Avec 37 voix pour contre une abstention, la commission Marché intérieur et Protection des consommateurs (IMCO) du Parlement européen a voté le 23 février 2010 le rapport de l’eurodéputé vert Claude Turmes sur la pharmacovigilance. Lors d’une conférence de presse du 26 février 2010, l’eurodéputé a fait le point sur son rapport ainsi que sur le "Paquet pharmaceutique", la nouvelle législation européenne sur les médicaments, proposée en décembre 2008 par la Commission européenne. Claude Turmes a également expliqué la position des Verts européens pour davantage d’information en matière de médicaments et une meilleure protection des droits des patients. Enfin, il a abordé la situation au Luxembourg et les revendications des Verts dans ce domaine.
Le 10 décembre 2008, la Commission européenne a présenté ses propositions législatives dans le cadre du "Paquet pharmaceutique" qui regroupe une proposition de directive sur l’accès des patients à l’information sur les médicaments, une proposition de directive sur la lutte contre la contrefaçon des médicaments, ainsi qu’une proposition de directive sur le renforcement de la pharmacovigilance. Actuellement, le Paquet pharmaceutique est discuté au Parlement européen et il pourra probablement être adopté fin 2010. Ensuite, les Etats membres auront un délai de 18 mois pour sa transposition en droit national.
La proposition de directive sur l’information des patients, qualifiée par Claude Turmes comme véritable "cheval de Troie des groupes pharmaceutiques", est actuellement bloquée au Conseil et au Parlement européen. Elle aurait ouvert la porte à la promotion directe par les firmes pharmaceutiques, ce qui "leur aurait permis de faire de la publicité pour des médicaments délivrés sur ordonnance", a expliqué l’eurodéputé. Il pense d’ailleurs que l’unique motivation de la Commission pour proposer de modifier la législation en vigueur, sous l’impulsion de son président José Manuel Barroso, semblait être de servir les intérêts commerciaux des firmes pharmaceutiques en élargissant leurs marchés.
Pour les Verts européens, cette proposition de directive est donc "absolument inacceptable" et ils veulent maintenir leur véto jusqu’à ce que l’information critique et indépendante sur les médicaments y soit intégrée. Pour eux, il est important de progresser dans ce dossier sous présidence espagnole, parce que la Belgique, qui assurera la présidence de l’UE à partir du 1er juillet 2010, est plutôt favorable à cette directive sur l’information plus directe sur les médicaments. Cela s’explique selon Claude Turmes par le fait que de nombreuses firmes pharmaceutiques sont implantées dans la région de Bruxelles et en Flandre.
"Fin 2009, l’UE a fait des contrôles douaniers lors desquels 34 millions de comprimés contrefaits ont été confisqués dans l’espace de deux mois seulement", a expliqué Claude Turmes à titre d’exemple. Et d’ajouter qu’à l’aéroport du Luxembourg, 30 paquets de médicaments contrefaits ont été confisqués en 2009 et que, faute de contrôles suffisants, il n’existe pas de chiffres sur les médicaments interceptés à la poste. En général, il s’agit de produits en provenance de Chine, d’Inde ou des Etats-Unis qui ont été commandés via internet. "Le commerce intense avec ces médicaments falsifiés ne s’explique pas uniquement par l’énergie criminelle des fournisseurs, mais aussi par la demande croissante sur internet qui est difficile à surveiller", a expliqué Claude Turmes. Le gros de ces substances provient de pharmacies en ligne, et la concurrence intense sur le marché fait qu’elles sont achetées à des prix bas en-dehors de l’UE où leur processus de production est difficilement contrôlable.
"La proposition de directive de la Commission sur la contrefaçon des médicaments ne mentionne pas le commerce des médicaments sur internet", a critiqué l’eurodéputé, qui est d’avis que ce domaine nécessite plus de transparence et de restrictions. Des codes barres systématiques sur les médicaments, tels que prévus par la proposition de directive, seraient un premier pas qui permettrait la traçabilité des médicaments du producteur jusqu’au vendeur. Pour les Verts, le commerce sur internet doit être mis au centre de la nouvelle directive sur la contrefaçon des médicaments, et cette "zone grise" doit être davantage contrôlée.
Selon la Commission européenne, les effets indésirables des médicaments conduisent à environ 5 % de toutes les hospitalisations. Par ailleurs, Claude Turmes à expliqué que 200 000 patients meurent chaque année dans l’UE des suites d’effets secondaires de médicaments. "De plus en plus souvent, des médicaments dangereux sont mis sur le marché et ne sont retirés que très tard, parce que la pression de l’industrie pharmaceutique est énorme", a-t-il déclaré.
La pharmacovigilance est le processus du contrôle de la sécurité des médicaments qui inclut la collecte et la gestion de données sur leur sécurité, l'évaluation de ces données afin de détecter un potentiel problème de sécurité, les actions pour remédier à cet éventuel problème de sécurité, y compris en fournissant des informations sur la question, et l'évaluation de la procédure suivie et des résultats obtenus.
Selon Claude Turmes, la directive sur la pharmacovigilance a plusieurs points forts. Elle prévoit notamment l’augmentation de la transparence et du flux d’information entre les centres de pharmacovigilance de l’UE, davantage de communication sur les effets secondaires, la création d’une base de données centrale sur les effets secondaires, ainsi que la mise en place d’un site web européen sur la pharmacovigilance. Mais la directive propose aussi que les médicaments ne soient plus accompagnés de notices mais de simples résumés, ce que l’eurodéputé a résolument rejeté.
Le rapport de Claude Turmes, voté après de longues négociations au Parlement européen, demande entre autres plus de transparence sur le marché des médicaments, des procédures d’autorisation plus strictes, le renforcement des structures de la pharmacovigilance et l’interdiction de résumés des notices qui accompagnent les médicaments.
Selon Claude Turmes, les représentants des caisses de maladie et les organisations de protection des patients présents à Bruxelles ont salué ce rapport comme signal fort pour plus de pharmacovigilance, pour le renforcement des droits des patients et un meilleur contrôle de l’industrie pharmaceutique. Ce premier vote sera suivi d’un vote à la commission Environnement, Santé publique et Sécurité alimentaire (ENVI) autour du mois de juin et d’un vote en plénière au cours de l’année.
Selon Claude Turmes, le Luxembourg a particulièrement besoin d’une autorité de pharmacovigilance forte, d’autant plus parce que les médicaments qui y sont vendus proviennent de trois pays, à savoir la Belgique, l’Allemagne et la France. Par ailleurs, en comparaison avec le reste de l’UE, les patients luxembourgeois ne signalent que très peu les effets secondaires aux autorités nationales, tandis que la consommation de médicaments au Grand-Duché est assez élevée.
Les Verts pensent donc que les médecins, pharmaciens et hôpitaux devraient signaler de façon plus conséquente et plus systématique les effets secondaires aux autorités nationales. Par ailleurs, ils pensent que l’effectif de la Division de la Pharmacie et des Médicaments (DPM) du Ministère de la Santé devrait être augmenté pour pouvoir s’occuper plus rapidement des cas individuels d’effets secondaires. Les Verts veulent également donner un rôle plus important aux pharmaciens dans le conseil des patients et, enfin, créer un site web d’information indépendant sur les médicaments qui pourrait aider les patients, les médecins et les pharmaciens à choisir les bons médicaments.