A l’issue du Conseil "Justice et Affaires intérieures" du 6 avril 2009, le ministre luxembourgeois de la Justice, Luc Frieden, a commenté plusieurs points abordés par les ministres, dont la prévention et la résolution des conflits de compétence dans le cadre des procédures pénales, la lutte contre l’exploitation sexuelle des enfants et la pédopornographie, la lutte contre la traite des êtres humains, le statut des victimes vulnérables dans le cadre des procédures pénales, l’élection du nouveau directeur d’Europol et les extraditions et l’assistance juridique mutuelle entre l’Union européenne et les Etats-Unis.
En ce qui concerne la prévention et la résolution des conflits de compétence dans le cadre des procédures pénales, Luc Frieden a expliqué que, si, aujourd’hui, la coopération entre autorités judiciaires se fait de manière informelle, le texte soumis aux ministres à l’initiative de la Présidence tchèque aura l’avantage de mettre un peu d’ordre dans ce type de coopération, dans la mesure où Eurojust * sera appelé à aider à trouver une solution en cas de conflits de compétence.
Les ministres ont ensuite eu une première discussion sur un projet de décision-cadre relative à l'exploitation et aux abus sexuels concernant des enfants. Il s’agit là, selon le ministre, d’un texte important de la Commission européenne qui se recoupe déjà en partie avec la législation en vigueur au Luxembourg.
Comme pour les autres points à l’ordre du jour, la traite des êtres humains et la protection des victimes vulnérables, le ministre Frieden a rappelé que dès 1999, il s’était déjà engagé au niveau national pour une législation qui permette à certaines victimes vulnérables, dont des enfants abusés ou des victimes de la traite humaine, de témoigner sans qu’elles ne soient directement confrontées à l’auteur des faits. Il a signalé qu’il devrait présenter dans les semaines à venir un projet de loi relatif aux abus sexuels dont les enfants peuvent être victimes à travers l’Internet.
Pour Luc Frieden, les discussions sur tous ces points montrent que l’Union européenne est "un espace de valeurs communes" qui ne tardera pas à s’exprimer à travers une harmonisation du droit pénal dans certains domaines.
Luc Frieden a ensuite évoqué l’élection difficile du nouveau directeur d’Europol **. Le ministre de la Justice est intervenu personnellement dans la recherche de cet accord, car il avait déjà il y a cinq ans participé à la difficile élection de l’actuel directeur, l'Allemand Max-Peter Ratzel, qui doit quitter ses fonctions à la mi-avril. Le choix des ministres, qui doit être unanime, a été finalement le Britannique Rob Wainwright, 41 ans, qui est actuellement directeur de la division internationale d'un organisme britannique, l'agence de répression de la grande criminalité organisée (SOCA).
Au sujet de l’accueil dans l’Union européenne d’anciens détenus de la prison de Guantánamo, Luc Frieden est revenu sur les fruits des entretiens menés à Washington en mars dernier par Jacques Barrot, membre de la Commission européenne en charge des questions de liberté, de sécurité et de justice et Ivan Langer, ministre tchèque de l’Intérieur.
Soulignant l’importance d’une bonne coopération entre Union européenne et Etats-Unis dans le domaine de la justice, au nom d’une "communauté de valeurs et de destin", Luc Frieden a expliqué que la partie européenne n’avait pas encore reçu les bonnes réponses aux questions au sujet des ex-détenus de Guantánamo.
Aux yeux du ministre de la Justice en effet, les Américains ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent faire de ces 240 personnes, et des informations complémentaires sur ces détenus sont nécessaires : dans quel contexte, où, quand, comment et pourquoi ont-ils été arrêtés, que faisaient-ils alors, - quand ils ne sont pas originaires de ces pays, - au Pakistan et en Afghanistan, pour quelles raisons enfin ne veulent-ils ou ne peuvent-ils pas rester aux Etats-Unis, s’ils ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine ?
Les réponses fournies jusqu’à présent n’ont pas satisfait l’Union européenne et il faudra désormais, selon l’estimation de Luc Frieden, entre 3 et 4 mois aux Etats-Unis pour parachever les dossiers, qui seront a priori classés en deux catégories, et qui devraient permettre de répondre aux questions que les Européens se posent. Et, comme le souligne le ministre, l’enjeu est de taille car il concerne la sécurité de l’Europe.
Luc Frieden a par ailleurs rappelé que le Conseil avait décidé à l’unanimité que chaque Etat Membre serait responsable et libre pour décider d’accueillir ou non un ou plusieurs anciens détenus de Guantánamo. En revanche, il a aussi été jugé par tous indispensable de procéder à un échange d’informations, car toute personne accueillie par un Etat Membre pourrait, selon le principe de la libre circulation, se déplacer dans les pays voisins, et il convient donc, selon Luc Frieden, de procéder à une analyse des risques encourus. Se pose alors la question de savoir si ces personnes doivent être surveillées ou non, ce qui soulève plus généralement la question de la sécurité, notamment des installations étatsuniennes dans les pays de l’UE. Et le ministre de souligner enfin que, pour ce qui est du Luxembourg, il serait difficile, étant donnée la petite taille du pays, de garantir l’anonymat à une telle personne. Et de ce fait, il est plus qu’improbable que le Luxembourg accueille dans le futur un des détenus de Guantánamo.
* Eurojust est un organe de l'Union européenne institué en 2002 afin d'encourager et améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites judiciaires entre les autorités compétentes des États membres de l'Union chargées de traiter les affaires de criminalité organisée transfrontalière.
** Europol va devenir en 2010 une agence de l'Union européenne financée sur le budget de l'UE pour mener à bien ses activités de lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Europol a été créée en 1992 pour centraliser et traiter les informations nécessaires aux pays membres de l'UE dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. L'Office est également compétent pour la lutte contre l'immigration clandestine, la traite des êtres humains, le faux monnayage, le trafic de matières nucléaires et radioactives. Ses personnels sont des policiers, des membres des services de douanes et des services de l'immigration de l'UE. Europol a un budget de fonctionnement annuel de 50 millions d'euros actuellement constitué par des contributions des Etats membres