Le 13 juin 2010 a eu lieu la grande journée des festivités officielles au Luxembourg dans le cadre du 25e anniversaire de la signature des Accords de Schengen, village luxembourgeois, limitrophe de l'Allemagne et de la France. Une séance académique, suivie de l'inauguration du Musée européen à Schengen, a eu lieu en présence de nombreuses personnalités de l'Union européenne et de la Grande Région. Ainsi ont participé aux festivités le Grand-Duc Henri et la Grande-Duchesse Maria Teresa, les représentants des États membres de l'Union européenne, Jerzy Buzek, le président du Parlement européen, José Manuel Barroso, le président la Commission européenne, et Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne. Les signataires de l’Accord, Robert Goebbels, ancien secrétaire d'État pour le Luxembourg, et Catherine Lalumière, ancienne secrétaire d'État pour la France, y ont également assisté.
Roger Weber, le bourgmestre de la commune de Schengen, a fait allusion dans son allocution de bienvenue aux visites de Victor Hugo en 1871 et Johann Wolfgang von Goethe en 1792 du petit village de vignerons aux bords de la Moselle qui compte à peine 500 habitants. "La renommée internationale de Schengen provient de la signature des Accords de Schengen en 1985 à bord du bateau Princesse Marie Astrid, accords signés par l’Allemagne, la France et les pays du Benelux", a-t-il rappelé en ajoutant que personne ne pouvait s’imaginer à l’époque que le traité de Schengen deviendrait un des traités les plus connus dans toute l’Europe. Le bourgmestre a par ailleurs tenu à évoquer les visiteurs particulièrement nombreux "des pays qui ont connu encore récemment des frontières fermées et qui associent avec le nom Schengen pas seulement l’abolition des frontières, mais pour qui Schengen est synonyme de liberté".
Dans son intervention, le ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn, a rappelé que la signature de l’Accord de Schengen en 1985 "signifiait le début d’une grande Europe de la libre circulation des personnes". L’accord prévoyait en premier lieu l’abandon du contrôle des personnes aux frontières. S’y greffaient la coopération policière transfrontalière, la poursuite et l’observation transfrontalière, le système d’Information Schengen et un visa qui a facilité la vie aux personnes originaires d’Etats tiers soumis à une obligation de visa et qui veulent visiter l’Europe.
Le ministre a expliqué que, lorsque la célébration du 25e anniversaire de la signature des Accords de Schengen a été envisagée, "on voulait quelque chose de durable et de visible." La première idée portée par les autorités nationales et locales, et surtout par la population, ce fut de mettre en place un Musée européen Schengen consacré aux accords, ainsi qu’a tenu à le souligner Jean Asselborn. Et d’ajouter qu’il s’agit du premier musée dans son genre qui a pour objet un des grands acquis de la construction européenne qui retrace le chemin de l’Europe des frontières à une Europe des citoyens. Le musée, qui ouvrira ses portes au public le 15 juin 2010, explique par des témoignages, des documents et des objets ce que sont les accords de Schengen, et comment ceux-ci ont changé notre façon de voyager, mais aussi d’envisager le contrôle à nos frontières extérieures, notre sécurité, le travail de nos polices, de nos justices et de nos douanes.
"Et en jetant un regard en arrière sur l’histoire des frontières en Europe avec des moyens de présentation interactifs, le musée montre aussi ce de quoi nous nous sommes progressivement éloignés : de la fermeture et du repli sur soi, de l’affrontement et de la guerre, de la division et d’un continent coupé en deux", a expliqué Jean Asselborn. Pour illustrer ce propos, Schengen même est présenté, petit village de frontière avec une histoire de village frontalier au cœur de l’Europe. Et le ministre de conclure : "si nous arrivons à faire comprendre au visiteur la portée de ce nouvel espace commun et à susciter en lui un sentiment d’appartenance à un territoire, à une culture, à un grand ensemble, ou à faire comprendre au visiteur d’un autre continent un des aspects de l’ambition européenne qui a rendu la paix à notre continent, nous aurons gagné notre pari."
Jerzy Buzek, le président du Parlement européen, a souligné quant à lui que les 25 ans de la signature des Accords de Schengen étaient le plus important des anniversaires pour les citoyens européens. "C'est à travers des changements concrets comme les Accords de Schengen, que les citoyens comprennent ce que signifie l'Europe. Pendant longtemps, nous avons œuvré pour construire l'Europe. Aujourd'hui, nous œuvrons pour construire une identité européenne", a-t-il déclaré en rappelant que l’espace Schengen compte aujourd’hui 25 pays adhérents qui représentent environ 400 millions de citoyens.
José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, présent à Schengen pour la première fois, a ensuite pris la parole pour souligner que les Accords de Schengen sont "un bel exemple pratique de la valeur ajoutée de l'Europe pour ses citoyens." Il a rappelé qu’en 2007, neuf pays ont rejoint l'espace Schengen, mettant fin à la séparation Est-Ouest. Et d’ajouter en conclusion que l’UE devrait s’inspirer de l’esprit Schengen pour renouveler la solidarité parce que "nous pouvons seulement relever les défis si nous serrons les coudes".
Selon le dernier intervenant, Robert Goebbels, signataire de l’accord pour le Luxembourg, Schengen est un peu le produit du "hasard et de la nécessité". L’eurodéputé a rappelé que l’UE a souvent progressé autour de l’axe franco-allemand. Mais pour bien tourner, l’axe franco-allemand avait besoin d’une stimulation extérieure. Ce furent les Premiers ministres du Benelux qui ont proposé à l’Allemagne et la France une initiative commune en vue de l’abolition progressive des contrôles aux frontières intérieures des cinq Etats, ainsi qu’il l’a expliqué. "Schengen s’imposa comme lieu de signature. Dans cette région des trois frontières, celles du Benelux, de l’Allemagne et de la France se rejoignent. Pour renforcer encore le symbolisme, l’accord fut signé à bord d’un bateau ancré dans la Moselle, qui constitue un condominium, un territoire commun aux pays riverains", a-t-il déclaré.
L’accord autorisait les douaniers à procéder à des "contrôles par sondage", mais sans arrêter le flux de la circulation, a souligné Robert Goebbels. La réponse positive des citoyens encouragea les responsables politiques à chercher des solutions plus hardies, également pour abolir les contrôles dans les ports et les aéroports. "En préconisant d’abolir les contrôles à toutes les frontières intérieures des pays partenaires, un vaste chantier s’ouvrait", s’est souvenu l’eurodéputé. Il fallait inventer le droit de poursuite pour les polices nationales traquant un criminel se réfugiant de l’autre côté d’une frontière. Il fallait organiser la coopération transfrontalière entre les polices, ce qui mena au Système d’Information Schengen. Il fallait inventer les couloirs Schengen dans les aéroports. Il fallait créer les bases pour une politique commune en matière de visas, en matière d’immigration et de lutte contre l’immigration clandestine.
"Schengen reste un symbole fort. Ce fut le premier accord qui visait à faciliter la vie aux citoyens lors d’un passage aux frontières. Schengen, c’est l’Europe au service du Citoyen, c’est en fait la redécouverte de la libre circulation, qui existait sans entraves sur notre continent avant l’invention des États-Nations", a souligné Robert Goebbels en saluant l’adhésion de l’Islande, de la Norvège et de la Suisse, ce qui a fait de l’espace Schengen "une Europe ouverte, ne se limitant pas aux Etats communautaires".