Avec 47 620 voix, Frank Engel est le troisième des élus européens du CSV. Agé de 34 ans, le jeune juriste qui a œuvré pendant huit ans comme secrétaire parlementaire du groupe parlementaire du CSV, a réussi dès son premier essai le saut dans l’assemblée de Strasbourg. Il faut dire qu’Engel n’a rien d’un novice en politique.

Originaire de Diekirch, mais vivant à Luxembourg, Frank Engel se complaît dans "le rôle du généraliste politique", car pour lui, "tout est lié en politique".

Sur le plan intérieur, il est un des animateurs du Cercle Joseph Bech, un think tank qui a proposé au cours des dernières années une réforme radicale du système communal, avec fusion des communes, professionnalisation de la fonction de maire, interdiction du cumul et mise en place d'une assemblée territoriale en guise de deuxième chambre, une réforme du système judiciaire ainsi que de l’Etat.

Sur le plan européen, Frank Engel vient de publier en langue allemande un essai sur "l’Europe dans la grande crise. Un drame en 3 actes", dans lequel il décrit comment la crise a touché une Europe qui s’était mal préparée pour parer un tel choc. Il y analyse les raisons de ce manque de préparation pour finalement évoquer les défis globaux et la nécessité pour l’Europe de devenir une force de proposition globale prônant un capitalisme responsable qui rendrait le monde plus juste et orienté vers un développement durable.

Dans son livre, Frank Engel se révèle être partisan d’un élargissement qui inclurait la Turquie, l’Ukraine, la Moldavie, la Biélorussie et les Balkans occidentaux. Pour que cet élargissement soit un succès, Engel voudrait qu’il se déroule selon un "master-plan" dont les axes seraient le soutien financier, une intégration économique progressive et une participation politique qui évoluerait parallèlement. En contrepartie, le noyau de cette grande Europe-là ne pourrait pas éviter à terme la question de la création d’une structure étatique européenne.      

Dans sa bio sur le site électoral de son parti, Frank Engel souligne le rapport étroit entre le Luxembourg et l’Europe. "C’est précisément maintenant que nous avons besoin de l’Europe. Ses institutions et sa monnaie nous aident à maîtriser la crise économique. Mais", ajoute-t-il, "l’Europe doit resserrer ses rangs. C’est là le sens de mon engagement".

Le lendemain de son élection, il a déclaré sur la station de radio de RTL qu’il entendait s’engager dans son groupe politique, le PPE, et il a cité plusieurs dossiers de prédilection : le nouvel encadrement des marchés financiers en Europe, un dossier qu’il a traité dans son livre, une nouvelle dynamique constitutionnelle dans l’UE qui devrait cette fois-ci partir du Parlement européen.

Plaidant à la télévision pour un président de l’Union élu au suffrage universel, il a quand même dû avouer qu’il serait par exemple difficile pour un candidat français de mener sa campagne électorale en Lituanie.

Engel est également en faveur de plus de transparence et voudrait porter les dossiers européens à Luxembourg afin qu’ils soient traités en coopération avec les députés de la Chambre, dont le rôle sera plus important, si le traité de Lisbonne entre en vigueur. Il juge par ailleurs, reprenant ainsi son opposition au cumul des fonctions de député et de maire, qu’il devient de plus en plus douteux qu’un député luxembourgeois puisse à la fois faire partie de la Chambre, s’y occuper de questions nationales et européennes et gérer sa commune, comme c’est souvent le cas.  

Question élargissement, Engel se démarque de nombreux membres de son parti et du PPE avec son engagement pour l’adhésion de la Turquie. Lors d’un débat télévisé le 8 juin 2009, il a  trouvé "lamentable" que l’on promette d’un côté à la Turquie l’adhésion à l’UE à l’issue de négociations, et que l’on pousse un peuple de 80 millions à changer du tout au tout ses structures étatiques, tandis que l’on garde d'un autre côté ouverte la possibilité que l’adhésion soit refusée à ce pays à la suite d’un référendum qui tournerait mal ne serait-ce que dans un seul des Etats membres de l’UE.

Engel s’est aussi félicité que les électeurs luxembourgeois n’aient pas envoyé de député européen de l’ADR à Strasbourg, de sorte que le Luxembourg se démarque de la tendance observée dans la plupart des Etats membres d’envoyer des députés eurosceptiques voire xénophobes au Parlement européen.

Répondant à la question de savoir s’il voterait pour que le mandat de José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne soit renouvelé, alors que ce dernier n’est pas venu en aide au Luxembourg lors du sommet du G20, Frank Engel, pour qui l’Europe s’est "autodétruite lors du G20" (p.59 et ss. de son livre), s’est demandé si l’on pouvait en faire le procès à Barroso. Pour lui, les commissaires des grands pays, mais aussi les autres commissaires sont quelque part toujours des gens qui sont en relation avec les gouvernements de leurs pays d’origine, et ce malgré les traités. Si ces pays et plus de la moitié des pays de l’UE ont décidé que pour sortir de la crise, "c’est bien de taper sur des petits pays", il lui semble difficile que Barroso ait pu leur résister.