Les revers diplomatiques subis par l’UE pour affirmer son influence dans de grands dossiers internationaux comme le Proche Orient et les grandes institutions internationales comme l’ONU ou le FMI ont conduit le Premier ministre luxembourgeois et président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, à pousser un grand coup de gueule dans le journal "Rheinischer Merkur", dont il est l’un des éditeurs. "L’UE ne ressemble pas à un tigre qui s’affirme sur la scène internationale, mais à un caniche. Le tigre finit régulièrement en descente de lit." Une série de métaphores que le Premier ministre n’a pas choisies au hasard pour illustrer son dépit.
Le fait que l’UE soit absente dans les négociations de paix au Proche Orient, alors qu’elle est le principal bailleur de fonds des Palestiniens et un partenaire important des Israéliens, et qu’elle ait concédé aux Etats-Unis une position de monopole montre selon Jean-Claude Juncker que l’UE est un "orateur édenté de discours sans fin" dans le dossier du Proche Orient. Autre bât qui blesse : le fait que l’Assemblée générale de l’ONU ait refusé au président permanent du Conseil européen et à la Haute Représentante pour la politique étrangère de l’UE de s’exprimer devant ce forum mondial. Ces deux personnalités "devraient nous représenter a l’extérieur, mais l’opinion mondiale ne met pas à leur disposition ses micros et haut-parleurs".
Pourquoi ces revers ? Jean-Claude Juncker pense que l’UE ne peut pas espérer imposer au reste du monde sa volonté de manière unilatérale en s’organisant autrement. "Le reste du monde doit plutôt être convaincu que l’UE revoit de manière systématique sa représentation à l’extérieur. Et si l’UE n’y arrive pas, c’est parce qu’elle présente au monde un concept de représentation extérieure troué et plein de failles."
Comment procéder ? Le Conseil de sécurité des Nations unies est composé de 5 membres permanents qui ont droit de veto, dont deux pays européens, la France et le Royaume uni. Pour Jean-Claude Juncker, d’autres Etats devraient rejoindre ce groupe, comme le Brésil, des pays africains, et d’autres. Plutôt que de demander que d’autres Etats européens viennent aussi rejoindre ce groupe de pays, Jean-Claude Juncker défend l’option d’un siège unique pour l’UE. "C’est seulement lorsque l’UE agira d’une seule voix audible et visible que les choses iront mieux" pour sa représentation à l’extérieur.
La même chose vaut selon lui pour le FMI, où 9 membres sur les 24 que compte le Conseil d’administration sont des ressortissants de l’UE. Leur nombre fait barrage à l’entrée de représentants d’économies émergentes qui revendiquent eux aussi de participer et d’exercer un droit de vote. La zone euro serait selon Jean-Claude Juncker "bien avisée d’abandonner ses droits de vote et sièges nationaux et de les remplacer par un siège unique." L’avantage ? "La zone euro deviendrait ainsi le principal actionnaire du FMI, aurait des droits de vote supérieurs à ceux des USA et, en renonçant à sa surreprésentation, elle ouvrirait le chemin dans les organes directeurs des institutions financières internationales à d’autres Etats."
Bref, pour Jean-Claude Juncker, "l’UE serait plus forte et influente, si elle apparaissait à l’extérieur de manière plus cohérente et groupée". Sa proposition : Un siège unique pour l’UE au Conseil de sécurité, un siège unique de la zone euro au FMI. Mais, regrette-t-il, "les Européens n’y sont pas encore capables actuellement. Des petites jalousies les en empêchent. L’Europe se met elle-même des bâtons dans les roues."