Le directeur exécutif de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), Geert Dancet, était le 29 octobre 2010 en visite au Luxembourg. Il a eu des entretiens avec le ministre du Développement durable, Claude Wiseler sur la mise en œuvre de la réglementation REACH (pour Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals) au Grand-Duché. Il a profité de sa visite pour lancer deux messages : l’un vers l’industrie de veiller aux prochaines échéances européennes dans le cadre de REACH, l’autre vers le monde scientifique luxembourgeois, pour lui dire que l’ECHA, qu’il dirige, est fortement intéressée à des candidatures grand-ducales pour les emplois qu’elle va prochainement créer.
Dans un premier temps, le ministre Claude Wiseler a souligné la particularité de REACH qui a pour but d’enregistrer et d’autorise les substances chimiques sur le marché: le renversement de la charge de la preuve. Désormais, c’est aux industriels et non plus aux pouvoirs publics qu’est confiée la charge de la preuve en matière d’évaluation des risques. C’est à l’entreprise qu’incombe la responsabilité de démontrer que les substances peuvent être fabriquées, utilisées, et détruites sans entraîner de risques pour la santé humaine et l’environnement. Un objectif important de REACH est par ailleurs, d’inciter à ce que les substances dangereuses soient remplacées à terme par des substances ou des technologies moins dangereuses.
Puis il décliné les étapes de la mise en œuvre de REACH au Luxembourg, car les Etats membres de l’UE ont des obligations selon REACH. Selon les articles 125 et 126 de REACH, les Etats membres doivent ainsi assurer un système de contrôles officiels. Ce sont eux qui déterminent le régime des sanctions applicables aux violations du règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci.
La mise en application de REACH au Luxembourg est régie par une réglementation nationale appelée Paquet REACH. Ce paquet se compose de la loi du 27 avril 2009 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances et de six règlements grand-ducaux
D’autre part, le gouvernement vient de déposer un projet de loi 6204, qui traite d’abord des contrôles et des sanctions concernant l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques et les restrictions qui peuvent être appliquées, et ensuite des contrôles et sanctions concernant la classification, l'étiquetage et l'emballage (CLP) des substances et des mélanges. Ce projet de loi qui ne compte pas moins que 1389 pages, ce qui en dit long de la complexité du sujet. Un des éléments politiques clés est que les sanctions financières qui sont prévues se voient décupler, afin d’être vraiment dissuasives.
L’autorité compétente est le Ministre ayant pour l'environnement dans ses attributions, c'est à dire le Ministère du Développement Durable et des Infrastructures. D'autres administrations sont également impliquées et coopèrent en vue de la mise en œuvre et du fonctionnement du système de contrôles : l’Administration de l’Environnement, l’Inspection du travail et des mines, la Direction de la santé, le Laboratoire national de santé, l’Administration de la gestion de l’eau et l’Administration des douanes et accises, notamment pour contrôler les importations aux frontières extérieures, donc à l’aéroport du Findel. Ces administrations peuvent être épaulées par les membres de la Police grand-ducale.
Le rôle de l’ECHA est dans ce contexte de coordonner au niveau européen l'exécution de REACH. L’agence, créée en juillet 2007, et qui a son siège à Helsinki, est passée en trois ans de 2 à 400 collaborateurs, et elle va en engager encore une centaine d’ici à fin 2011.
Son directeur exécutif, Geert Dancet, a expliqué que les visites dans les Etats membres, et notamment dans un petit Etat membre comme le Luxembourg, convoyaient aussi le message qu’un petit Etat membre a les mêmes obligations vis-à-vis de REACH qu’un grand Etat. C’est l’ECHA aussi qui fournit aux autorités nationales qui sont responsables de la vérification des règles de REACH dans les Etats membres les outils nécessaires et qui forme les inspecteur. Malgré ses seulement trois ans d’existence, l’ECHA est devenue, selon Geert Dancet une référence dans le monde. Les USA, l’Australie sont intéressées à travailler avec l’agence et scrutent ses méthodes de travail.
Actuellement, l’ECHA fait campagne pour que les entreprises se mettent en conformité avec les dispositions règlementaires de l'Union européenne sur la Classification, l'Etiquetage et le Conditionnement (CLP) qui imposent de nouvelles obligations légales aux entreprises chimiques opérant sur le marché de l'UE. Avant le 1er décembre 2010, ces entreprises doivent classer et étiqueter leurs substances dangereuses conformément aux règles CLP. L’ECHA s’attend à 25 000 dossiers qui devraient lui parvenir. 10 000 sont entrés à la date du 29 octobre 2010, dont une cinquantaine en provenance du Luxembourg. D’où l’importance de cette campagne, car l’'industrie doit notifier la classification et l'étiquetage de toutes les substances, dangereuses ou autres, placées sur le marché dans une base de données centrale appelée l'Inventaire de la Classification & de l'Etiquetage qui est établie et maintenue par ECHA.
Le premier délai de notification de toutes les substances – ici, on s’attend à 2 millions de notifications - est fixé au 3 janvier 2011. Les informations essentielles de cet Inventaire de la Classification et de l'Etiquetage seront disponibles pour le public sur le site Internet d'ECHA. Evidemment, les informations commerciales confidentielles ne seront pas révélées au public. La notification est gratuite et les différents outils informatiques de soumission sont en place.
Le délai du 3 janvier 2011 pour la notification s'applique à toutes les substances qui sont placées sur le marché le 1er décembre 2010, quel que soit leur volume.
Vu l’ampleur du travail, l’ECHA conseille aux entreprises de se préparer aux CLP afin de notifier à temps. Pour que cela puisse se faire, l’ECHA mise aussi sur les services d'assistance dans tous les pays de la Zone économique européenne, qui sont là pour soutenir l'industrie et en particulier les petites et moyennes entreprises afin qu'elles respectent leurs nouvelles obligations. Au Luxembourg, le Helpdesk REACH et CLP est localisé au CRP Tudor et entretient un site très utile : www.reach.lu
Dans le cadre des obligations règlementaires CLP, des informations sur les risques seront disponibles sur les étiquettes des substances et des mélanges. Pictogrammes, mentions d'avertissement, déclarations de risques et déclarations préventives permettront aux fabricants, aux importateurs, aux utilisateurs en aval et aux distributeurs de partager facilement les informations sur les risques des substances et des mélanges. Cette règlementation de l'UE sur la Classification, l'Etiquetage et le Conditionnement aidera à garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l'environnement contre les risques des produits chimiques utilisés à la maison et sur le lieu de travail.
Un autre problème à résoudre est le fait que la règlementation CLP est basée sur le Système de Classification et d'Etiquetage mondialement harmonisé des Nations Unies (UN GHS). La standardisation mondiale facilitera le commerce entre l'UE et les pays ne faisant pas partie de l'UE en permettant aux exportateurs d'utiliser la même description des risques dans leur propre pays et dans le pays vers où ils exportent. Cela veut dire aussi que dans les prochains mois, 2 millions de produits devront être reclassifiés, dont 50 000 produits nocifs.
Un dernier message de Geert Dancet était que le Luxembourg est avec Chypre le seul Etat membre qui ne compte pas de ses ressortissants parmi les 400 collaborateurs actuels de l’ECHA à Helsinki. Comme une centaine d’emplois vont être créés d’ici la fin de 2011, et que des appels à candidatures seront lancés en conséquence, l’espoir de Geert Dancet est que son agence soit en mesure de recruter d’ici un an un ou des collaborateurs grand-ducaux. Pour son agence, le fait de compter des nationaux de tous les Etats membres parmi son staff peut être un moyen plus facile d'avoir un accès plus direct aux autorités nationales auxquelles de nombreuses compétences ont été délégués et de vérifier plus facilement sur le terrain la qualité de la mise en oeuvre des réglementations européennes.