Confrontée à une pénurie sérieuse d'interprètes de langue française pour les 5 à 10 ans qui viennent, les services d’interprétation des institutions européennes – Commission, Parlement et Cour de Justice – lancent une campagne de sensibilisation à l’attention des jeunes de langue maternelle française. Le 25 septembre 2009, Franz Lemaître, chef de la cabine française à la Commission européenne et Marie Muttilainen, chef de l’unité Interprétation à la Cour de Justice des Communautés européennes, sont venus plaider la cause de leur profession, prestigieuse et très porteuse, à la Maison de l’Europe.
En effet, comme l’a expliqué Franz Lemaître, le service d’interprétation de la Commission européenne est confronté à la perspective d'une crise de remplacement des linguistes pour un certain nombre de langues, dont le français – et d'une pénurie pour plusieurs autres.
Faute d’accroissement du nombre de diplômés qualifiés issus des écoles d’interprètes et des universités, les Institutions de l’Union européenne perdront près de la moitié de leurs interprètes de conférences francophones dans les dix années à venir du fait des départs à la retraite.
On comprend donc pourquoi tous les efforts sont faits pour "assurer la relève" !
Ainsi les services d’interprétation du Parlement européen, de la Cour de Justice européenne ont-ils unis leurs forces avec celle de la DG Interprétation de la Commission européenne pour lancer une campagne de sensibilisation à destination des jeunes francophones.
Un clip vidéo a donc été réalisé pour aider les jeunes francophones à en apprendre un peu plus sur la profession d’interprète. Ce clip video, "Interpréter pour l'Europe – en français", destiné essentiellement à un public français, belge et luxembourgeois, a été lancé le mercredi 23 Septembre 2009 sur YouTube ainsi que sur un certain nombre de sites communautaires et nationaux sur la Toile. Son objectif, c’est, selon les termes de Franz Lemaître, de "susciter des vocations".
Il sera suivi dans le courant de l’année par une réalisation à l’intention des germanophones et l'année prochaine par des clips en suédois, italien et néerlandais. En 2008, le tout premier clip de ce genre – destiné aux Lettons, a été réalisé par la Commission européenne.
Comme l’a expliqué Franz Lemaître, la profession d’interprète est certes exigeante – il faut que les candidats maîtrisent parfaitement leur langue maternelle pour pouvoir restituer ce qui est dit dans la langue source – mais aussi prestigieuse et très valorisante. Ce métier offre par ailleurs de nombreux débouchés, et pas seulement dans les institutions européennes, et il permet de gagner sa vie aussi bien qu’un cadre supérieur ou qu’un libéral. La pénurie d’interprètes dépasse d’ailleurs largement le cadre européen et ces professionnels de la communication de haut-niveau constituent une ressource fort rare au niveau planétaire !
Concrètement, dans les institutions européennes, les interprètes sont recrutés comme fonctionnaires ou bien travaillent en tant que free-lance, mais ils doivent dans ce cas se faire accréditer.
Franz Lemaître a insisté sur l’importance qu’a la langue française, véritable "pierre angulaire du multilinguisme", en tant que "langue pivot". En effet l’interprétation vers le français sert très souvent de base à d’autres interprétations, car avec 23 langues officielles, il serait impossible d’avoir toutes les combinaisons de langues possibles.
Marie Muttilainen a confirmé ce rôle essentiel de la langue française qui est, à la Cour de Justice, la langue de "transcript" utilisée dans toutes les affaires. Ainsi, dans le cas par exemple d’une affaire dans laquelle interviennent des avocats finlandais, c’est l’interprétation du finnois vers le français qui sert de base aux délibérés de la Cour.
Le nombre d’interprètes luxembourgeois travaillant dans les institutions européennes est très réduit et la majorité d’entre eux ont choisi de travailler avec le français comme langue maternelle, les autres ayant pour leur part l’allemand. Pourtant Franz Lemaître, qui compte parmi ses rares Luxembourgeois travaillant à la Commission européenne, estime que les jeunes Luxembourgeois sont dans une situation privilégiée dans la mesure où, dès leur plus jeune âge, ils sont de fait ouverts aux langues étrangères. Et quand on sait que la connaissance de l’allemand est très recherchée chez les interprètes francophones, on comprend mieux qu’il y a là une carte à jouer !
La principale difficulté que rencontrent la plupart des candidats francophones, qu’ils soient belges, français ou autres, c’est que le niveau de connaissance de leur langue maternelle est souvent insuffisant. Mais de l’avis de Franz Lemaître, c’est un obstacle qui peut largement être dépassé pendant le temps des études universitaires requises.
Au Luxembourg, les jeunes qui seraient tentés par une carrière d’interprète peuvent aller faire leurs études en Belgique, en France ou en Suisse, s’ils choisissent le français comme langue maternelle, ou encore en Allemagne ou en Autriche s’ils préfèrent l’Allemand. Suivant les pays, les formations commencent en 2e ou 3e cycle et l’essentiel est dans tous les cas d’avoir une bonne culture générale, de maîtriser parfaitement sa langue maternelle et de comprendre au moins deux autres langues de l’UE.