Lancé en 1994 par la Commission européenne, EURES (EURopean Employment Services) fête ses 15 ans d’activités en 2009. Ce réseau européen des services publics de l'emploi a été créé pour promouvoir la mobilité des travailleurs et répondre au besoin d’informations et de conseils sur la situation du marché de l’emploi et les conditions de vie et de travail dans les pays voisins. Chaque année, dans la Grande Région, pas moins de 40 000 personnes ont accès à un service personnalisé et délivré gratuitement par un des 27 conseillers EURES des réseaux EURES PED, EURES SLLR et EURES Luxembourg.
Pour fêter cet anniversaire, une croisière transfrontalière, qui a pris son départ à Remich pour arriver à Apach (F) en passant par Schengen, a été organisée le 16 octobre 2009 sur la Moselle. Lors d’une conférence qui s’est déroulée à bord du bateau "Roude Léiw", de nombreuses personnes ont tenu à féliciter EURES pour ses 15 ans d’activités tout en remerciant ses collaborateurs de leur travail remarquable et en leur souhaitant beaucoup de succès pour les années à venir.
Dans son allocution de bienvenue, Michel Lindingre, président d'EURES transfrontalier SLLR, a tenu a insister sur la complémentarité et la solidarité par lesquelles se caractérise la coopération entre EURES Sarre-Lorraine-Luxembourg-Rhénanie Palatinat, EURES PED (Pôle Européen de Développement) et EURES Luxembourg. Par ailleurs, il souhaite que les activités soient densifiées, que des synergies soient créées pour optimiser le travail et pour renforcer l’identité économique et l’intégration sociale dans la Grande Région.
Lothar Gretsch du Ministère de la Justice, du Travail, de la Santé et des Affaires sociales de la Sarre, pense que le réseau EURES s’est avéré efficace, dans la mesure où il a contribué à faire tomber des frontières et des barrières à la mobilité professionnelle dans la Grande Région qui compte plus de 200 000 travailleurs frontaliers. "Ce chiffre impressionnant représente 40 % de tous les frontaliers dans l’ensemble de l’Union européenne", a-t-il souligné en abordant la task force du travail transfrontalier dont il a été question lors du 11e sommet de la Grande Région qui s’est déroulé en juillet 2009 à Luxembourg. Il pense qu’une telle force opérationnelle pourrait constituer un troisième pilier à côté des réseaux EURES et de l’Observatoire Interrégional du marché de l’emploi de la Grande Région dans la proposition de solutions légales aux responsables politiques et dans la réalisation de la mobilité professionnelle sans barrières. En guise de conclusion, Lothar Gretsch a souhaité que la cohérence de la Grande Région ne cesse de se renforcer, tout comme le prévoit la déclaration de Sarrebruck de juillet 2006, et que les signaux émis par notre région arrivent à Bruxelles pour que le réseau EURES soit maintenu.
Dominique Ronga, vice-présidente du Conseil Régional de Lorraine, a abordé les mesures actives du Conseil Régional de Lorraine dans le cadre du travail transfrontalier. Il soutient EURES depuis 15 ans, ce qui, selon Dominique Ronga, "n’est pas le cas dans les autres régions de France", et elle en est donc "très fière". Elle a dressé le bilan du flux de frontaliers lorrains vers le Grand-Duché de Luxembourg qui ne cesse d’augmenter - il est en effet passé de 28 000 en 1995 à 75 000 personnes en 2009 – et précisé que 10 % de la population active lorraine sont des frontaliers. Elle a souligné qu’il importe d’informer, de guider, de conseiller et d’accompagner ces personnes dans leurs démarches et dans leur recherche d’un emploi. "Cela constitue une priorité politique du Conseil Régional de Lorraine", a-t-elle expliqué en insistant sur la nécessité de développer le covoiturage et des moyens de transport alternatifs, et de pousser la formation de la main-d’œuvre pour répondre aux besoins des entreprises de la Grande Région, "région dynamique, région pilote et laboratoire de l’évolution de la législation sociale en Europe".
Arthur Tibesar d’EURES Luxembourg a exposé le flux frontalier dans la Grande Région, dont l’intensité est "unique en Europe". En 2009, 205 000 travailleurs transfrontaliers sont entrés tous les jours dans la Grande Région (ce chiffre s’élevait à 201 515 en 2008), une évolution extraordinaire qui n’a qu’un seul pendant, à savoir celui de la région frontalière entre la Suisse et la France. Cependant, il a expliqué que les perspectives du marché de l’emploi de la Grande Région s'annoncent moins favorables pour les mois à venir et prévoient une croissance zéro à partir de décembre 2009.
Lothar Kuntz, de l’Observatoire Interrégional du marché de l’emploi de la Grande Région, a abordé le bilan impressionnant du travail frontalier, notamment dans ces temps de crise économique. "En dépit de ces conditions, le travail frontalier a eu un développement étonnant et pose des défis", notamment dans un contexte de changement démographique et de problèmes structurels. Dans ce cadre, il faut surtout trouver un équilibre entre l’offre et la demande, supprimer les obstacles au marché de l’emploi sans frontières, reconnaître les potentiels, renforcer la transparence et ouvrir de nouvelles chances pour le développement économique. Le cas spécial du Luxembourg nécessite également toute l’attention des responsables parce que le pays doit faire face, à cause de sa petite taille, à des problèmes de circulation en relation avec le travail transfrontalier.
Des conseillers EURES ont présenté quelques cas concrets de leur travail qui représentent l’esprit transfrontalier. Thomas Schulz du syndicat DGB Sarre, a par exemple expliqué comment il conseille au quotidien des frontaliers qui affrontent des problèmes linguistiques, qui ont des questions par rapport à leurs contrats ou qui nécessitent des informations par rapport à leurs droits ou des précisions sur le cadre légal. "C’est un service créatif de conseil qui sert souvent d’intermédiaire et qui ne se limite pas seulement au 'jobmatching'". En parallèle à ce travail individuel et à leur activité de placement, les conseillers EURES participent à des foires, organisent des ateliers, contactent des employeurs, etc.
Bruno Antoine, président du CSIr InterRégionale Syndicale des 3 Frontières, a insisté sur l’importance d’avoir un réseau comme EURES qui se caractérise par le conseil personnalisé, la proximité, la disponibilité, l’écoute, etc. Depuis 15 ans, EURES a mené de multiples actions sur le terrain pour lever les obstacles à la mobilité des travailleurs et à une Europe sociale, mais le réseau a encore "du pain sur la planche", notamment dans le contexte du détachement et de l’intérim, et de la crise économique. Bruno Antoine pense qu’EURES aura son rôle à jouer dans ces temps d’importantes pertes d’emplois et d’instabilité de l’équilibre social où il importe de remettre le travailleur au cœur du dialogue.
Kurt Barthelmeh du Ministère du Travail, des Affaires sociales, de la Santé, de la Famille et des Femmes de Rhénanie-Palatinat, a souligné que l’Europe était très différente il y a 15 ans. L’Union européenne comptait seulement 12 Etats membres, le traité de Maastricht venait d’entrer en vigueur et personne ne parlait encore de la stratégie de Lisbonne. Le marché de l’emploi de la Grande Région était également très différent et il n’était surtout pas axé autant sur le Grand-Duché de Luxembourg. Mais la globalisation, les progrès techniques et l’intégration européenne ont eu des répercussions sur le marché de l’emploi, qu’il s’agit d’affronter aujourd’hui. Et d’ajouter que "cela compte notamment pour EURES dans ces temps de crise. Le réseau doit veiller à ce que l’aspect social reste au premier plan".
Franz Clément, du CRD EURES Luxembourg, a profité de l’occasion pour rappeler la position centrale du Grand-Duché dans le travail transfrontalier de la Grande Région. Il a d’ailleurs souligné que le Premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, ne manque jamais d’insister sur l’apport bénéfique du travail transfrontalier pour le Luxembourg. L’immigration et le travail frontalier sont indispensables au Luxembourg qui manque de main-d’œuvre qualifiée, et c’est là où EURES prend tout son sens. Pour Franz Clément, il est cependant souhaitable d’encourager un travail frontalier plus proche de la réalité luxembourgeoise et d’insister sur l’harmonie, voire l’intégration socio-culturelle entre la population résidente et les travailleurs frontaliers. En guise de conclusion, il a exprimé le vœu qu’EURES soit plus tourné vers des activités de recherche pour profiter davantage des analyses du travail transfrontalier.
André Dewez de la DG Emploi et Affaires Sociales de la Commission européenne, chargé de la supervision de plusieurs programmes cofinancés par le FSE en France, en Belgique et anciennement au Luxembourg, a présenté les caractéristiques des actions transnationales et interrégionales menées dans le cadre des projets cofinancés par le Fonds social européen."
Eugen Roth, président du CSIr Sarre - Lorraine - Luxembourg - Trêves - Palatinat Occidental, a souligné le rôle important de l’interaction dans le réseau EURES. Chacun a son rôle à jouer, les syndicats, les conseillers et les administrations de l’emploi. Il pense que la Grande Région peut être un modèle social et de coordination exemplaire. Enfin, il s’est montré prêt à s’engager politiquement à l’avenir pour mieux faire connaître EURES dans l’Union européenne.
Nicolas Soisson, directeur de la Fédération des Industriels Luxembourgeois (FEDIL), a abordé les succès innombrables d’EURES dans le dépassement des obstacles à la libre circulation des travailleurs. Il a aussi souligné que le Luxembourg, avec plus de 150 000 travailleurs frontaliers, est le centre économique de la Grande Région. Cette Grande Région ne se caractérise selon Nicolas Soisson d’ailleurs pas seulement par son flux de travailleurs, mais constitue aussi une réalité économique et sociale à facettes multiples. Transfert de pouvoir d’achat, pénétration d’entreprises dans différentes régions, surtout dans l’artisanat et dans le secteur de la construction, achats transfrontaliers de plus en plus populaires de biens moins taxés, pour citer seulement quelques exemples.
Selon Nicolas Soisson, le Luxembourg joue la carte de la Grande Région, "mais les effets de son économie sur l’économie de la Grande Région sont aussi très importants". Il a d’ailleurs salué la création du nouveau Ministère luxembourgeois de la Grande Région, ce qui lui donne de l’espoir, surtout pour ce qui est du potentiel de développement pour les entreprises, de l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur européen, de l’élimination des barrières à la libre circulation des biens et services, de la promotion de la mobilité des entreprises, du développement de nouvelles infrastructures et de la coordination des politiques de l’emploi au niveau européen pour relever les défis et augmenter la convergence structurelle.
Jacques Skrzypczak du Pôle emploi Lorraine, qui a qualifié la situation géographique de la Lorraire - à proximité du Luxembourg, de l’Allemagne et de la Belgique – d’avantageuse, a expliqué que 100 000 Lorrains se déplacent tous les jours pour travailler à l’étranger. A 100 000 s’élève également le chiffre de demandeurs d’emploi gérés par le Pôle emploi Lorraine. Pour lui, EURES a créé une nouvelle dynamique dans la promotion de la mobilité professionnelle, ainsi que dans l’information et le conseil.
Dans son intervention, Otto-Werner Schade, président du Directoire de la Direction Régionale Rhénanie-Palatinat-Sarre du Service Public de l’Emploi allemand (Bundesagentur für Arbeit), a fait un voyage dans l’histoire européenne, à commencer par la "faillite morale" de la Deuxième guerre mondiale pour arriver au processus d’unification "irréversible" de l’Europe. Il pense que, même si l’Union européenne est souvent limitée à la bureaucratie, aux quotas laitiers et aux subventions agricoles, elle est un bel exemple d’un monde sans guerre. Pour lui, l'unification de l'Europe est l'histoire d'une réussite. "Un exemple d’une Europe plus proche est le réseau EURES, un projet rationnel et émotionnel en même temps", qui permet une collaboration étroite en toute confiance. Et d’ajouter qu’"EURES est un projet fait par des personnes pour des personnes, même si Bruxelles semble tellement éloigné".
En guise de conclusion, Bernard Labbé, président EURES transfrontalier PED, a rendu hommage au travail remarquable des conseillers d’EURES. Il a insisté sur le grand mérite de ce travail important et solidaire, ainsi que sur la mise en rapport de diverses organisations, services et autorités. Et d’ajouter que "le passé est source de progrès, le présent permet de vivre ensemble et l’avenir offre la possibilité de faire mieux".
A l’arrivée du bateau à Schengen, le bourgmestre de la commune de Schengen, Roger Weber, a souhaité la bienvenue aux passagers de la croisière dans son village qui fêtera en 2010 les 25 ans des Accords de Schengen.
Pour terminer la journée par un déjeuner et un moment de détente, la croisière s'est dirigée vers Apach en France avant de retourner à Remich.