La Cour constitutionnelle allemande s’est prononcée le 30 juin 2009 sur le Traité de Lisbonne. La Cour avait été saisie par un groupe de plaignants assez hétéroclite comprenant le député conservateur bavarois Peter Gauweiler, un groupe de députés de la gauche radicale Die Linke, Klaus Buchner, du parti écologiste démocratique ÖDP, ou encore le comte Franz Ludwig von Stauffenberg, fils de l'auteur d'une tentative d'assassinat contre Hitler.
Les plaignants accusaient le traité de violer la Loi fondamentale en affaiblissant les prérogatives du Parlement allemand, et d'être contraire au principe de la démocratie. Plusieurs représentants du gouvernement, dont Frank-Walter Steinmeier et Wolfgang Schäuble étaient venus plaider à Karlsruhe en faveur du traité en février 2009.
La décision de la Cour constitutionnelle souligne dans un premier temps que le traité de Lisbonne est conforme à la Loi fondamentale allemande. En revanche, la loi d’accompagnement, "Begleitgesetz", qui règle les droits de participation du Bundestag et du Bundesrat aux questions européennes, est elle déclarée non conforme à la Loi fondamentale dans la mesure où elle n’accorde pas aux organes législatifs un droit de participation suffisant. Elle présente selon les juges des lacunes et doit être améliorée.
Comme l’a résumé le vice-président de la Cour, Andreas Voßkuhle, "la Loi fondamentale dit `oui´ à Lisbonne, mais exige au niveau national un renforcement de la responsabilité du Parlement en matière d’intégration". Cela signifie que le président Horst Köhler ne pourra apposer sa signature au traité qu’à l’issue d’une modification de la loi d’accompagnement du traité. Ce qui retarde d’autant sa ratification.
A l’issue de l’annonce de la Cour, les chefs de fractions des partis de la coalition gouvernementale se sont engagés à entamer pendant l’été le travail de modification et de mise en conformité de la loi d’accompagnement avec les exigences formulées par les juges de Karlsruhe. Une session spéciale du Bundestag pourrait se tenir à la fin du mois d’août, au cours de laquelle le texte modifié pourrait être soumis à la première lecture, ainsi que l’a déclaré Norbert Röttgen de la CDU. De son côté, Peter Struck, chef de la fraction SPD, a invité les partis d’opposition à participer à la modification de la loi d’accompagnement du traité de Lisbonne pendant la législature en cours, et donc avant les élections fédérales du 27 septembre 2009. La seconde lecture pourrait ainsi avoir lieu dès le 8 septembre.
Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois, a déclaré, à l’occasion d’une conférence de presse portant sur l’avancée des négociations en vue de la formation d’un nouveau gouvernement, que la décision des juges de Karlsruhe ne devrait en rien entraver la procédure de ratification du traité de Lisbonne.
Nicolas Schmit, ministre délégué aux Affaires européennes a précisé quant à lui sur les ondes de RTL que la décision de la Cour constitutionnelle allemande découlait de la logique même de cette instance. Et il n’a pas manqué de rappeler que Karlsruhe avait accordé au traité de Maastricht un "oui" qui était lui aussi assorti de plus de contrôle parlementaire au niveau national.
Le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, s'est déclaré "confiant" dans la capacité de l'Allemagne et des autres Etats de l'UE de ratifier le Traité de Lisbonne "d'ici à l'automne". "Avec cet arrêt, la Cour a jeté les bases pour une conclusion rapide du processus de ratification en Allemagne et je me félicite des intentions déjà manifestées par les législateurs allemands", a ajouté le président de la Commission européenne.
Carl Bildt, le ministre des Affaires étrangères suédois dont le pays doit prendre la Présidence tournante de l’Union européenne le 1er juillet, a pour sa part réagi en déclarant que le calendrier prévu pour en vue de la ratification du traité de Lisbonne ne devrait pas être affecté par cette décision.
Pour rappel, en dehors du référendum irlandais prévu en octobre 2009 et de la ratification par l’Allemagne, le traité de Lisbonne doit encore être signé par les présidents polonais et tchèque. Le premier, Lech Kasczynski, a conditionné sa signature à un vote positif des Irlandais, le dernier, Vaclav Klaus, qui dit de lui-même qu’il est un joueur d’échecs, n’a pas révélé ses intentions finales.