Christoph Schröder, de la DG Energie, a été, sur invitation du Bureau d'information du Parlement européen à Luxembourg, de la Représentation de la Commission européenne au Luxembourg, du Mouvement Européen Luxembourg et du Centre européen des consommateurs, le conférencier du premier "Midi de l’Europe" depuis la rentrée qui a eu lieu le 27 octobre 2010. A l’ordre du jour l’énergie durable, qui est au cœur de la stratégie économique à long terme de l’UE et de son action contre le changement climatique.
Christoph Schröder a situé les préoccupations actuelles de l’UE en matière d’énergie – sécurité de l’approvisionnement, compétitivité, énergies durables – dans un cadre historique. L’énergie a toujours compté parmi les premières préoccupations de l’UE, dés la création de la CECA en 1952 et la mise en œuvre d’Euratom en 1958. Depuis 2005 l’UE a poussé vers plus d’intégration en matière d’énergie, et le traité de Lisbonne contient un chapitre entier consacré à l’énergie (Titre XXI, Art. 194 (TFUE), qui mise "dans le cadre de l'établissement ou du fonctionnement du marché intérieur" et en vertu "de l'exigence de préserver et d'améliorer l'environnement" sur une politique de l'Union dans le domaine de l'énergie qui
D’autre part, cette politique n'affecte pas le droit d'un État membre de déterminer les conditions d'exploitation de ses ressources énergétiques, son choix entre différentes sources d'énergie et la structure générale de son approvisionnement énergétique.
Une des priorités de l’UE est la "décarbonisation". Dans ce sens, elle s’est fixé un triple objectif d’ici à 2020 : réduire de 20 % les émissions de gaz à effet de serre, améliorer de 20 % l’efficacité énergétique et porter à 20 % la part des énergies renouvelables dans notre consommation énergétique. Une autre priorité est le marché intérieur de l’énergie, et une troisième est le développement de nouvelles technologies énergétiques, tant dans les domaines des énergies renouvelables que dans le nucléaire.
L’aspect durabilité dans la politique énergétique de l’UE doit répondre au critère du développement durable défini depuis le rapport Brundtland publié en 1987 comme un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs. Le contexte dans lequel la durabilité doit s’affirmer est caractérisé par une demande globale en énergies qui augmentera de 50 % d’ici 2035, une croissance démographique globale, une augmentation globale du niveau de vie et des changements structurels comme la propagation de la mobilité électrique.
Actuellement, les grands supports énergétiques sont en UE le pétrole, (36,4 %), le gaz (23,9 %), les énergies fossiles (18,3 %) et le nucléaire (13, %). Les énergies renouvelables sont encore à la traîne. "Les grands consommateurs d’énergie ne sont pas les industries" avec 27,9 % de la consommation, a tenu à souligner Christoph Schröder, mais les ménages (37,1 %) et le trafic (32,6 %).
Plusieurs mythes jalonnent selon Christoph Schröder la réflexion sur le futur énergétique de l’Europe. L’un est que le fait que de nombreux appareils électriques ou éléments technologiques consomment moins d’énergie ferait baisser la consommation énergétique. Cela n’est pas vrai. Car le nombre d’appareils ou d’éléments ne fait que croître, de sorte que l’énergie croît également. L’autre mythe est que la baisse de 80 à 95 % des émissions de CO2 d’ici 2050 n’aura pas d’impact sur la vie quotidienne des personnes. Cela n’est pas vrai non plus. Le potentiel de certaines énergies renouvelables comme l’eau ou le vent ou le soleil est immense, mais le recours à quelque énergie que ce soit. D’autres fausses idées sont que les énergies renouvelables feront baisser les prix de l’énergie. Il est ainsi arrivé que les sites de production éoliens aient été en excédent et que leurs fournisseurs aient dû payer les acheteurs de leur énergie par définition très fluctuante. Ou bien les frais pour une installation photovoltaïque dépassent les frais potentiellement engendrés par les émissions de gaz carbonique qu’elles ont contribué à éviter.
L’Europe se trouve désormais pour le conférencier à une croisée des chemins : opter pour 27 solutions nationales qui seraient faites d’un mix entre énergies renouvelables et des centrales énergétiques de type conventionnel (charbon et gaz) tenues en réserve, ou bien une solution commune constituée d’un mix entre énergies renouvelables, énergie nucléaire et de l’énergie produite avec les carburans fossiles mais accompagnée par les procédés de séquestration géologique du dioxyde de carbone. Une démarche commune coûterait selon une étude récente un billion d’euros de moins jusqu’en 2050 qu’une démarche où les 27 opteraient chacun pour leur propre politique énergétique.
L’Europe a donc plusieurs défis à affronter : le temps, les frais, l’implication des populations, car l’acceptation d’un modèle énergétique ne peut être envisagé sans les populations, l’évitement de technologies qui n’ont pas confirmé leur efficacité. Pour que les investissements – extrêmement lourds - dans l’énergie puissent se faire, il faut une sécurité dans la planification qui puisse être garantie sur des décades et une harmonisation du soutien aux différents types d'énergie au sein du marché intérieur..
En novembre 2010, la Commission européenne va présenter sa stratégie énergétique pour les années 2010-2020. Une feuille de route, un plan d’action pour l’efficacité énergétique, un papier sur la dimension externe de la politique énergétique et un papier sur une dernière phase dans les réseaux transeuropéens d’énergie (post TEN-E) suivront.
La vision de l’UE pour le paysage énergétique de 2050 : La durabilité n’est qu’un des trois aspects de la politique énergétique, les deux autres étant la compétitivité et la sécurité. L’Europe devra convaincre d’autres grands acteurs globaux de prendre le chemin de la durabilité et d’envisager après l’expiration du mécanisme de Kyoto un mécanisme qui lui succéderait. Finalement, une européanisation de la politique énergétique est incontournable.