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Justice, liberté, sécurité et immigration
Débat d’orientation sur le Programme de Stockholm à la Chambre des députés
28-10-2009


www.chd.luLe 28 octobre 2009, la Chambre des députés a mené un débat d’orientation sur le Programme de Stockholm, qui est appelé à poser des jalons en matière d’espace de liberté, de sécurité et de justice et qui devrait être adopté par le Conseil européen en décembre 2009. Le débat a surtout porté sur le contenu de ce programme qui fixe un cadre de travail pour l’Union européenne en matière de coopération des polices et des douanes, de protection civile, de coopération judiciaire en matière pénale et civile, des questions d’asile, d’immigration et de politique des visas pour les années 2010 à 2014.

Pour les députés qui sont intervenus, le respect des droits fondamentaux doit primer sur les mesures de sécurité qui seront mises en œuvre dans le cadre du programme de Stockholm, programme jugé par certains députés de trop "vague". Enfin, les députés se sont accordés à dire que les principes de proportionnalité, de légitimité, de confidentialité, de libre circulation et de solidarité, qui ont trouvé un accord global lors du débat, pourraient être les principes de base qui "doivent nous guider dans les années à venir".

Ben Fayot: Le Programme de Stockholm peut être une chance

Ben Fayot, député socialiste et président de la Commission des Affaires étrangères et européennes, de la Défense, de la Coopération et de l'Immigration, a expliqué en guise d’introduction que le Programme de Stockholm, troisième programme-cadre en la matière après les programmes de La Haye et de Tampere, qui donne de nombreuses orientations générales sans être très concret, peut avoir un grand impact sur notre vie.

Pour le député socialiste, dans notre monde, qui a changé depuis le 11 septembre 2001, l’objectif principal est devenu la lutte contre le terrorisme. De nombreuses mesures ont été prises en matière de liberté, de sécurité et de justice, notamment dans les domaines des visas, des contrôle des frontières, et de la coopération policière et judiciaire en matière pénale. Mais "de nombreuses mesures sont peu concrètes, des directives ne sont pas transposées ou peu appliquées, des initiatives manquent de cohérence, et chacun travaille un peu dans son coin". Pour Ben Fayot, les difficultés d’avancer dans ce domaine s’expliquent par le fait que la justice se trouve au cœur de la souveraineté de chaque pays, et il s’avère donc difficile de transférer ces compétences à l’UE et de les gérer en commun.Ben Fayot

"La ratification du traité de Lisbonne va simplifier bon nombre de choses parce qu’il renforcera le rôle du Parlement européen", estime le député socialiste, "mais il sera toujours difficile de faire des progrès". Dans notre espace de liberté, de sécurité et de justice, il nous faut un équilibre entre les besoins de sécurité et nos libertés individuelles, et il revient à la politique européenne de résoudre cette équation. Ben Fayot a d’ailleurs salué le débat d’orientation à la Chambre sur le Programme de Stockholm, qui se caractérise par sa complexité et son caractère transversal et qui implique au niveau national les Ministères de la Justice, de l’Immigration, de l’Intérieur et de la Défense. Ben Fayot, qui a abordé une des nouveautés du Programme de Stockholm, à savoir son souci pour la protection de la sphère privée des citoyens de l’UE, pense qu’il faut veiller au respect du principe de proportionnalité des mesures mises en œuvre. Et de conclure que le Programme de Stockholm peut être une chance réelle pour notre futur si nous disposons de la volonté politique nécessaire.

Christine Doerner: L’homme au cœur de la démocratie

Pour Christine Doerner du CSV, le Programme de Stockholm ne doit pas oublier l’acquis européen et nos idéaux communs, c’est-à-dire l’homme au centre de la démocratie et de l’Etat de droit, la défense des droits des citoyens, l’indépendance et la multitude des traditions, ainsi que l’idéal social que représente le bien du citoyen. Pour la députée, les citoyens européens tiennent à leurs systèmes de droit nationaux, qui reflètent la culture, la politique, la morale, la religion, et l’histoire de leur pays. Selon Christine Doerner, la sécurité juridique est une des priorités du Programme de Stockholm, dont le but est de mettre en place un système de droit supranational qui ne remet pas en question les espaces de droit nationaux. Après avoir survolé certains aspects de la justice de l’UE, la députée a fait le constat que le citoyen se trouve au cœur des efforts européens et que les droits européens des citoyens devraient être réalisés à moyen terme, "pour que le citoyen ne soit pas seulement là pour l’Europe, mais l’Europe est aussi là pour ses citoyens, et c’est ce dont l’Europe a besoin."

Xavier Bettel: Le Programme de Stockholm est-il trop vague ?

Xavier BettelXavier Bettel du DP, s’est demandé si la mise en œuvre du Programme "ambitieux" de Stockholm est réaliste, vu que les objectifs des programmes de La Haye et de Tampere n’ont toujours pas été atteints. Pour lui, le Programme de Stockholm manque de précisions et il met en déséquilibre le rapport entre sécurité juridique et libertés individuelles. Abordant le caractère liberticide et répressif de certaines mesures mises en œuvre dans la lutte contre le terrorisme, le député libéral s’est interrogé sur la protection de la sphère privée dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice. Xavier Bettel, qui s’est montré sceptique par rapport à l’échange de données, a salué les mesures qui visent à faciliter la collaboration judiciaire au niveau européen, mais il a revendiqué que celles-ci ne soient pas plus laxistes et moins transparentes qu’au niveau national. En guise de conclusion, le député libéral a exprimé ses craintes par rapport à la place financière qui risque d’en prendre un coup si on n’arrête pas de faire l’amalgame entre secret bancaire et blanchiment. Pour lui, il faut protéger la liberté en intégrant des garde-fous dans le Programme de Stockholm.

Lydie Err: L’engagement de l’UE pour la protection des droits de l’Homme a une grande valeur symbolique

Lydie Err du LSAP a souligné dans son exposé que l’Europe doit protéger ses citoyens et mettre en pratique l’équilibre entre les libertés individuelles et l’aspect sécuritaire. Pour elle, le caractère répressif et restrictif a jusqu’à présent primé sur les droits de l’Homme, ce qui changera "une fois que le traité de Lisbonne entrera en vigueur et que le Parlement européen, et par extension les parlements nationaux, pourront contrôler si les principes de subsidiarité et de proportionnalité sont respectés par la Commission". Lydie Err pense d’ailleurs que la ratification du traité de Lisbonne, qui donne à la Charte des Droits fondamentaux une valeur juridique contraignante, est une plus-value pour les citoyens européens qui pourront "se sentir plus proches de l’Union européenne et de ses institutions". Par ailleurs, elle pense que c’est un geste d’une grande importance symbolique par lequel l’UnioLydie Errn européenne s’engage dans la protection des droits de l’Homme et qui représente une chance pour une meilleure protection des citoyens et pour plus de transparence.

Pour Lydie Err, l’UE doit lutter contre l’immigration illégale en collaboration avec les pays d’origine et les pays de transit, et l’immigration légale doit être facilitée parce qu’elle est importante pour le développement économique. Abordant la politique du "burden sharing" en matière d’immigration, la députée socialiste a jugé important la mise en place d’un bureau européen d’appui à l’asile. Elle pense que l’UE n’implique pas seulement des contraintes, et qu’il faut souligner ses aspects positifs, notamment pour que les gens soient plus euphoriques à son égard et pour endiguer l’absentéisme aux élections européennes. Pour elle, le 9 mai devrait être un jour férié dans toute l’UE pour fêter la démocratie européenne. Et de conclure : "Pourquoi ne pas organiser les élections européennes le 9 mai tous les cinq ans ?"

Felix Braz: Un contrôle démocratique pour garantir le respect des droits des citoyens

Le député vert Felix Braz pense que le Programme de Stockholm est un document d’une grande importance parce qu’il couvre des domaines qui ont souvent été abordés avec un manque de cohésion, dans lesquels de nombreux compromis ont été faits, mais peu de décisions prises. "La communauté de valeurs que représente l’Union européenne, n’est pas toujours appréciée de façon appropriée", a-t-il expliqué, "et je souhaite que cette Felix Brazcommunauté de valeurs soit respectée dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice". Sous l’influence des Etats-Unis et de l’administration Bush, l’Union européenne a mis sous pression les droits de l’Homme après le 11 septembre et il "faut se demander si certaines mesures ont respecté le principe de proportionnalité", a-t-il souligné. Il a  ajouté que le Programme de Stockholm ne devrait pas se limiter aux citoyens de l’UE mais qu’il devrait s’appliquer à toutes les personnes en déplacement dans l’UE.

Felix Braz pense par ailleurs qu’un contrôle démocratique de la coopération policière, de l’échange des données personnelles et des agences européennes comme Frontex serait nécessaire dans la mesure où il permettrait d’éviter, de contester ou de corriger des erreurs. Et de conclure que l’UE a besoin d’une initiative raisonnable, cohérente, contrôlée, démocratique et transparente dans le domaine de l’immigration légale.

Jacques-Yves Henckes: Un débat important sur les libertés fondamentales

Pour Jacques-Yves Henckes de l’ADR, le débat sur le Programme de Stockholm à la Chambre des députés était "très important" parce qu’il abordait les libertés fondamentales dans les domaines de la politique judiciaire et de l’immigration. Le député a notamment regretté que le Luxembourg soit un des rares pays qui n’ont pas donné leur avis par rapport au traitement des divorces au niveau européen. En se basant sur les recommandations du Réseau européen des Conseils de la justice, il a par ailleurs proposé au gouvernement luxembourgeois de discuter davantage avec les citoyens, d’améliorer leurs droits, de mettre en place un groupe de juges spécialisés en droit communautaire et d’adopter des normes de qualité pour chaque système judicaire.

André Hoffmann: Il existe un fossé entre les "belles paroles et la réalité"

Dans son intervention, André Hoffmann de Déi Lenk a abordé l’immigration et les droits des citoyens. Dans le contexte de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, il pense qu’il ne faut pas oublier ce qui s’est récemment passé à Calais et ce qui se passe fréquemment dans la Méditerranée. Pour lui, il y a un fossé entre les "belles paroles et la réalité" en matière d’immigration. Il a regretté que le Programme de Stockholm aborde vaguement les causes de l’immigration illégale à laquelle l’UE doit faire face, à savoir les énormes inégalités qui persistent entre l’Europe et d’autres pays, notamment les pays d'Afrique. En matière de droits des citoyens, il pense que la lutte contre la criminalité ne doit pas entraver le respect des droits fondamentaux.

Jean-Louis Schiltz: Le dialogue avec le gouvernement continue

Jean-Louis Schiltz, président du groupe politique du CSV, a salué que la Chambre des députés, à l’initiative de Ben Fayot, s’implique activement dans les questions européennes, et ce notamment à un stade précoce, une démarche qu’il juge d’innovateur pour les années à venir. Il par ailleurs souligné que les réponses, suggestions et réflexions présentées par la Chambre au gouvernement luxembourgeois devraient conserver leur caractère général et que le parlement ne devrait pas aller sur le chemin du mandat impératif. Il est en outre d’accord avec Xavier Bettel que certains éléments du Programme de Stockholm manquent de précision, mais il pense que "le dialogue avec le gouvernement ne s’arrête pas là". Pour Schiltz,  les principes de proportionnalité, légitimité, confidentialité, libre circulation et solidarité, qui ont trouvé un accord global lors du débat, sont les principes de base "qui doivent nous guider dans les années à venir".

François Biltgen: La liberté doit être le principe de base

François Biltgen, ministre de la Justice, a expliqué que les politiques du domaine "Justice et Affaires intérieures" seront à l’avenir très importantes en Europe. Par ailleurs, il a tenu à souligner qu’il ne faut pas aborder le Programme de Stockholm de manière restrictive, mais lutter de façon offensive et positive pour l’espace européen de liberté, de François Biltgensécurité et de justice. Pour le ministre, la liberté doit être le principe de base, la sécurité ne pouvant être une exception par rapport à la liberté. La sécurité doit donc être définie clairement et respecter le principe de proportionnalité. Le gouvernement luxembourgeois estime d’ailleurs qu’il faut aller plus loin dans le droit de famille, notamment en ce qui concerne les divorces, les régimes matrimoniaux ou les enfants, ce qui "aide les gens" et ce qui "leur fait comprendre l’importance d’un espace européen de droit". Dans ce même ordre d’idées, il a tenu à insister sur l’importance de la formation des juges parce qu’il importe que "les jugent connaissent l’Europe".

Jean-Marie Halsdorf: L’Europe doit respecter la souveraineté nationale

Abordant le chapitre "Une Europe qui protège" du Programme de Stockholm, le ministre de l’Intérieur et de la Défense, Jean-Marie Halsdorf, s’est interrogé sur la division des compétences entre l’Union européenne et ses Etats membres dans la lutte contre la criminalité. Il pense que même si cette tâche ne s’avère pas toujours facile, les principes de subsidiarité et de proportionnalité doivent être respectés et que la stratégie européenne de sécurité doit garantir le maintien des droits de l’Homme et des libertés individuelles. Et d’ajouter que "l’Europe doit respecter la souveraineté nationale".

Nicoals Schmit: Nous ne voulons pas d'une Europe forteresse

Pour Nicolas Schmit, ministre de l’Immigration, le message est clair : "Nous ne voulons pas une Europe forteresse, nous sommes une Europe de valeurs, (…) une Europe de solidarité vers l’intérieur, mais aussi vers l’extérieur". S’il pense que l’Europe a besoin d’immigration, il est d’avis que cette immigration doit être mieux organisée en partenariat avec les pays d’origine des migrants. En abordant les partenariats de mobilité, il a expliqué qu’il nous faut une ouverture, qui a certes des limites, mais qui permet aux personnes de sortir du cercle vicieux de l’illégalité. Par ailleurs, Nicolas Schmit veut que le lien entre immigration et développement se renforce. Et de conclure que nous avons besoin de normes européennes et d’instruments cohérents dans les domaines de l’immigration et de l’asile.