Le 7 mai 2009, la Cour des Comptes européenne a présenté son rapport d’activités pour l’année 2008 à l’occasion d’une conférence de presse.
Lars Heikensten, membre de la Cour responsable de la Communication, a tenu à rappeler dans un premier temps l’importance du rôle de la Cour dans le processus démocratique. Elle est en effet une sorte de gardienne indépendante des intérêts financiers des citoyens de l’Union européenne, par le contrôle qu’elle opère sur les finances communautaires et par la contribution qu’elle apporte à l’amélioration de la gestion financière de l’Union européenne en tant qu’auditeur externe de l’Union européenne.
Pour cette toute jeune institution, qui a fêté son trentième anniversaire en octobre 2007, le souci de transparence est désormais une priorité, et elle entend contribuer, notamment par la présentation de rapports d’activités publics, à rétablir la confiance des citoyens dans les institutions européennes. C’est sur ce point qu’a notamment insisté Vítor Caldeira, le président de la Cour, expliquant combien, en temps de crise, la pression est toujours plus grande en matière d’obligation de rendre des comptes sur les finances publiques.
Pendant l’année 2008, la Cour des Comptes européenne a rempli ses fonctions en assistant le Conseil et le Parlement européen dans le contrôle des dépenses et dans l’examen de l’exécution du budget par la Commission européenne.
Dans le cadre de ses activités, la Cour a mené des audits financiers, des audits de conformité et des audits de la performance. Le rapport annuel sur l’exécution du budget 2007 de l’UE a naturellement tenu une place importante pendant l’année 2008. Publié en novembre 2008, ce dernier contenait pour la première fois une opinion favorable de la Cour sur la fiabilité des comptes de l’UE, même si bien sûr certaines erreurs affectant la légalité et la régularité ont été relevées.
Par ailleurs, 12 rapports spéciaux ont été rédigés au cours de l’année 2008, et ils ont porté sur des questions relatives à la gestion financière dans des domaines allant de l’efficacité du Fonds de solidarité de l'Union européenne à l'aide de l'Union européenne aux opérations de stockage public de céréales.
A cet important travail, s’ajoutent des rapports annuels spécifiques pour toutes les agences exécutives de l’Union européenne, et, comme leur nombre ne cesse d’augmenter, il va de soi que la charge de travail croît aussi pour la Cour.
Enfin, 5 avis ont été rédigés sur des projets de réglementations ayant une incidence financière.
Ainsi que l’a rappelé son président, la Cour émet des recommandations, et c’est leur pertinence, leur actualité, et la façon dont elles sont prises en compte par les différentes institutions qui leur donnent tout leur poids. Aussi, les audits sont-ils avant tout de précieuses sources d’informations pour les gestionnaires eux-mêmes, à savoir les institutions auditées, qui peuvent prendre des mesures en conséquence. Vítor Caldeira s’est donc félicité de l’impact du travail de la Cour sur les avancées en matière de gestion financière dans l’Union européenne.
Pour exemple, le président de la Cour a notamment expliqué que le rapport sur la conditionnalité (RS n° 8/2008), publié au moment de l’adoption du bilan de santé de la politique agricole commune (PAC), avait été activement débattu au Parlement européen, et que celui a finalement inclus la quasi-totalité des recommandations de la Cour dans son projet de rapport sur la décharge 2007, adopté le 21 avril 2009. Ce que révélait le rapport, c’est que le système de paiement mixte aux agriculteurs selon des conditions en matière d’environnement, de sécurité alimentaire ou encore de bien-être des animaux tel qu’il était géré et mis en œuvre dans les Etats membres n’était pas efficace et qu’il était nécessaire d’établir des objectifs spécifiques et mesurables qui puissent être contrôlés au niveau de chaque exploitation agricole. Le message de la Cour était ainsi de simplifier les règles, de clarifier les objectifs et de hiérarchiser les règles applicables. Et il a été entendu.
L’impact et le suivi des observations de la Cour européenne se fait sentir aussi à moyen terme, et Vítor Caldeira a cité pour exemple l’adoption de nouvelles lignes directrices pour les organismes de certification dans le domaine des dépenses agricoles, ou encore la simplification des règles et des critères d’éligibilité pour les fonds structurels.
A plus long terme, le point de vue de la Cour peut avoir aussi une grande importance. A titre d’exemple, la Cour avait indiqué dès 2004 (avis n° 2/2004) qu’il revient aux institutions politiques de l’UE de se prononcer sur le niveau de risque qu’elles sont disposées à tolérer lorsqu’elles approuvent les politiques de dépenses de l’UE. Dans cet avis, la Cour invitait le Conseil et le Parlement à s’entendre sur un équilibre entre les coûts des contrôles et les avantages susceptibles d’en être retirés, en d’autres termes, sur le risque résiduel d’erreur affectant les dépenses considéré comme tolérable.
Vítor Caldeira s’est donc réjoui que, fin 2008, la Commission ait publié une communication intitulée "Vers une interprétation commune de la notion du risque d’erreur tolérable". Il va de soi qu’il n’a pas manqué cependant de rappeler et de préciser que du point de vue de la Cour, la notion de "risque tolérable" devrait également être prise en considération lors de la conception des programmes de dépenses, c’est-à-dire à la base de la prise de décision politique.
L’environnement de l’audit changeant très rapidement, il est indispensable, selon le président de la Cour des Comptes européenne, de faire preuve de flexibilité et de capacité d’adaptation. Et pour ce faire la Cour a procédé à une autoévaluation avant de se soumettre à l’examen de ses pairs. Leurs recommandations, formulées dans un rapport publié en décembre 2008, devraient être prises en compte au plus vite.
Dans sa stratégie d’audit pour 2009-2012, laquelle a été adoptée en 2008, la Cour s’est fixée pour objectif de maximiser l’incidence globale de ses audits et d’améliorer l’efficience en utilisant au mieux les ressources.
En 2009, quatre thèmes d’audit feront l’objet d’une attention toute particulière de la part de la Cour, à savoir la croissance et l’emploi, le changement climatique et le développement durable, l’Europe en tant que partenaire mondial, ainsi que l’initiative "Mieux légiférer".
Par ailleurs la Cour a décidé en 2008 de mettre en place un système d’indicateurs de performance clés afin de renforcer l’obligation de rendre compte, tant en interne qu’en externe, mais aussi d’augmenter l’efficience et la qualité des travaux.
Vítor Caldeira a insisté enfin sur l’engagement de la Cour des Comptes européenne au niveau international. La Cour joue en effet un rôle actif dans le processus d’amélioration des normes et pratiques internationales d’audit en participant aux réunions de l’Organisation des institutions supérieures de contrôle des finances publiques d’Europe (EUROSAI) et de l’Organisation internationale des institutions supérieures de contrôle des finances publiques (INTOSAI).
Par ailleurs, ainsi que c’est inscrit dans les Traités*, la Cour des Comptes européennes travaille en étroite coopération avec les institutions de contrôle nationales des Etats membres, et ce notamment au sein d’un comité de contact. La dernière réunion de ce comité a eu lieu en décembre 2008 a permis d’entamer une réflexion sur la crise et le rôle des institutions de contrôle. L’idée de travailler en réseau pour coordonner les travaux d’audit de la stratégie de Lisbonne ou encore des plans de relance, tant européen que nationaux, a ainsi été au cœur des discussions.
Henri Grethen, membre luxembourgeois de la Cour des Comptes européenne, a présenté la Cour en quelques chiffres : avec un budget de 187 millions d’Euros pour 2009, la cour voit cette année ses ressources augmenter de 41 % par rapport à l’an dernier, même si cette somme ne représente en fin de compte qu’une infime partie (0,16 %) du budget total de l’Union européenne et un petit 2,4 % du budget administratif et institutionnel de l’Union européennes.
La raison de cette hausse très importante correspond à un crédit budgétaire de 55 millions d’Euros accordé en 2009 pour permettre de réaliser une extension des bureaux au Kirchberg. Le "K3", ainsi qu’est déjà baptisé ce futur bâtiment conçu par l’architecte luxembourgeois Jim Clemes, devrait coûter 79 millions d’euros qui seront financés sur quatre exercices budgétaires.
Un bâtiment qui est devenu nécessaire et qui accueillera 487 postes de travail pour les 857 agents qui travaillent actuellement à la Cour. Les effectifs ont en effet connu une hausse de 10 % depuis 2005, ce qui est lié aux derniers élargissements. La première pierre de ces bureaux conçus "sans faste de mauvais aloi mais bien pour être fonctionnels" devrait être posée le 1er juillet 2009, à proximité des bâtiments K1 et K2 de la Cour, sur un terrain cédé par l’Etat luxembourgeois pour 1 Euro symbolique.
Henri Grethen a tenu à souligner que le travail d’audit se fait sur le terrain, et qu’il est donc particulièrement important pour les agents de pouvoir se retrouver sur un site unique quand ils reviennent de leur mission. Et d’illustrer son propos en racontant comment, 15 jours à peine après son entrée en fonction début 2008, il a appris que Charles Goerens, dont il était encore il y a peu le collègue à la Chambre des députés, était justement soumis à un audit sur son exploitation agricole…Mais bien sûr il n’y était pour rien, et d’ailleurs l’audit s’est très bien passé, a-t-il cru bon d’ajouter en riant.
* Le traité CE disposait à l’origine que la Cour des comptes européenne effectue son contrôle "en liaison" avec les institutions supérieures de contrôle (ISC) des États membres, tandis que le traité d’Amsterdam a ajouté par la suite: "La Cour des comptes et les institutions de contrôle nationales des États membres pratiquent une coopération empreinte de confiance et respectueuse de leur indépendance." La déclaration n° 18 de l’acte final du traité de Nice a ensuite invité explicitement la CdCE à mettre en place un comité de contact avec les ISC des États membres, réunissant chaque année tous les présidents des ISC et de la Cour pour débattre de questions d’intérêt commun. Des agents de liaison désignés par chaque institution assurent des contacts quotidiens. Des groupes de travail ont en outre été créés en vue de contribuer à l’élaboration de positions et de pratiques communes.