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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Recherche et société de l'information
La question de la liberté de la presse en Italie a divisé le Parlement européen et les eurodéputés luxembourgeois
Toutes les résolutions soumises au vote ont finalement été rejetées
21-10-2009


Le 8 octobre 2009, les députés européens réunis en plénière à Bruxelles ont eu à débattre de la liberté d’information en Italie. Au cours de ce débat houleux que le président du groupe PPE, Joseph Daul, avait même tenté de faire annuler quelques jours auparavant, les échanges ont été vifs entre ceux qui considéraient qu’un débat de cet ordre n’avait pas sa place au Parlement européen et relevait de la manœuvre politique et les autres, qui réclamaient une législation européenne pour limiter les concentrations dans les médias au nom de la liberté de la presse.

Chaque groupe politique y est donc allé de sa proposition de résolution, qui toutes défendaient la liberté de la presse. Elles s’opposaient ou différaient d’une part sur l’appréciation de l’état de celle-ci en Italie et d’autre part sur les mesures à prendre par conséquent.

Ainsi par exemple, une proposition de résolution commune des groupes PPE, CRE et ELD, annonce que la liberté de la presse n’est "nullement menacée en Italie". Dans leur proposition de résolution commune, les groupes Verts, GUE/NGL, S&D et ALDE "déplorent les pressions et intimidations exercées par les autorités italiennes sur les journaux italiens et européens", "se déclarent particulièrement préoccupés par la situation qui règne en Italie et considèrent qu'elle pourrait avoir des conséquences pour l'ensemble de l'Europe" et appellent, entre autres, la Commission à présenter une proposition de directive sur la concentration des médias et la protection du pluralisme.

Finalement, huit résolutions ont été soumises au vote des parlementaires européens le 21 octobre 2009 et elles ont toutes été rejetées, la plus grande bataille s’étant cependant jouée sur les deux résolutions communes qui ont partagé le Parlement européen.

La résolution commune des groupes PPE / CRE / ELD a obtenu 297 voix pour, 322 contre, 25 abstentions et la résolution commune des groupes S&D, ALDE, Verts/ALE, GUE a été rejetée elle aussi avec 335 voix pour, 338 voix contre et 13 abstentions.

La délégation luxembourgeoise du PPE a "voté contre toute tentative de légiférer au niveau européen par rapport à un problème d´intérêts en conflit dans un Etat membre précis"

Georges Bach, Frank Engel et Astrid Lulling, les trois eurodéputés luxembourgeois de la délégation PPE, après avoir tenté d’amender grandement la résolution commune des libéraux, des socialistes et des Verts, se sont prononcés contre et ont fait aussitôt connaître leur position par voie de communiqué. Ainsi, s’ils ont rejeté ces textes, c’est "par principe", car à leurs yeux, le Parlement européen n’a pas "à se prononcer sur une question d'ordre national" et "à s'immiscer dans un conflit d'intérêts, fût-il réel, dans un Etat membre".

Pour eux,  "le Parlement ne doit pas non plus exiger des mesures législatives européennes à chaque fois qu'une question politique ou juridique ne peut être résolue d'une manière satisfaisante aux yeux de toutes les parties concernées dans un Etat membre donné". En rejetant ces propositions de résolution, ils ont donc "voté contre toute tentative de légiférer au niveau européen par rapport à un problème d'intérêts en conflit dans un Etat membre précis".

Les trois eurodéputés du PPE se sont par ailleurs prononcés en faveur d'un "véritable débat européen sur la presse et les concentrations problématiques qui peuvent exister dans ce domaine", un débat qui ne se focaliserait pas "sur un Etat membre précis", mais qui appréhenderait la question "de manière objective et cohérente sur l´ensemble du territoire de l´UE, afin que des solutions aux problèmes constatés puissent être dégagées sur base de la législation communautaire existante".   

Selon un article de Guy Kemp paru dans le Tageblatt du 22 octobre 2009, Frank Engel a cependant déclaré à l’issue de ce vote qu’il ferait comprendre à ses collègues de fraction italiens que "c’est bien la dernière fois qu’il prendrait position pour défendre le chef du gouvernement italien".

Claude Turmes, qui a voté, avec Robert Goebbels et Charles Goerens pour la résolution commune de leurs groupes politiques, déplore "une journée noire pour la liberté de la presse en Europe"

Claude Turmes avait déjà adressé le 8 octobre 2009 une question parlementaire à la Commissaire Viviane Reding, qui est en charge des médias, l’interpellant sur la situation de la liberté de la presse en Italie. L’eurodéputé demandait notamment pourquoi l'objectif du pluralisme des médias ne fait pas partie intégrante de la directive "télévision sans frontières", il s’interrogeait sur la nécessité d’une directive relative à la protection du pluralisme des médias et au contrôle de leur concentration et se demandait quel rôle la Commission pouvait et avait l’intention de jouer dans ce contexte. Il appelait même à mandater l’Agence européenne des droits de l’homme (FRA) pour rédiger un rapport indépendant sur la liberté des médias en Italie.

Claude Turmes soutenait donc en toute logique notamment la résolution déposée par son groupe politique le 14 octobre 2009 qui "déplorait les pressions et intimidations exercées par les autorités italiennes sur les journaux italiens et européens", et invitait notamment "le Conseil à engager la procédure prévue à l'article 7 du traité sur l'Union européenne, qui permet de signaler à un État membre qu'il viole les droits de l'homme, ainsi que de le sanctionner".

Claude Turmes a accordé son vote à la résolution commune soutenue par son groupe qui a fait part de son "amère déception" par voie de communiqué à l’issue du vote. Dénonçant une "journée noire pour la liberté de la presse en Europe", les Verts regrettent que l’appel à la rédaction d’une directive contre la concentration des médias soit resté lettre morte. Le message donné par le Parlement européen, à une courte majorité certes, est, à leurs yeux, contraire aux valeurs fondamentales de l’UE.

Pour Claude Turmes, la réaction des eurodéputés luxembourgeois du PPE, qui ont rejeté la résolution mais appellent à un débat sur le pluralisme des médias, est "très hypocrite". Car à ses yeux, les résolutions soumises au vote concernaient la liberté de la presse dans toute l’Europe en appelant notamment à une directive qui limiterait la concentration des médias.

Le fait que les députés PPE appellent à ne pas s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays est, aux yeux de Claude Turmes, "curieux". Car cela signifierait que le Parlement européen devrait aussi  fermer les yeux sur les persécutions subies par les Roms en Italie ou l’intolérance vis-à-vis des homosexuels dans certains pays d’Europe de l’Est. Or, pour Claude Turmes, l’UE est plus qu’un marché, c’est une communauté de valeurs qui doit veiller au maintien de certaines valeurs fondamentales. Et les Verts vont donc redoubler leurs efforts pour poursuivre ce débat sur la liberté de la presse.

Le socialiste Robert Goebbels et le libéral Charles Goerens ont eux aussi voté en faveur de la résolution commune soutenue par leurs groupes politiques.