Le 28 juillet 2010, l’Assemblée générale des Nations unies votait une résolution rédigée par la Bolivie déclarant que le droit à une eau potable propre et de qualité et à des installations sanitaires est un droit de l'Homme, indispensable à la pleine jouissance du droit à la vie. Quelques jours à peine après ce vote, le député Eugène Berger (DP) adressait au ministre des Affaires étrangères une question parlementaire au sujet de la position défendue par le Luxembourg lors de ce vote. Le Luxembourg s’est en effet abstenu.
Comme l’explique Jean Asselborn dans sa réponse, le Luxembourg reconnaît le droit à l'eau et à l'assainissement, et il attache une grande importance à la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement, y inclus celui de réduire de moitié d’ici 2015 la proportion des personnes qui vivent sans accès durable à l'eau potable et à l'assainissement. Le pays s'engage qui plus est activement pour aider ses pays partenaires à améliorer les conditions de vie de leur population, notamment en élargissant l'accès à l'eau et à l'assainissement. En 2009, la Coopération luxembourgeoise a ainsi consacré 16,8 millions d'euros à des programmes mis en œuvre dans le secteur de la distribution d'eau et de l'assainissement, ce qui a représenté plus de cinq pour cent de l'aide publique au développement du Luxembourg.
Les raisons qui ont amené le gouvernement luxembourgeois à s'abstenir lors du vote en question sont, d’après le ministre, "à chercher tant au niveau de la procédure que dans le contenu de la résolution proprement dite".
Jean Asselborn tient à relever que depuis 2008, un processus est engagé au niveau du Conseil des droits de l'homme à Genève qui vise à promouvoir le droit à l'eau et à l'assainissement et qui a créé le mandat d'une experte indépendante, Catarina de Albuquerque. Nommée en septembre 2008 pour une période de trois ans, celle-ci a été mandatée notamment d'établir un dialogue avec les gouvernements, les institutions pertinentes des Nations Unies, le secteur privé, les autorités locales, les institutions nationales des droits de l'homme, les organisations de la société civile et les instituts universitaires afin de repérer, promouvoir et échanger des opinions sur les meilleures pratiques relatives à l'accès à l'eau potable et à l'assainissement et de soumettre un recueil à cet égard, ainsi que de préparer une étude afin de définir avec plus de précision la teneur des obligations en rapport avec les droits de l'homme, y compris l'obligation de non discrimination, qui concernent l'accès à l'eau potable et à l'assainissement.
Dans sa résolution 12/8 d'octobre 2009, le Conseil des droits de l'homme salue le travail de l'experte indépendante et les clarifications que son 1er rapport annuel apporte concernant les obligations en rapport avec les droits de l'homme qui concernent l'accès à l'eau potable et à l'assainissement et les propositions qu'elle a faites en matière de disponibilité, de qualité, d'accessibilité, d'abordabilité et d'acceptabilité. La même résolution souligne les responsabilités des Etats en la matière et leur demande entre autres de créer un environnement qui permet de prendre en compte la question du manque d'assainissement à tous les niveaux, y compris au niveau des budgets, de la législation, de l'établissement d'un cadre régulateur, ainsi que de l'assignation de la responsabilité.
Un nouveau débat avec l'experte indépendante, sur base de son 2e rapport, est prévu pour le 15 septembre 2010 lors de la 15e session du Conseil des droits de l'homme sous le point à l'ordre du jour "Promotion et protection de tous les droits de l'homme, civils, politiques, économiques, sociaux et culturels, y compris le droit au développement".
"En dépit de ce processus en cours, et sans concertation et coordination préalables, la Bolivie a lancé en juin 2010 un projet de résolution cherchant à faire reconnaître le droit à l'eau et à l'assainissement en tant que droit de l'homme par l'Assemblée générale. L'Espagne, puis la Belgique, a entrepris au nom de l'Union européenne plusieurs démarches auprès des autorités boliviennes pour insister sur la nécessité de mener à bien le processus engagé au niveau de l'instance appropriée, à savoir, le Conseil des droits de l'homme et de ne pas se ruer dans la déclaration d'un droit fondamental, sans en définir ni le contenu, ni les responsabilités qui doivent l'accompagner", poursuit le ministre.
Jean Asselborn regrette ainsi que "les arguments mis en avant par l'UE n'ont pas été pris en compte, les autorités boliviennes optant d'aller de l'avant avec leur projet de résolution, sans y apporter de changements majeurs".
Dans les jours qui ont précédé l'adoption de la résolution présentée par la Bolivie, le Luxembourg a plaidé et œuvré en faveur du maintien d'une position commune de l'Union. Au vu du refus de la Bolivie de prendre en compte les arguments de procédure et de fonds de l'UE, et des positions nationales de certains Etats membres, l'abstention commune semblait, comme le rapporte le ministre, la seule manière d'agir de façon crédible et qui aurait par ailleurs permis à un grand nombre d'autres pays, partageant les préoccupations de l'Union, de se rallier à la position de l'UE.
"Malheureusement, quelques partenaires, dont certains à la toute dernière minute, ont décidé d'abandonner la position commune, et de voter en faveur de la résolution", raconte le chef de la diplomatie du Luxembourg qui a préféré, avec 17 autres partenaires européens, ne pas suivre cette approche.
Jean Asselborn, qui regrette "ce manque de solidarité et de discipline européennes", assure que le Luxembourg continuera à l'avenir à défendre et à promouvoir le droit fondamental de l'accès à l'eau et à l'assainissement dans le cadre de sa politique de coopération au développement et dans les enceintes internationales appropriées telles que le Conseil des droits de l'homme.