Le 27 janvier 2010, Felicitas Hillmann de l’Institut de Géographie de l’Université de Brème, a abordé, lors d’une conférence organisée par la Cellule nationale d’Information pour la Politique Urbaine (CIPU), les conséquences locales qu’a la migration globale en Europe, ainsi que la nouvelle géographie y liée.
Felicitas Hillmann, selon laquelle la problématique de la migration demande un management global, et pour qui la situation de la migration en Europe a complètement changé pendant les 30 dernières années, s’est s’interrogée au cours de son exposé sur les conséquences locales de la spatialisation et de la nouvelle géographie de la migration sur la société européenne.
Abordant la dynamique de la migration internationale, Felicitas Hillmann s’est basée sur des chiffres des Nations Unies, qui révèlent qu’entre 1960 et 2010, le taux des migrants est passé de 2,5 % à 3,1 % de la population mondiale. "La majorité de la population mondiale est donc sédentaire", a-t-elle constaté. 42 millions de personnes sont par ailleurs des réfugiés, dont 26 millions sont des déplacés internes.
Selon Felicitas Hillmann, les différentes régions du monde ne connaissent pas la même dynamique migratoire. L’Amérique du Sud, des parties de l’Afrique et l’Asie sont des régions d’émigration, tandis que l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie sont des continents d’immigration. Par ailleurs, elle a divisé l’Europe en plusieurs sous-systèmes : l’Europe de l’Est, les anciennes métropoles coloniales, les pays nordiques, les pays de l’ancien système des travailleurs immigrés, ou encore l’Europe du Sud. Ces divisions se font notamment en fonction des différents groupes de migrants arrivant dans ces pays, de la dynamique de leurs marchés du travail et de leur maniement de la problématique.
Un des nombreux changements dans la migration d’aujourd’hui par rapport aux années 1960 est, d’après Felicitas Hillmann, la globalisation de l’espoir. La persistance des systèmes de migration fait par ailleurs que les mouvements migratoires se renforcent eux-mêmes. La chercheuse a notamment parlé de "migrant industry". D’après elle, ces mouvements sont en parallèle renforcés par les mythes qui circulent sur l’Union européenne.
"La migration est aussi lucrative que le commerce des armes et des drogues", a-t-elle expliqué. Et d’ajouter que les prix payés par les migrants pour arriver d’Afrique en Europe sont énormes et se situent entre 1 000 et 3 400 €. Le voyage d’Asie en Europe coûte même 9 000 et 16 000 €.
"Les migrants africains, dont le nombre d’arrivants dans les pays de l’Europe du Sud a fortement augmenté en 2008, possèdent uniquement leur vie et leur droit à la dignité humaine, mais ils ont un grand impact politique sur l’UE", a souligné la chercheuse. Des accords multilatéraux sont signés et un management de l’immigration clandestine est en cours d’être mis en place au niveau européen. Toutefois, Felicitas Hillmann pense que l’UE essaye de trouver une solution en-dehors de son système, comme en témoignent les nombreux camps à ses frontières, la création de l'Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l'Union européenne (Frontex), ainsi que le fait que l’UE met en place des agences pour l’emploi dans la zone sahélienne.
Pour Felicitas Hillmann, une des conséquences locales de la migration globale est surtout que la migration fait dorénavant partie de la culture européenne et du développement social en Europe. Le fait que nos médias soient inondés de ce sujet, et l’apparition de jeux vidéo dans lesquels des immigrés clandestins doivent essayer de fuir d’un camp et arriver en Europe, témoignent également des changements subis par notre société.
D’après la chercheuse, la migration a fortement poussé le processus d’unification européenne, et elle joue un rôle important dans tous les Etats membres dans la mesure où elle provoque des discussions sur les frontières et les identités, notamment dans la "vieille" Europe.
En faisant référence à la "forteresse Europe", la chercheuse pense d’ailleurs aussi que l’UE se ferme de facto aux flux migratoires par une militarisation énorme de ses frontières et en établissant des ordres sociaux qui excluent les migrants. Par ailleurs, les marges de manœuvre des Etats membres leur permettent de choisir entre les migrants "bienvenus" et ceux dont ils "n’ont pas besoin". "L’UE mène donc le débat sur les migrants de façon un peu ambigüe", a-t-elle estimé. Et elle a ajouté qu’il n’y a pas vraiment de politique européenne d’immigration. La souveraineté des Etats leur permet par ailleurs de décider qui vit sur leur territoire, et ils sont donc réticents à céder leurs compétences dans ce domaine.
Felicitas Hillmann pense cependant que les mesures de blocage de l’UE ne font que dévier les flux de migration illégale et déplacer les conflits énormes qui existent aux frontières. En utilisant l’image d’un lac de barrage aux frontières de l’UE qui se remplit progressivement, la chercheuse a avoué qu’elle pense qu’une solution du conflit n’est pas en vue et que, bien au contraire, il va s’accentuer dans les années à venir, voire même se militariser.