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Transports
Les dispositions sur le cabotage routier entrées en vigueur le 14 mai 2010 font débat au Luxembourg
17-05-2010


Camions passant la frontière. source : Ministère du Développement durable et des InfrastructuresLe 14 mai 2010, de nouvelles dispositions relatives au cabotage dans le domaine des transports routiers sont entrées en vigueur en vertu des articles 8 et 9 du règlement CE n° 1072/2009 du Parlement européen et du Conseil du 21 octobre 2009.

L’ancienne réglementation communautaire permettait le cabotage "à titre temporaire", ce qui avait pour conséquence de nombreuses législations nationales différentes dans les Etats membres pour limiter le cabotage. La nouvelle réglementation introduit des règles uniques pour toute l’Union européenne. Selon ces dispositions, un transporteur non résident peut effectuer, à la suite d’un transport international, jusqu’à trois transports de cabotage successifs dans le pays d’accueil.

Une exception aux nouvelles règles existe sur le territoire Benelux, où le cabotage reste libéralisé en application d’une décision Benelux de 1991. Cette exception ne s’applique cependant qu’aux seuls transporteurs établis au Luxembourg, en Belgique et aux Pays-Bas.

Au Luxembourg, l’entrée en vigueur de ce règlement a fait l’objet de vifs débats notamment du fait des difficultés rencontrées par la société Speralux. Car si cette entreprise licencie 111 employés, c’est à cette règlementation que d’aucuns l’ont spontanément imputé.

L’OGB-L dénonce un "arrêt de mort" pour le secteur des transports luxembourgeois

Quelques jours avant son entrée en vigueur, l’OGBL-ACAL expliquait ainsi les dispositions sur le cabotage fixées par le règlement 1072/2009 ne permettaient pas à l’entreprise, qui connaît par ailleurs d’importantes difficultés économiques, de poursuivre ses activités comme auparavant. Si le syndicat n’a pas manqué de souligner par la suite que le règlement représentait dans ce cas précis un problème parmi d’autres pour un secteur qui subit de plein fouet les conséquences de la crise, l’OGBL l’a évoqué comme un "arrêt de mort" pour le secteur du transport auOGB-L ACAL Luxembourg.

Romain Daubengeld, secrétaire central de l’OGB-L-ACAL, a ainsi dénoncé le fait que le nouveau règlement, en limitant à trois opérations de cabotage consécutives, implique "un retour à vide des camions". Des dispositions qui, comme le rapporte Nicolas Anen dans l’édition de la Voix du Luxembourg datée du 17 mai 2010, auraient pour conséquence "un important manque à gagner pour les transporteurs qui préfèrent dès lors délocaliser leurs activités directement dans le pays cible, afin de ne pas être soumis à ces restrictions".

Pour l’OGB-L, plusieurs centaines d’emplois seraient de ce fait menacés directement, le Tageblatt du 14 mai se 2010 faisant l’écho du chiffre de 2000 emplois, et 338 personnes seraient d’ailleurs déjà concernées. Romain Daubenfeld reproche ainsi au gouvernement luxembourgeois d'avoir "dormi" alors que ce règlement était discuté à Bruxelles. "II aurait fallu négocier une exception pour le Luxembourg, car de par notre taille, nous sommes un pays de transit. Aujourd'hui nous ne pouvons plus que constater les dégâts", a-t-il ainsi déclaré au journaliste de la Voix.

Le LCGB appelle à épauler les entreprises du pays pour qu’elles puissent s’adapter à ce nouveau règlement

Du côté du LCGB, si l’on souligne avant tout les effets de la crise pour expliquer les difficultés rencontrées, il est cependant question des efforts que devront faire certaines entreprises ayant leur siège au Luxembourg et ne circulant que dans un pays étranger pour adapter leur transport à ce règlement. Selon le syndicat, certaines sociétés ont déjà LCGBfait ce travail en construisant des dépôts dans les pays où ils circulent afin de ne pas être prises au dépourvu. Le LCGB rappelle le travail de lobbyisme non négligeable qui a été déjà mené face à la Commission Européenne. Pour le syndicat, des accords unilatéraux entre pays, comme celui existant dans le Benelux, sont peut-être une des alternatives pour enrayer les difficultés.

Ce que le LCGB-Transport demande aux partenaires sociaux comme la Chambre de Commerce, le Ministère du Développement Durable, voire le Ministère de l'Economie, c’est donc de "réagir au plus vite" en mettant sur la table dans les plus brefs délais "des propositions concrètes afin de trouver le moyen d'épauler les entreprises de notre pays".

Gouvernement et CLC soulignent le fait que ce règlement va limiter la concurrence déloyale

Marianne Welter, présidente du Groupement des Entrepreneurs de Transport, qui est affilié à la Confédération du Commerce luxembourgeois (CLC), a expliqué pour sa part au micro de RTL les conséquences bénéfiques de ce règlement qui va notamment permettre de limiter la concurrence déloyale.

Une analyse qui va dans le sens des déclarations faites par le ministre Claude Wiseler sur les ondes de la même radio le 12 mai dernier. A ses yeux le risque d’une perte massive d’emplois dans le secteur en raison de ce règlement est limité même s’il convient que certaines entreprises vont devoir se réorganiser. Conscient de la crise qui frappe le secteur de plein fouet, Claude Wiseler entend ainsi engager dans les prochains mois le dialogue avec les différents partenaires du secteur au sujet de l’avenir de la logistique au Luxembourg.CLC

Alain Petry, conseiller auprès de la CLC, a pour sa part expliqué au journaliste de la Voix que cette nouvelle limitation à trois cabotages existait déjà depuis 2008 en Allemagne et depuis 2009 en France. Désormais, les contrôles, qui étaient plutôt sporadiques, vont s’intensifier, les Etats membres s'étant engagés à contrôler 3 % des camions. A ses yeux, "l’OGBL exagère".

Le représentant de la CLC a aussi rappelé d’une part que chaque transport international interrompt la règle des trois opérations de cabotage en remettant les compteurs à zéro et que, d’autre part, le cabotage était de toute façon  entièrement libéralisé au Bénélux. Selon lui, les entreprises de transport qui ont des clients dans toute la Grande Région ne devraient donc pas connaître trop de difficultés. En revanche, ce sont les sociétés de transport qui se sont implantées au Luxembourg afin d'y profiter de charges patronales plus faibles et d'un prix du diesel plus bas mais qui effectuent tous leurs transports en France ou en Allemagne, qui devront, comme le rapporte la Voix, se réorganiser ou quitter le pays.

Les dispositions fixées par le règlement 1072/2009

Le Département des Transports du Ministère du Développement durable et des Infrastructures et la CLC ont expliqué dans un communiqué les règles fixées par ce règlement.

1. Qu’est-ce que le cabotage ?

Le cabotage est un transport national dont les points de chargement et de déchargement se trouvent dans un même Etat membre et qui est effectué par un transporteur établi dans un autre Etat membre.

Exemple : Un transporteur établi au Luxembourg effectue un transport de Metz (chargement) à Strasbourg (déchargement). Ce transport est un transport intérieur en France, donc un transport de cabotage.

2. Quels transports de cabotage peuvent être effectués ?

Les nouvelles règles communautaires limitent le nombre de transports de cabotage successifs que peut effectuer un transporteur.

Ainsi, un transporteur pourra à l’avenir, consécutivement à un transport international en charge, effectuer au maximum trois transports de cabotage successifs dans ce pays d’accueil. Ensuite, il doit quitter l’Etat membre d’accueil. Le dernier déchargement de ces opérations de cabotage doit avoir lieu au plus tard sept jours après le dernier déchargement du transport international ayant conduit le véhicule dans le pays d’accueil. Le premier transport de cabotage ne peut être commencé qu’après déchargement complet du transport international. D’éventuels voyages à vide entre les opérations de cabotage ne sont pas comptés.

La limite des trois transports de cabotage est toujours vérifiée par rapport au véhicule moteur (principe du véhicule tracteur). Dès que le transporteur effectue un transport international, le compteur est remis à zéro et il peut à nouveau effectuer trois transports de cabotage. De même, le délai maximal de sept jours recommence à zéro après chaque transport international.

Exemple : Un transporteur luxembourgeois effectue le lundi matin un transport international en charge Luxembourg – Allemagne. Ensuite, il fait deux transports de cabotage en Allemagne, puis un voyage à vide vers la France, suivi d’un transport en charge France – Allemagne (le compteur est remis à zéro), avant de conclure la journée par un autre transport de cabotage en Allemagne. Du mardi au samedi il effectue chaque jour le matin deux transports de cabotage en Allemagne et l’après-midi un voyage à vide vers la France, un transport en charge France – Allemagne, suivi d’un transport de cabotage en Allemagne (Cabotage 1 = celui de l’après-midi ; cabotages 2 et 3 = ceux du matin du lendemain). Le samedi soir, il revient à vide au Luxembourg, alors que le chauffeur doit prendre son repos hebdomadaire après six jours de conduite et que la conduite de poids lourds est interdite le dimanche en Allemagne et en France.

Dans cet exemple, le transporteur fait donc en sept jours :

  • 1 transport international en charge Luxembourg – Allemagne ;
  • 18 transports de cabotage en Allemagne ;
  • 6 six voyages à vide Allemagne – France ;
  • 6 transports internationaux en charge France – Allemagne ;
  • 1 voyage à vide Allemagne – Luxembourg.
  • + 1 jour de repos pour le chauffeur.

Attention : On ne peut pas prendre de charge de cabotage en cours de route avant qu’on n’ait complètement déchargé les marchandises du transport international !

Exemple : Un transporteur luxembourgeois effectue un transport de Bettembourg (LU) (chargement) à Strasbourg (FR) (déchargement). Il aurait l’occasion de charger deux palettes supplémentaires à Metz (FR) qu’il devrait décharger également à Strasbourg (FR). Le transport de ces deux palettes constituerait un transport de cabotage non autorisé, alors que le transporteur n’a pas encore déchargée complètement son transport international ! Il ne peut donc pas prendre en charge ces deux palettes à Metz.

3. Quelles sont les possibilités quand le transport international préalable est à destination d’un autre Etat membre que celui où le transporteur veut effectuer un transport de cabotage ?

Quand le transporteur effectue un transport international vers un Etat membre et entre ensuite à vide dans un autre Etat membre, il peut faire un seul transport de cabotage dans cet Etat membre. Ce transport de cabotage doit être fini au plus tard trois jours après l’entrée à vide du véhicule (tracteur) dans le pays d’accueil.

Le transporteur peut faire au maximum trois opérations de cabotage successives de ce genre (dans trois Etats membres différents), mais doit respecter la limite générale des sept jours (depuis le déchargement complet du transport international).

Attention : Il faut toujours effectuer un transport international avant de pouvoir faire du cabotage ! La seule entrée à vide ne suffit pas.

Exemple : Un transporteur luxembourgeois fait un transport international France – Slovénie. Après avoir déchargé, il entre à vide en Italie où il effectue un premier transport de cabotage. Ensuite, il entre à vide en Autriche où il effectue un deuxième transport de cabotage. Puis, il entre à vide en Allemagne où il effectue son troisième transport de cabotage. La limite des trois opérations de cabotage est alors atteinte et le transporteur doit faire un transport international en charge avant de pouvoir effectuer à nouveau un transport de cabotage.

Il est également possible de combiner les restrictions énoncées aux points 2) et 3).

Exemple : Un transporteur luxembourgeois fait un transport international France – Italie. Après avoir déchargé, il effectue deux transports de cabotage en Italie. Ensuite, il entre à vide en Allemagne où il effectue son troisième transport de cabotage.

4. Faut-il attendre sept jours avant de pouvoir effectuer à nouveau des transports de cabotage ?

Non. Chaque transport international interrompt les restrictions et les compteurs recommencent à zéro.

En revanche, même après sept jours, on ne peut pas effectuer des transports de cabotage sans faire auparavant un transport international.

5. Exception : Benelux

Les limitations décrites ci-dessus aux points 2) et 3) ne sont pas applicables au territoire BENELUX quand les transports sont effectués par des transporteurs établis au Luxembourg, en Belgique ou aux Pays-Bas. En effet, sur base de l’article 350 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, la décision du Conseil de ministres Benelux du 16 décembre 1991 ayant libéralisée le cabotage pour le territoire BENELUX reste en vigueur.

Cette exception ne vaut que pour les transporteurs établis au Luxembourg, en Belgique ou aux Pays- Bas. Par conséquent, les transporteurs luxembourgeois peuvent, même après le 14 mai 2010, effectuer des transports de cabotage en Belgique et aux Pays-Bas sans aucune limite.

6. Quels documents doivent être présentés en cas de contrôle ?

En cas de contrôle, le transporteur doit fournir la preuve qu’il a respecté les dispositions relatives au cabotage par des lettres de voiture CMR ou des documents similaires reprenant les mêmes informations.

Ces documents doivent mentionner au moins (art.8 du règlement (CE) n° 1072/2009) :

  1. le nom, l’adresse et la signature de l’expéditeur ;
  2. le nom, l’adresse et la signature du transporteur ;
  3. le nom et l’adresse du destinataire, ainsi que sa signature et la date de livraison une fois les marchandises livrées ;
  4. le lieu et la date de prise en charge des marchandises et le lieu prévu pour la livraison ;
  5. la dénomination courante de la nature des marchandises et le mode d’emballage et, pour les marchandises dangereuses, leur dénomination généralement reconnue ainsi que le nombre de colis, leurs marques particulières et leurs numéros ;
  6. la masse brute des marchandises ou leur quantité exprimée d’une autre manière ;
  7. les plaques d’immatriculation du véhicule à moteur et de la remorque.

Attention : Il est important d’avoir toujours les documents justificatifs nécessaires à bord du véhicule pour prouver les transports de cabotage et le transport international préalable, alors que dans certains Etats membres, les amendes sont considérables et la sanction peut même inclure l’immobilisation du véhicule en cas de cabotage illégal.