Le Parlement européen, réuni en plénière à Strasbourg, a approuvé le 8 juillet 2010 le rapport sur la proposition de décision du Conseil fixant l'organisation et le fonctionnement du Service européen pour l'Action extérieure (SEAE). Il a été approuvé par 549 voix pour, 78 contre et 17 abstentions.
Si les négociations concernant la mise en place de ce service introduit par le traité de Lisbonne ont été longues, elles avaient finalement abouti le 21 juin 2010 à un accord politique entre la Présidence espagnole du Conseil de l’UE, la Commission et le Parlement européen.
Aussi, la commission des Affaires étrangères (AFET) a-t-elle validé le rapport d’Elmar Brock dès le 6 juillet 2010, ce qui laissait présager ce vote favorable en plénière.
Lors du débat qui a précédé le vote et qui s’est tenu le 7 juillet 2010, l’eurodéputé libéral luxembourgeois Charles Goerens a d’ailleurs tenu "à remercier Elmar Brok et Guy Verhofstadt (tous deux rapporteurs sur ce dossier) d'avoir réussi à faire valoir les droits du Parlement européen en matière de politique étrangère avec le sens politique qui est le leur".
L’eurodéputé a tenu notamment à saluer "tous les efforts déployés en matière de préservation de l'unité d'action de la politique de Coopération au développement", et en ce sens le maintien des commissaires Andris Piebalgs pour la Coopération et Kristalina Georgieva pour l'Action humanitaire aux postes de commande restait à ses yeux "la condition essentielle pour préserver la cohérence institutionnelle de la politique de l'UE dans leurs domaines respectifs".
Charles Goerens a par ailleurs rappelé la nécessité de "parler d’une seule voix", ce qui implique une "vraie politique étrangère de l’Union". Pour le parlementaire libéral, il est grands temps que la politique étrangère européenne soit cohérente sur de grands thèmes comme la Turquie, la sécurité ou encore un regard stratégique sur l’Afrique.
Bien que le Parlement n'ait été formellement que consulté sur l'organisation et le fonctionnement du SEAE, les députés ont obtenu lors des négociations des modifications substantielles par rapport à la proposition initiale de Catherine Ashton, la Haute représentante de l'Union européenne.
Voici les principales modifications mises en avant par le service de presse du Parlement européen.
Substitution
Les députés, qui étaient réticents à ce que des fonctionnaires - tel que le secrétaire général exécutif - remplacent Catherine Ashton lors de discussions au Parlement européen, ont ainsi obtenu qu'elle soit, le cas échéant, remplacée soit par les commissaires en charge de l'Elargissement, du Développement ou de l'Aide humanitaire, soit par le ministre des Affaires étrangères du pays exerçant la Présidence du Conseil de l'UE pour les questions de politique étrangère et de sécurité commune (PESC).
Coopération extérieure
Le contrôle des instruments financiers extérieurs de l'UE (politiques de développement et de voisinage) restera de la compétence de la Commission, contrairement à la proposition initiale de Catherine Ashton, qui souhaitait donner plus de pouvoir au SEAE dans ce domaine.
Les propositions de changements dans la politique de développement (Fonds européen de développement et Instrument de coopération au développement), seront établies conjointement par le SEAE et la Commission, sous la responsabilité du commissaire, puis présentées conjointement pour approbation par le Collège des commissaires.
SEAE : personnel communautaire à hauteur d'au moins 60 %
Les députés ont également obtenu l'engagement que le personnel du SEAE sera composé d'au moins 60 % de fonctionnaires permanents de l'UE. Cela permettra de garantir l'identité communautaire du nouveau service diplomatique.
Les fonctionnaires des services diplomatiques nationaux - qui constitueront un tiers du personnel lorsque le service aura atteint sa vitesse de croisière - seront employés comme agents temporaires pour une durée maximale de huit ans avec une prolongation possible de deux ans.
Le recrutement se fera "au mérite tout en veillant à assurer un équilibre géographique et de genre adéquat", selon le rapport d’Elmar Brok. Des mesures visant à corriger d'éventuels "déséquilibres" - analogues à celles prises pour le personnel provenant des nouveaux États membres qui ont adhéré à l'UE en 2004 - pourraient être prises lors de l'examen du service prévu en 2013.
Le 1er janvier 2011, un total de 1525 fonctionnaires en provenance de la Commission et du Secrétariat général du Conseil sera en principe transféré au SEAE. 100 nouveaux postes ont été créés. Le recours aux experts nationaux détachés sera limité et ces experts ne seront pas comptabilisés comme du personnel en provenance des services diplomatiques nationaux (un tiers du total).
Siège du SEAE
Le SEAE aura son siège à Bruxelles et sera composé d'une administration centrale et des 136 ex-délégations de la Commission européenne.
L'administration centrale sera organisée en directions générales comprenant des bureaux géographiques couvrant tous les pays et toutes les régions du monde, ainsi que de bureaux à vocations multilatérales.
Responsabilité politique et budgétaire
La responsabilité politique et budgétaire du service vis-à-vis du Parlement est garantie, avec un droit de décharge budgétaire sur l'ensemble du service.
Le budget opérationnel sera géré par la Commission européenne. Le Parlement recevra de la Commission un document comptable retraçant l'ensemble des dépenses d’action extérieure du budget de la Commission, y compris l'établissement des plans des délégations de l'Union, ainsi que les dépenses d'action extérieure par pays et par mission. Le budget administratif du SEAE se trouvera lui dans une nouvelle section "Service européen d'Action extérieure".
Avant de prendre leurs fonctions, les représentants spéciaux de l'UE et les chefs de délégations dans les pays et organisations que le Parlement juge "stratégiques" se présenteront pour une audition informelle devant la commission des Affaires étrangères.
La Haute représentante consultera également le Parlement sur les principales options en matière de PESC et les députés assumant des rôles institutionnels auront accès à des documents confidentiels.
Les bureaux de la commission des Affaires étrangères et de la commission des Budgets ont obtenu un droit de contrôle plus poussé sur les missions PESC financées par le budget communautaire.
Les députés ont également exprimé leur souhait de renforcer leurs liens avec les parlements nationaux.
Organisation de base du service
La déclaration sur l'organisation de base du SEAE prévoit qu'il y aura une structure chargée des questions de droits de l'homme au niveau central ainsi que localement dans les délégations. Un département devrait conseiller la Haute représentante dans ses relations institutionnelles avec le Parlement. Sur la gestion des crises et de consolidation de la paix, la déclaration indique que les structures PSDC feront partie du SEAE.
Les modifications apportées au règlement financier, au règlement du personnel et au budget 2010, sur laquelle le Parlement a le pouvoir de codécideur avec le Conseil, seront mises aux voix après la pause estivale et après que le Conseil aura approuvé la position du Parlement sur le fonctionnement du service.
Un mois après l'entrée en vigueur de la décision SEAE, Catherine Ashton devra présenter à la Commission un état prévisionnel des recettes et des dépenses SEAE, en vue de l'élaboration d'un budget rectificatif.