Dans une lettre ouverte adressée à l’Ambassadeur de France au Luxembourg, Charles-Henri d’Aragon, le 3 septembre 2010, Lucien Lux, président du groupe socialiste à la Chambre des Députés, et Alex Bodry, président du LSAP, font part "des vives inquiétudes" que suscite auprès du LSAP la politique d’expulsion menée par le gouvernement français à l’encontre des Roms.
Le sujet, comme ne manquent pas de le souligner les deux élus socialistes, fait la une de l’actualité en Europe depuis plusieurs semaines.
En témoignent par exemple un communiqué du Comité économique et social européen daté du 2 septembre 2010, ou encore le fait que la Commission européenne a demandé aux autorités françaises "des informations détaillées sur le fait de savoir si et dans quelle mesure les garanties requises (par le droit européen) ont été appliquées dans des cas récents" de reconduites aux frontières de ressortissants bulgares et roumains. Quant au Parlement européen, dont la Commission Justice et Affaires intérieures a déjà abordé le sujet le 2 septembre, il va se saisir de la question à l’occasion d’un débat en plénière prévu le 7 septembre prochain, mais le président de l’institution, Jerzy Buzek, a d’ores et déjà rappelé que, dans la mesure où tous les citoyens européens ont les mêmes droits au sein de l'UE, "nul ne peut être expulsé d'un pays simplement parce qu'il appartient à la minorité rom".
Les socialistes luxembourgeois tiennent quant à eux à faire part de leur "incompréhension" et de leurs "préoccupations vis-à-vis du démantèlement massif des camps de Roms sur le territoire de la République". Ils entendent ainsi "se joindre aux critiques formulées par les différentes institutions européennes, l’Organisation des Nations Unies (ONU), et même l’Eglise catholique, vis-à-vis du démantèlement massif des camps de Roms sur le territoire de la République".
Les deux députés citent à titre d’exemple que Pierre-Richard Prosper, rapporteur du Comité contre l’élimination de la discrimination raciale (CERD), qui a clos le 27 août dernier les travaux de sa 77e session, a souligné que le fait de viser un groupe plutôt que des individus est contraire aux obligations de la France, signataire de conventions internationales.
A leurs yeux, "bien que ces camps revêtent un caractère illégal, les mesures coercitives appliquées systématiquement ne sont pas une réponse adéquate à une problématique liée à la misère".
"L’émigration massive de la première minorité ethnique en Europe, à savoir les Roms, constitue avant tout un acte de survie en réponse à la discrimination structurelle grave que subit ce peuple. Ils sont marginalisés et vivent sous des conditions souvent déplorables et insalubres, faute d’interventions nationales et internationales efficaces", poursuivent Lucien Lux et Alex Bodry.
Pour les socialistes luxembourgeois, "la politique menée par le gouvernement français à l’heure actuelle prend une envergure très inquiétante étant donné qu’elle va à l’encontre des principes sur lesquels se base l’Union européenne et ne respecte pas le Traité sur l’UE". Ils citent notamment l’article 2 du traité qui stipule : "L'Union est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'Homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités. Ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes".
Aussi, Lucien Lux et Alex Bodry déclarent-ils à l’Ambassadeur de France que "mener une politique qui stigmatise une ethnie/une minorité n’est guère compatible avec les valeurs de la République Française et celles de l’Union européenne".
"L’attitude du Président de la République et de son gouvernement est d’autant plus incompréhensible que cette campagne intervient un mois après le rapport de la Commission Européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe et la résolution adoptée par le Comité des Ministres du 30 juin 2010 constatant la violation par la France de la Charte sociale européenne suite à la plainte du centre européen des droits des Roms (CEDR)", poursuivent les deux députés.
Alex Bodry et Lucien Lux plaident, plutôt que de "les expulser et de les marginaliser", pour des efforts visant à "une intégration durable" des Roms qui, "en tant que citoyens européens, ont le droit à la libre circulation au sein de l’UE". Le fait qu’environ deux tiers des Roms vivant en France sont sédentaires constitue à leurs yeux une bonne base de départ pour engager ce processus d’intégration et ils ajoutent que "leur garantir les droits fondamentaux qui leur incombent en tant que ressortissants européens, leur donner accès au logement et au travail seraient des démarches prometteuses vers une intégration réussie".