Le 21 septembre 2010, à l’occasion du 150e anniversaire de la Journée des Juristes qui s’est déroulée du 21 au 24 septembre 2010 à Berlin, le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker est intervenu sur "l’appréciation de l’action de la journée des juristes de la perspective d’un pays qui ne connaît pas de journée des juristes". Organisée depuis 1860, la journée des juristes est une plateforme de réflexion et de dialogue qui réunit tous les deux ans les juristes d’Allemagne autour de questions telles que l’évolution de la jurisprudence, les manquements au droit ainsi que des questions d’actualité qui se rapportent au domaine juridique.
En s’appuyant sur l’exemple allemand, luxembourgeois et européen, Jean-Claude Juncker a mis en évidence le rôle important qui revient de nos jours à la journée des juristes. L’exemple allemand a permis au Premier ministre luxembourgeois d’illustrer comment la pluridisciplinarité qui caractérise ces réunions a contribué "à l’élaboration d’un cadre juridique de haute qualité en Allemagne". "L’influence de la journée des juristes est perceptible", a-t-il jugé en rappelant qu’aucun "domaine juridique n’a échappé à son examen approfondi". Il a regretté dans ce contexte l’absence d’une journée des juristes au Luxembourg, perçue comme "un véritable manque, un déficit".
S’exprimant devant un parterre de juristes et de personnalités issues du monde politique, Jean-Claude Juncker a saisi l’occasion pour inviter les participants à la 6e édition de la journée des juristes européens qui se déroulera du 19 au 21 mai 2011 au Luxembourg. Dans un monde marqué par le rôle accru de la jurisprudence communautaire, il a estimé qu’il devient de plus en plus urgent pour les juristes, mais aussi pour les responsables politiques, de se pencher "sur l’espace juridique européen en construction".
Jean-Claude Juncker a déploré que certains ministres aient pris l’habitude d’imputer l’entière responsabilité des décisions "qui ne leur conviennent pas" à l’Union européenne. Ainsi, ils reviennent des sommets en annonçant triomphalement aux citoyens "qu’ils ont réussi à imposer leur point de vue", a déclaré Jean-Claude Juncker. Or, c’est "passer sous silence que l’adoption des lois en Europe se fait sur la base de la procédure de codécision, qui octroie des pouvoirs égaux au Parlement européen et au Conseil des ministres, composé des ministres des Etats membres". "En principe, la procédure législative débute à la maison et s’arrête avec la transposition d’une loi à la maison. Le cheminement est entre les mains de l’Union européenne, mais plus précisément entre les mains du Parlement et du Conseil", a-t-il tenu à rectifier.
En abordant la dialectique complexe qui existe parfois entre les différents échelons juridictionnels, Jean-Claude Juncker a mis en garde contre les tendances divergentes du droit en Europe. Il a fait valoir que la politique allemande a parfois tendance à appliquer les prescriptions du Tribunal constitutionnel fédéral d’une façon trop restrictive, ce qui peut, le cas échéant, constituer un frein à l’intégration européenne. Il a estimé que les conflits entre les tribunaux constitutionnels et différents États membres de l’UE peuvent déboucher à un désarroi judiciaire "qui peut rendre les citoyens dingues sans rendre les responsables politiques plus intelligents".
Jean-Claude Juncker a mis en garde contre un dépassement des compétences de certains tribunaux constitutionnels et il a insisté sur le besoin de surveiller la zone de tension qui existe entre d’une part, le droit communautaire et, d’autre part, le droit national. Il a prôné la fixation de normes juridiques plus appropriées en Europe pour éviter des divergences d’interprétation en Europe.
"L’Union européenne est une communauté de destin", a déclaré Jean-Claude Juncker en guise de conclusion. "L’Union européenne n’est ni un super-état, ni un État fédéral. Celui qui pense que l’UE peut fonctionner selon les règles d’un État fédéral se trompe", a-t-il enchaîné. "Les gens ne veulent pas que l’Union européenne devienne une construction calquée sur le modèle des États-Unis d’Europe. Ils sont heureux d’être des Berlinois, des Sarrois, des Bavarois, des Thuringois…", a-t-il dit en ajoutant qu’il était pour sa part "fier d’être Luxembourgeois et Européen". Le patriotisme moderne se nourrit finalement, d’après Jean-Claude Juncker, de deux dimensions qui ne sont pas antinomiques : la dimension nationale et la dimension européenne.