Atteindre une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 % serait faisable en Europe d’ici 2050 en se basant sur une énergie zéro carbone et cela ferait sens sur le plan économique. C’est la conclusion d’un rapport de l'European Climate Foundation (ECF) publié le 13 avril 2010 dans le cadre du Roadmap 2050.
Le Roadmap 2050 a pour objectif de fournir une analyse pratique, indépendante et objective de la voie à suivre pour arriver à une économie pauvre en carbone en Europe qui soit conforme aux objectifs que l’UE s’est fixés en termes de sécurité énergétique, d’environnement et d’économie. Lancé à l’initiative de l’ECF, ce projet a été développé par un groupe d’experts mis en place par la fondation.
Ce projet qui entend proposer un "guide pratique pour une Europe prospère et pauvre en carbone" examine différents scénarios de "décarbonisation" du secteur de l’énergie et en présente les implications à court terme. L’analyse montre que pour chacun des scénarios envisagés, le coût d’une énergie zéro carbone resterait du même ordre qu’aujourd’hui.
L'Europe pourrait ainsi combler au moins 80 % de ses besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables d'ici 2050 sans payer pour autant plus pour l'électricité qu'elle ne ferait en continuant avec les actuelles infrastructures basées sur les combustibles fossiles.
Mais le rapport précise aussi que, pour arriver à une décarbonisation d’ici 2050, il faudrait agir avant 2015 en se concentrant sur des mesures d’efficacité énergétique qui permettraient de réduire les coûts et la demande, sur des investissements en matière d’interconnexion régionale et sur une réforme du marché qui permettrait d’assurer un scénario d’investissement efficace.
Dans un entretien accordé au journaliste Marc Schlammes et publié dans le Luxemburger Wort du 14 avril 2010, l’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a fait part de son enthousiasme et de ses craintes concernant la faisabilité de la mise en œuvre du Roadmap 2050.
Ainsi que l’explique Claude Turmes, les études publiées dans le cadre de ce projet indiquent que l’UE pourrait combler 80 % de ses besoins énergétiques grâce aux énergies renouvelables d’ici 2050, ce qui ne coûterait pas plus cher à l’usager qu’une option, que les écologistes refusent, comme la construction de nouvelles centrales nucléaires ou encore la tentative coûteuse et intrépide de rendre les centrales à charbon plus "vertes" en séparant le CO2. Cela permettrait qui plus est d’atteindre plus vite les objectifs en matière de lutte contre le changement climatique et de réduire la menace que représentent à long terme des prix du pétrole incalculables.
Le parlementaire européen remarque par ailleurs que les experts sont loin de tenir compte de tout le potentiel que peuvent offrir les technologies renouvelables disponibles. Se référant au projet "100 % d’électricité verte pour le Benelux" sur lequel il travaille avec des experts en matière d’énergie, Claude Turmes est cependant loin d’en conclure que le Luxembourg ne doit faire aucun effort. Au contraire, il convient à ses yeux de lancer des projets nationaux ambitieux dans les domaines de l’efficacité énergétique et des énergies renouvelables et de remplacer peu à peu les importations actuelles de charbon et d’énergie nucléaire.
Pour ce qui est de la faisabilité technique de la mise en œuvre du Roadmap 2050, Claude Turmes estime que ce sera un vrai défi pour les exploitants des réseaux. Pourtant, c’est surtout au niveau politique que l’eurodéputé voit de possibles blocages. Comme il l’explique, il faudra, dans les 5 ou 10 prochaines années, décider si l’Europe continuer de miser sur des technologies fossiles ou nucléaires dépassées ou si elle fait le choix des énergies du futur qui sont respectueuses de l’environnement et abordables, et ce tout particulièrement pour les pays en voie de développement.
Claude Turmes constate ainsi que les entreprises énergétiques, qui gagnent en ce moment des milliards du fait de l’absence de décision politique, exercent une forte pression. A ses yeux, le Luxembourg n’est qui plus est pas bien placé en matière d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Il estime que l’économie attend en fait que la politique se fixe enfin des objectifs ambitieux et se dote d’un management professionnel.
Quand Marc Schlammes lui demande s’il ne faut pas cependant craindre que le projet échoue du fait des restrictions budgétaires requises par la crise, Claude Turmes rappelle que l’OCDE, dont les considérations sont économiques, a appelé le Luxembourg à voir enfin la protection de l’environnement comme une chance pour une croissance qualitative. Pour l’eurodéputé, les signes annonçant que le système énergétique actuel arrive à sa fin ne manquent pas. Quant aux investissements nécessaires, il estime possible de faire appel à la place financière et à la Banque européenne d'Investissement (BEI) qui pourraient financer les énergies renouvelables grâce à des "fonds" verts déjà prévus. Selon lui, le monde de la finance est prêt à investir dans ce tournant énergétique car il s’agit d’un investissement d’avenir sûr et ce d’autant plus qu’en devenant plus répandues, ces nouvelles technologies vont coûter moins cher.