national que représente le "tourisme à la pompe".
En ce qui concerne le protocole de Kyoto et les négociations post-Kyoto, le Luxembourg ne doit pas, à la légère, accepter d'augmenter davantage ses engagements. Il doit insister pour le maintien de l'accès aux mécanismes flexibles permettant de comptabiliser les réductions de CO2 à travers des cofinancements de projets dans des Etats tiers. Ces mécanismes sont vitaux pour les intérêts de l'industrie luxembourgeoise. L'Union européenne doit insister auprès des autres grandes entités économiques (Etats-Unis, Chine, ...) pour que ceux-ci adhèrent également au protocole de Kyoto.
La Fedil souscrit a une politique sociale équilibrée qui tient compte de l'impératif de favoriser la croissance et l'emploi dans I'UE et qui encourage le dialogue social. Dans le même ordre d'idées, la Fedil soutient toute initiative visant à améliorer le fonctionnement des marchés du travail dans I'UE et la modernisation des systèmes de sécurité sociale. Le concept de la "flexicurité" à mettre en œuvre au niveau national y joue un rôle clé. De même, la Fedil considère que la politique sociale en Europe devrait se concentrer à établir un cadre commun de politique sociale et que les dispositions détaillées y afférentes devraient rester une compétence des législateurs nationaux dans le respect du principe de subsidiarité. La Commission européenne a tendance à élaborer des propositions qui mèneraient vers une harmonisation de diverses dispositions nationales peu comparables et ceci sans tenir compte des accords obtenus dans le dialogue social, aussi bien au niveau européen que national.
En tant que candidats au mandat de parlementaire européen, comment percevez-vous le dialogue social européen et êtes-vous d'avis que la politique sociale devrait rester dans les compétences nationales ou soutenez-vous l'introduction de législations harmonisées, que ce soit dans le domaine du temps de travail, du congé de maternité ou des salaires ?
Le Parti chrétien social affirme clairement sa revendication de standards sociaux minima à travers l'ensemble de l'Union, dont la création d'un salaire minimum garanti dans chaque Etat membre. Ce salaire devra bien entendu être adapté à la réalité des Etats respectifs, et idéalement arrêté dans le cadre du dialogue social.
Notre plaidoyer va dans le sens de la définition de "socles sociaux européens" de base. Ceci n'implique ni harmonisation entière des règles de la sécurité sociale, ni du droit du travail. Néanmoins, il devrait être entendu que quelques principes essentiels soient respectés à travers l'ensemble de l'Union. Toute personne qui travaille à plein temps doit pouvoir vivre décemment de ce travail. Toute personne employée doit bénéficier de garanties minimales quant à sa sécurité de l'emploi. La "flexicurité" n'aura de sens que dans la mesure où les composantes du terme seront en équilibre sur tout le territoire de l'Union. Plus qu'une politique européenne à part, c'est une coordination entre politiques des Etats membres qui pourra mener aux résultats escomptés. La légitimité du projet européen auprès des citoyens de l'Union en dépend. La cohésion sociale, sans laquelle la sortie de l'Europe de la crise économique sera compromise, aussi.
Ces dernières années le projet européen a perdu de son attrait parce que beaucoup de nos concitoyens ne se retrouvent plus dans une Union jugée trop éloignée des soucis quotidiens de l'Européen de base. La politique européenne est jugée trop technocratique et "Bruxelles" est chargée de tous les maux. Les socialistes sont persuadés que le nécessaire support des peuples d'Europe à la construction européenne passe par une Europe plus sociale. Paradoxalement le reste du monde envie aux Européens leur modèle de société. C'est ce modèle alliant efficacité économique et inclusion sociale, qui a fait que l'Union européenne est finalement l'entité politique où le niveau de vie général est le plus favorable et où les droits humains sont les mieux protégés. Il n'existe bien sûr pas un modèle social européen unique. En fait, l'Union européenne est l'addition de 27 modèles sociaux parfois forts disparates. L'objectif ne peut donc pas être la création d'un système social unique. Il faut respecter les règles sociales nationales, souvent issues de négociations entre syndicats et patronat (ou, dans le cas du Luxemburg, d'accords tripartites). Les différences entre le niveau de vie, le niveau de productivité et le niveau des salaires des 27 pays membres rendent illusoires pour tout avenir prévisible la détermination d'un salaire social unique et de prestations sociales uniformisées. La politique sociale restera encore longtemps tributaire des situations nationales, voire régionales. Mais la subsidiarité bien comprise appelle néanmoins l'établissement d'un socle commun de droits sociaux harmonisés. Ainsi I'UE doit promouvoir non pas un salaire minimum unique, mais le principe du salaire social. En matière de temps du travail, l'Europe doit œuvrer pour une harmonisation permettant aux partenaires sociaux de négocier toute flexibilité requise, mais sans permettre à certains pays des « opt-out », qui constituent en fait des distorsions de concurrence entre les secteurs économiques concernés. Il faut également laisser une marge aux négociations entre patronat et syndicats au niveau européen, dont le congé parental est un bel exemple. La nécessaire politique sociale européenne doit se faire à l'européenne, c.-a-d. par la négociation tenant à la fois compte des contraintes économiques et des aspirations des travailleurs à un niveau de protection social élevé. Dans ce contexte, il ne peut pas être dans l'intérêt des employeurs européens si certaines pratiques de dumping social ou de travail noir sont favorisées par des propositions visant à créer un marché intérieur « libéré » de toutes contraintes sociales, comme le proposait la défunte directive Bolkestein. Pour les socialistes on ne construira pas une économie européenne prospère sur un désert social.
Nombre de pays européens dont notamment les nouveaux Etats membres restent extrêmement réservés quant à l'inscription dans les traités de compétences plus larges dans le domaine social. Tant que l'Europe reste privée de compétences en la matière, les Etats restent entièrement responsables de l'impact de ces politiques. Cela nous permet de veiller au maintien du niveau de protection sociale dans notre pays. Si harmonisation il y a, il ne peut pas de l'avis du DP, s'agir de nivellement vers le bas. Le rapport conjoint sur la protection sociale et l'inclusion sociale 2008 a fait état comme d'ailleurs les rapports précédents, du risque de pauvreté au sein de l'Union européenne. Le DP appuie également les efforts allant dans le sens de l'instauration d'un salaire social minimum et d'un revenu minimum garanti qui tienne compte de la situation dans les Etats membres en précisant que le salaire social minimum et le revenu minimum garanti ne peuvent être le même dans tous les Etats membres. Pour des raisons d'éthique il n'est pas concevable que des citoyens vivent dans la précarité. Ceci vaut d'ailleurs également pour des raisons économiques.
Les pays à haut niveau de protection sociale risquent de voir certaines de leurs entreprises se délocaliser dans les pays à faible niveau de protection sociale qui plus est sont en règle générale les plus grands bénéficiaires des fonds structurels de l'Union européenne. L'Union européenne est accusée ainsi de se rendre complice du dumping fiscal et social pratiqués à l'intérieur de l'Union. En effet, pour financer les dépenses d'un Etat, il faut prélever des impôts. Plus on dépense plus il faut prélever d'impôts sauf si on recourt à l'emprunt ou si par exemple on reçoit des dotations des fonds structurels. De toute évidence, les fonds structurels permettent à l'Etat bénéficiaire de prélever moins d'impôts. N'y a-t-il pas là un levier à activer au niveau des 27 Etats membres ? Ne serait-il dès lors pas judicieux de lier l'obtention d'aides à la fixation d'un taux minimal d'imposition et de standards minima sociaux dans le pays bénéficiaire ? Cela aurait l'avantage de réduire l'écart entre les taux d'imposition des sociétés et de renouer ainsi avec une compétition plus saine. La négociation du prochain paquet financier 2013--2020 pourrait être l'occasion de progresser en la matière.
Suivant les traités, l'Union européenne a des compétences limitées en matière de politique sociale. Les Etats membres restent responsables et compétents en matière de politique sociale. L'Union européenne complète et soutient les politiques des Etats membres dans certains domaines et "arrête des prescriptions minimales" (Article 137 § 2 b). Nous soutenons ce principe qui ne prévoit pas une uniformisation générale des législations sociales en Europe mais privilégie plutôt l'introduction de minima sociaux améliorant le bien-être des employés et les protégeant contre le "dumping social" dans un marché du travail libéralisé. Cette approche permet aux Etats membres de préserver les droits acquis et d'appliquer des normes plus ambitieuses.
En matière de congé de maternité et de temps de travail, l'Union européenne a la compétence de réglementer. Nous ne nous opposons pas à une réglementation européenne introduisant des standards minimaux dans ces domaines. De plus, nous sommes d'avis qu'une discussion sur la question du revenu minimum garanti devrait être abordée au sein de l'Union européenne. En effet, le rush vers le plus petit dénominateur entre les Etats membres exerce une pression extrême sur le niveau des salaires des employés et constitue un « dumping » pour les entreprises luxembourgeoises. Le dialogue social européen a fait ses preuves dans plusieurs cas. Il faudrait insister sur le fait qu'il est complémentaire et ne pourra se substituer au travail législatif des institutions européennes en matière sociale. Le risque de statu quo en matière sociale suite à des situations de blocage du dialogue est réel.
L'ADR est d'avis que le marché unique doit aller de pair avec une forte composante de protection sociale et ne doit pas avoir pour conséquence le démantèlement des standards sociaux. Les entreprises luxembourgeoises - et leurs salariés - seraient d'ailleurs les premières victimes d'une politique favorisant le dumping social. L'ADR souhaite introduire des cadres et des normes sociales minimales valables dans tous les Etats adhérant au marché unique. A l'instar des normes financières adoptées pour la création de l'euro, des critères de convergence des normes sociales devraient inciter les pays appliquant les normes les plus faibles a relever leurs standards sociaux. Pour I'ADR, les mesures en faveur de la sécurité de l'emploi sont une composante indispensable de la politique sociale européenne. L'Europe sociale doit tenir compte des intérêts nationaux du Grand-Duché. L'ADR s'engage à ce que les entreprises luxembourgeoises soient protégées contre la concurrence d'entreprises étrangères pratiquant le dumping social pour obtenir des marchés au Luxembourg. Des entreprises non luxembourgeoises qui poursuivent des activités commerciales au Luxembourg doivent se conformer à notre législation et réglementation en matière de droit du travail.