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Opinion
Eurobaromètre sur la mobilité des travailleurs : les Européens heureux d’avoir la liberté de circuler mais peu enclins à exercer ce droit
11,3 millions d’Européens vivent et travaillent dans un autre pays de l’UE, un plus de 54 % en 5 ans
14-07-2010


Geographical and labour market mobility, l'Eurobaromètre spécial n° 337Depuis longtemps déjà, les Européens ont pris l’habitude de déménager vers un autre pays afin d’y trouver un lieu de vie plus agréable, un bon système scolaire, un travail, un revenu supérieur ou encore un endroit agréable où passer leur retraite. Ce n’est pourtant que récemment que les Européens se sont vus octroyer le droit de s’installer et de travailler librement dans un autre pays de l’UE, sans permis de résidence ou de travail.

La libre circulation des travailleurs de l’UE au sein du "Marché commun européen" est devenue possible pour la première fois en 1968. À l’époque, ce fut la première des quatre libertés économiques de base à être mise en œuvre au sein du Marché européen. Les autres principes touchant à la liberté de circulation des biens, des services et des capitaux ne sont devenus réalité que 25 ans plus tard, dans la foulée de l’émergence du Marché unique européen en 1993.

Après l’adoption du principe de libre circulation des travailleurs, des restrictions ont été appliquées, mais uniquement durant des périodes de temps limitées à diverses étapes de l’élargissement de l’Union européenne. Des dispositions transitoires relatives à la libre circulation des travailleurs ont été mises en place lors de l’élargissement de mai 2004, où 10 pays ont rejoint l’Union, et lors de l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007 ; elles seront respectivement levées en mai 2011 et janvier 2014.

Dans ce contexte, la Commission européenne a commandé une étude Eurobaromètre qui a pour but de se pencher plus en détail sur les expériences et les intentions des Européens en matière de mobilité. Elle vise également à examiner les raisons qui poussent les citoyens à déménager ou, au contraire, à rester chez eux.

11,3 millions d’Européens vivent et travaillent dans un autre Etat de l’UE

Actuellement, 2.3 % des citoyens de l’UE résident dans un autre Etat membre que celui dont ils sont des ressortissants.  2,3 %, c’est l’équivalent de 11,3 millions de personnes. Autant que la population de la Belgique, de la Grèce, du Portugal, de la République tchèque ou de la Hongrie.

Depuis 2001, ce chiffre a augmenté de 54 %, de 4 millions de personnes. Ces personnes représentent 37 % des non-ressortissants qui résident dans un pays de l’UE, au Luxembourg elles représentent carrément, selon une récente étude du Statec, 86 % des non-ressortissants vivant au Luxembourg, ceux-ci constituant 43,1 % de la population totale.

Selon le nouvel Eurobaromètre, 10 % des Européens, mais 24 % des résidents du Luxembourg, ont vécu et travaillé dans un autre pays à un certain moment dans leur vie. 17 % des Européens pensent qu’ils vont le faire dans l’avenir,Is mobility a good thing for European integration ? mais seulement 16 % des résidents du Luxembourg. Ce qui montre que, vu le haut pourcentage de non-ressortissants, ceux-ci s’y sentent à l’aise.

D’après la nouvelle étude, une majorité d’Européens – 60 % en UE, mais seulement 54 % au Luxembourg (-1 % par rapport à 2005) - pensent que la mobilité des travailleurs au sein de l’UE est une bonne chose pour l’intégration européenne, 50 % (44 % au Luxembourg, + 8) pensent que c’est une bonne chose pour le marché de l’emploi et 47 % (46 % au Luxembourg, +14 par rapport à 2005) que c’est une bonne chose pour l’économie. 48 % (44 % au Luxembourg, +8) pensent que c’est une bonne chose pour les individus. Mais seulement 36 % (43 % au Luxembourg, +18) disent que ce genre de mobilité est bon pour les familles, la plus forte hausse de cet avis positif en UE. Et 29 % (17 % au Luxembourg, - 16) disent que c’est une mauvaise chose.

Combien d’Européens envisagent de travailler à l’étranger?

17 % des Européens envisagent de travailler à l’étranger. 16 % des résidents du Luxembourg seulement l’envisagent, et 76 % disent clairement non, contre 73 % des Européens, et ce malgré le haut pourcentage de non-ressortissants (43 %) qui vivent au Luxembourg. Les ressortissants d’anciens pays d’émigration comme l’Italie ou la Grèce ne sont que 4 % respectivement 8 % à envisager de travailler dans un autre pays. Ce sont les Baltes et les Scandinaves qui sont les plus enclins à travailler dans un autre pays.

Les choses changeraient néanmoins en cas de chômage. 23 % des Européens seraient alors prêts à changer de pays ou de région, 36 % au Luxembourg. Mais ce nombre a diminué de 8 points en 5 ans, et de 7 points au Luxembourg. Malgré, ou peut-être à cause de la détérioration du climat économique depuis l’automne 2005, les Européens sont d’une manière générale à présent moins disposés à déménager s’ils sont sans emploi et ont des difficultés à trouver un emploi dans la région où ils vivent. De fait, la proportion de répondants disposés à déménager vers une autre région et/ou un autre pays a reculé de 66 % à 48 %. Au Luxembourg, les chiffres sont passés de 65 % à 61 %, parmi lesquels 12 % affirment clairement être prêts à partir dans un autre pays uniquement, un chiffre qui a connu une augmentation de 5 points.

Pourquoi déménager ?

Quelles raisons seraient susceptibles d’encourager les personnes à travailler dans un autre pays, en dehors du chômage ? Une meilleure qualité de vie a été la raison la plus souvent citée (29 % en UE, 24 % au Luxembourg), puis de meilleures conditions de travail (27 % en UE, 20 % au Luxembourg) et de meilleures opportunités de carrière (23 % en UE, 26 au Luxembourg).

La possibilité de se rapprocher d’amis ou de membres de la famille vivant à l’étranger (19 % au Luxembourg contre seulement 10 % dans l’UE, ce qui s’explique par le grand nombre de non-ressortissants) ou bien la possibilité de découvrir de nouvelles choses ou de rencontrer des personnes (27 % au Luxembourg contre 20 %) sont d’autres facteurs important pour les résidents du Luxembourg.

Les obstacles pratiques

Le plus grand obstacle à la mobilité des travailleurs sont les compétences linguistiques. La moitié des Européens s’y heurte. Ceux qui vivent au Luxembourg (21 %) et à Malte (24 %) se disent le moins préoccupés par ce problème. Les Luxembourgeois ne semblent pas non plus redouter de pouvoir s’adapter à une autre culture.

Autres types de mobilité

Les répondants du Luxembourg sont les plus susceptibles d’avoir vécu à l’étranger sans y avoir travaillé (13 % contre 3 % dans l’UE), suivis par ceux de Chypre et de Suède (9 %) Le cas du Luxembourg est différent des autres pays de l’UE lorsqu’il est question de mobilité, puisque bon nombre des résidents de ce pays sont des non-ressortissants. Il convient en outre de noter que jusque récemment, les Luxembourgeois devaient quitter leur pays pour faire des études supérieures. Le Luxembourg (6 %) et l’Espagne (5 %) sont les deux pays affichant le nombre le plus élevé de répondants affirmant être arrivés de l’étranger pour vivre et travailler dans le pays.

Les répondants qui vivent au Luxembourg sont les plus nombreux à avoir suivi des études à l’étranger - de fait 48 % sont dans cette situation – soit trois fois plus que la moyenne de l’UE qui est de 13 %. Ce chiffre, qui n’est pas étonnant puisque le Luxembourg compte à la fois de nombreux ressortissants qui ont été obligés de suivre leurs études universitaires à l’étranger et une proportion élevée de résidents étrangers. La majorité de ces répondants ont été à l’école (30 %) à l’étranger, mais un nombre élevé (20 %) ont été à l’université à l’étranger. 

Désirs d’émigration

Les Etats-Unis (20 %), le Royaume Uni (16 %), l’Australie (15 %) l’Espagne (13 %) et l’Allemagne (12 %) sont les pays où les Européens aimeraient le plus travailler. Pour les résidents du Luxembourg, ce sont par ordre de préférence le Canada et l’Italie (20 %), les Etats-Unis (16 %), l’Australie (15 %) et l’Allemagne (13 %).

Pourquoi ? D’abord en raison du style de vie (47 % contre 27 % dans l’UE), puis de la mentalité et la culture (36 % au Luxembourg contre 32 % dans l’UE), de la présence de membres de la famille ou d’amis qui y vivent et/ou y travaillent déjà (33 % au Luxembourg contre 18 % en UE) et de la maîtrise de la langue du pays (30 % contre 27 % dans l’UE), ces dernières réponses caractérisant par leur proportion le Luxembourg comme pays d’immigration. Les séjours dans un autre pays seraient soit assez courts, en-dessous de 5 ans pour 38 % (contre 32 % dans l’UE) soit carrément aussi longs que possible (27 %, contre 21 dans l’UE), voire jusqu’à la retraite (9 % contre 4 % dans l’UE).

Mais du désir à la réalité, il y a un pas à franchir. Or, seulement 35 % des résidents luxembourgeois qui envisagent de travailler dans un autre pays ont fait des démarches dans ce sens, contre 45 % dans les autres pays de l’UE. Reste que les candidats à un départ déménageraient à 62 % avec leur conjoint (contre 40 % dans l’UE) et 31 % avec leurs enfants (contre seulement 18 % dans l’UE).

La conclusion de l’étude se situe dans la logique de cette disponibilité restreinte : "bien que d’une manière générale les Européens s’accordent à dire que la mobilité est une bonne chose et qu’ils apprécient leur droit de vivre et de travailler dans un autre pays de l’UE, la majorité d’entre eux n’a établi aucun plan pour exercer ce droit dans un futur proche".