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Marché intérieur - Protection des consommateurs
Conférence européenne sur les droits des consommateurs : débat sur les droits et responsabilités de l’industrie, des législateurs et des consommateurs
15-10-2009


CECLe 15 octobre 2009, le Centre européen des Consommateurs (CEC) organisait à Luxembourg sa 3e conférence européenne sur les droits des consommateurs. Venus de toute l’Europe, juristes, avocats, médiateurs, représentants des associations de consommateurs et autres spécialistes de la question se sont donc rencontrés tout au long d’une journée traitant de la complexe question des droits des consommateurs.

De la proposition de directive sur les droits des consommateurs (Marian Paschke) aux nouvelles règles européennes dans les télécommunications (Krisztian Kecsmar), les participants à cette conférence ont pu se tenir informés de questions aussi variées et pointues que la médiation dans le secteur des voyages en Suisse (Beat F. Dannenberger) , la sécurité et le rappel de produits (Thomas Klindt) , ou encore la codification européenne du droit de la consommation (David Hiez).

La journée s’est conclue par une table ronde animée par le journaliste Marco Goetz au sujet des droits des consommateurs face aux intérêts économiques, au développement durable et aux minima sociaux. Pierre Bley, secrétaire général de l’Union des Entreprises luxembourgeoises (UEL), Thomas Klindt, avocat d’affaires munichois, Marian Paschke, professeur de droit à l’Université de Hambourg, Bob Schmitz, conseiller Affaires européennes de l’Union luxembourgeoise des Consommateurs (ULC) et Claude Turmes, eurodéputé luxembourgeois du groupe des Verts, ont répondu présents à l’invitation du CEC et se sont prêtés au jeu d’un débat qui fut animé.

Bob Schmitz a tenu, en guise d’introduction, à dresser un inventaire des questions qui se posent à ses yeux quand l’on veut considérer le juste équilibre à trouver entre les droits des consommateurs, les intérêts économiques, le développement durable et le respect des minima sociaux.

Du marché intérieur à l’équilibre nécessaire entre libertés et régulation

Bob Schmitz se demande ainsi si le "dogme" défendu par la Commission européenne, selon lequel la pression Bob Schmitzconcurrentielle sur les prix au sein du marché intérieur permet d’offrir un choix élargi qui profite aux consommateurs, reste valable au vu notamment du lent développement du commerce électronique transfrontalier B2C ou encore du scepticisme généralisé qui prime quant au marché intérieur des services financiers de détail.

Pour Claude Turmes, la crise, qui a pour origine la dérégulation des marchés financiers qui est allée de pair avec, dans certains cas, un manque d’information sur les risques liés au rendement de produits qui s’apparente à de l’arnaque, constitue une opportunité de se poser ces questions. De son point de vue de vert, l’eurodéputé défend le marché intérieur, tout en étant attentif à la question d’un équilibre entre liberté et régulation en matière d’environnement ou de sécurité par exemple. Quant à l’idée, qui prévaut, selon laquelle le consommateur est assez informé et le marché s’autorégule, elle le laisse sceptique.

La question essentielle, qui, de façon générale est peu thématisée par les partis politiques, à part les Verts, réside pour Claude Turmes dans la définition que l’on doit donner de la liberté quand on sait que la planète a des limites. S’agit-il de la liberté de rouler en 4x4 sur des routes toujours meilleures ou de celle de continuer à vendre des produits obsolètes et inefficaces comme les ampoules traditionnelles ?

Pour Marian Paschke, les libertés, qui dans les textes sont données de façon "brute", "nue", doivent être dosées juridiquement avec des textes prenant en compte les problèmes environnementaux ou encore les droits sociaux.

Un marché intérieur atomisé en 27 juridictions

Pierre Bley et Marian PaschkePour Pierre Bley, il convient de préserver l’équilibre entre les droits des consommateurs et les intérêts de l’économie, car trop de régulation pourrait avoir un effet néfaste sur la production, ce qui n’aurait d’intérêt pour personne. Il a par ailleurs soulevé la question des difficultés liées  à la multiplicité des règles existant dans chacun des 27 Etats membres de l’UE.

Le problème, que Thomas Klindt a résumé en décrivant "un marché intérieur atomisé en 27 juridictions", est particulièrement prégnant au Luxembourg qui dispose d’un marché très restreint. Bob Schmitz a ainsi donné l’exemple de difficultés rencontrées par des financiers luxembourgeois pour exporter des produits vers la Belgique, où les règles sont parmi les plus strictes d’Europe en la matière, tandis que par ailleurs, de nombreux prestataires belges ou allemands proposent à Luxembourg des services  selon le droit de leur pays d’origine…

Les difficultés évoquées freinent sans doute les PME dans leurs envies de travailler au-delà des frontières pour Pierre Bley, qui estime qu’un meilleur fonctionnement du marché avec des règles plus harmonisées serait d’ailleurs aussi bénéfique pour les consommateurs.

Pour Claude Turmes pourtant, cette harmonisation ne doit pas se faire a minima, et les autorités doivent être mieux armées. Par ailleurs, revenant à la Grande Région, l’eurodéputé a appelé à ce que soit menée une analyse circonstanciée de l’état des droits des consommateurs dans la Grande Région.

Un consommateur et citoyen informé, formé et critique pourrait-il être la solution à tous ces défis ?

Pour Marian Paschke, il peut y avoir un conflit entre le point de vue des industriels et de l’économie et les intérêts Thomas Klindt, Claude Turmes et Pierre Bleydu développement durable, et l’éducation des citoyens est là nécessaire. Et un équilibre doit être trouvé par des moyens politiques et pédagogiques, pour que le défi du développement durable puisse être relevé.

Bob Schmitz, qui s’était demandé en introduction sur qui il fallait compter pour aider les consommateurs à faire leurs choix, a insisté sur la nécessité d’une réflexion à mener à toutes les étapes de la "supply chain". A ses yeux, la tendance à faire de l’usager le roi pousse ce dernier à vouloir toujours plus au détriment de la durabilité du système. Et il faudrait donc que le consommateur puisse penser de façon critique.

Pour Claude Turmes, ces questions de durabilité ou de responsabilité sociale sont politiques avant tout, et c’est donc au législateur que revient une grande part de responsabilité, car c’est lui qui crée les règles. Ainsi, si le consommateur peut avoir un rôle à jouer, c’est par son engagement citoyen, politique et social.

Marian Paschke, qui a évoqué une certaine radicalisation des droits des consommateurs, il faudrait pousser l’idée de catégoriser les consommateurs selon leur niveau d’information. Considérer les consommateurs comme un groupe homogène pose en effet problème à ses yeux.

Thomas Klindt n’a eu de cesse de rappeler que les industriels s’adaptaient à la demande, et qu’une éducation des consommateurs pourrait avoir un effet durable sur leurs pratiques. Bien sûr, les industriels ont aussi leur part de responsabilité. Prenant l’exemple de Mattel qui avait vu nombre de ses produits fabriqués en Chine soumis à des rappels, l'avocat n’a pas manqué de rappeler que les jouets avaient été commandés par l’entreprise qui n’en a ensuite pas contrôlé la qualité.

L’importance du contrôle et de la surveillance pour un réel effet de la réglementation

Thomas KlindtPour l’avocat d’affaires munichois Thomas Klindt, il s’agit de trouver un juste équilibre entre trop de règles, ce qui peut être étouffant pour l’économie, et pas assez de règles. Pourtant ce qu’il a tenu à souligner, c’est la nécessité de surveillance et de contrôle. Car il s’agit d’éviter une fuite en avant du droit qui produit des règles ne pouvant être appliquées faute de moyens accordées aux autorités de surveillance. Et dans ce contexte, les industriels qui veulent respecter les règles sont au fond les perdants : car les appliquer a un coût important et si personne ne le fait dans un secteur car il n’y pas de contrôle, alors, on comprend que nombreux se disent "à quoi bon ?" Le contrôle du respect des règles établi est à ses yeux un moyen de protéger la concurrence.

Pour Claude Turmes, qui a fait part de son expérience en matière de négociation de certaines directives européennes, un certain nombre de produits pourtant non conformes aux règles peuvent entrer sur le marché européen. Et l’eurodéputé regrette qu’il n’y ait pas assez d’autorités pour surveiller ces entrées massives de produits, qui arrivent dans l’UE aussi par le Luxembourg via Cargolux, alors que, quand il s’agit des personnes, l’UE est capable, à son grand regret, de se montrer beaucoup plus brutale et de mobiliser plus de moyens.

Claude Turmes a ensuite soulevé le problème de la trop faible surveillance des cartels, les autorités de surveillance étant souvent trop faibles face à des entreprises trop grandes pour des marchés comme ceux de l’électricité et du gaz.