Dans son édition du 13 avril 2010, La Tribune revient, dans un entretien avec Luc Frieden, ministre des Finances luxembourgeois, sur la question du commerce électronique qui a suscité de nombreux débats ces derniers jours.
Lors d’une table ronde sur l’impact du développement du commerce électronique, qui s’est tenue le 7 avril 2010, la commission des Finances du Sénat français s’est penchée sur un rapport sur le commerce électronique établi par le cabinet d’études Greenwich. Celui-ci évalue à un milliard d’euros le manque à gagner en matière de TVA pour l’Etat français en 2014. Un chiffre qui s’explique notamment du fait que les entreprises du secteur sont souvent basées dans des pays européens où la fiscalité est plus avantageuse.
Le sénateur Jean Arthuis, président de la commission des Finances, avait, dans les colonnes du même quotidien français, dénoncé une forme de "dumping fiscal" et il avait cité pour exemple le Grand-Duché : "La situation du Luxembourg qui propose une TVA de 15 % sur les services immatériels (alors que ce taux est de 19,6 % en France), est de ce point de vue profondément choquante". "Le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, nous rappelle régulièrement à nos obligations en matière de finances publiques et en même temps, il nous fait les poches en laissant perdurer de telles pratiques !", avait alors déclaré le sénateur français.
Luc Frieden, invité par la rédaction de La Tribune à réagir à ces propos, se dit "extrêmement surpris par le langage de M. Arthuis alors que le Luxembourg ne fait qu'appliquer strictement les directives européennes". "La première sur la TVA qui nous autorise à avoir un taux minimum de 15 % sur les services immatériels, la seconde sur le commerce électronique qui permet à l'heure actuelle de collecter cette TVA sur le lieu d'établissement de la société", précise le ministre des Finances qui conclut que "dans ces conditions, le Luxembourg ne peut accepter les accusations de Jean Arthuis".
"Ces attaques ne reflètent en rien l'excellence de nos relations avec la France", reconnaît Luc Frieden qui ajoute, s’adressant au sénateur de la Mayenne, qu’il faut "qu'il se rende compte que l'Europe existe". Comme il le rappelle par ailleurs, "certains éléments vont changer en 2015" puisque le prélèvement de la TVA se fera sur les lieux d'achat des biens et non plus sur le lieu d'établissement de la société vendeuse.
Un changement qui ne sera pas sans conséquences – notamment en termes de recettes fiscales - pour le Luxembourg ainsi que le concède Luc Frieden. Selon lui, cela ne devrait pas pour autant modifier le lieu d'établissement des sociétés comme, par exemple, Amazon ou Apple qui sont citées dans le rapport. "Ces entreprises américaines se sont établies chez nous, pour des raisons fiscales mais pas seulement. Elles savent qu'elles profiteront d'un climat économique, social et politique stable. Elles continueront donc à exercer leurs activités depuis le Luxembourg", estime le ministre des Finances.
Quant à l’harmonisation des règles en Europe que réclame le sénateur, Luc Frieden explique que, si "le Luxembourg est toujours favorable à plus d'Europe", il a cependant "l'impression que la directive 2008 répond à la situation". Il ne voit donc pas "la nécessité d'introduire des mécanismes supplémentaires" tout en n’excluant pas, "si cela peut rassurer", des contrôles additionnels.