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Concurrence - Transports
La Commission inflige 799 millions d’euros d’amende pour entente illégale à onze transporteurs de fret aérien, parmi lesquels Cargolux
09-11-2010


Le 9 novembre 2010, la Commission a infligé à onze transporteurs aériens des amendes pour un total de Le commissaire Joaquin Almunia en conférence de presse le 9 novembre 2010 © Union européenne, 2010 Brussels/Berlaymont799.445.000 EUR. Les membres de l'entente ont coordonné plusieurs éléments de prix sur une période de plus de six ans, de décembre 1999 au 14 février 2006. Les pratiques collusoires consistaient en de nombreux contacts entre compagnies aériennes, tant au niveau bilatéral que multilatéral, portant sur des vols au départ de, vers et au sein de l'EEE. Les compagnies aériennes fournissant des services de fret proposent généralement le transport de marchandises aux transitaires qui en ont la charge et qui fournissent des services connexes et accomplissent les formalités nécessaires au nom des chargeurs.

L'infraction

Les contacts sur les prix entre les compagnies aériennes en question ont commencé par des discussions sur les surtaxes carburant. Elles se sont concertées pour faire en sorte que les transporteurs actifs au niveau mondial imposent une surtaxe forfaitaire par kilo sur tous les envois. Les membres de l'entente ont ensuite étendu leur coopération en instaurant une surtaxe sécurité et en refusant de payer une commission sur les surtaxes à leurs clients (les transitaires de fret).

Les contacts établis avaient pour objet d'assurer que ces surtaxes soient instaurées par tous les transporteurs considérés et que les augmentations (ou baisses) du niveau des surtaxes soient appliquées intégralement sans exception. En refusant de payer une commission, les compagnies aériennes ont fait en sorte que les surtaxes ne soient pas soumises à la concurrence par des remises accordées à leurs clients. Ce type de pratiques va à l'encontre des règles de concurrence de l'UE.

Les allégations de collusion concernant deux autres surtaxes ainsi que les taux de fret, mises en avant par la Commission dans sa communication des griefs, ont été laissées à l'écart de cette affaire en raison de preuves insuffisantes. Pour les mêmes raisons, la Commission a également renoncé aux griefs formulés à l'encontre de onze autres transporteurs et un bureau d'études auxquels elle avait adressé la communication des griefs.

Les amendes

Pour fixer le montant des amendes, la Commission a pris en compte les ventes des entreprises considérées sur le marché en cause, l'extrême gravité de l’infraction, la portée géographique de l'entente (couvrant l'ensemble de l'EEE) et sa durée.

Tous les transporteurs se sont vu accorder une réduction de 50 % sur les ventes entre l'EEE et les pays tiers afin de tenir compte du fait qu'une partie du préjudice de l'entente concernait des pays hors EEE. La Commission a augmenté l'amende de SAS de 50 % en raison de sa participation, par le passé, à une autre entente dans le secteur aérien (entente SAS/Maersk).

Tous les transporteurs ont bénéficié d'une réduction de 15 % au motif que le cadre réglementaire général du secteur peut être considéré comme encourageant la coordination des prix. Quatre transporteurs se sont vu accorder une réduction de 10 % pour n'avoir participé que de manière limitée à l'entente. Étant donné que les amendes infligées à deux compagnies auraient dépassé le maximum légal de 10 % de leur chiffre d'affaires de 2009, leur montant (avant toute prise en compte de motifs de clémence) a été réduit à ce niveau.

Lufthansa (et sa filiale Swiss) a bénéficié d'une immunité totale au titre du programme de clémence de la Commission, car elle a attiré l'attention de la Commission sur l'entente et a fourni des informations précieuses. Les transporteurs suivants ont également vu leurs amendes réduites en raison de leur coopération avec la Commission au titre du programme de clémence : Martinair (50 %), Japan Airlines (25 %), Air France-KLM (20 %), Cathay Pacific (20 %), LAN Chile (20 %), Qantas (20 %), Air Canada (15 %), Cargolux (15 %), SAS (15 %) et British Airways (10 %).

Cinq transporteurs ont présenté une demande de réduction en faisant valoir qu'ils n'étaient pas en mesure de payer l'amende. Cependant, aucune de ces demandes ne remplissait les conditions nécessaires.

Cargolux se voit infliger une amende de 79,9 millions d’euros

L’amende à laquelle est soumis Cargolux s’élève à 79,9 millions d’euros. La société a réagi immédiatement sur son site Internet, publiant un communiqué rappelant  que Cargolux était entré dès 2008, en raison d’allégations de collusion dans le secteur aérien impliquant plusieurs transporteurs, dans des procédures de plaidoyer de marchandage avec plusieurs autorités antitrust, notamment aux Etats-Unis, au Canada et en Nouvelle-Zélande.

"Depuis 2006, Cargolux a coopéré intensivement avec différentes autorités, parmi lesquelles la Commission européenne, et ce tout au long de l’enquête et des procédures légales", explique sur le site Marc Hoffmann, Un des avions de la flotte de Cargolux © eu2005.lu / Cargolux / Patrick Jeanneprésident du Conseil d’administration de Cargolux.

David Arendt, directeur financier de la société, estime pour sa part que "l’amende ne semble pas refléter la moindre réduction visant à tenir compte des turbulences financières qui ont affecté ces derniers temps les entreprises de fret aérien en général et Cargolux en particulier". "Quand on l’ajoute aux amendes déjà versées à d’autres autorités antitrust, l’amende apparaît comme une punition très sévère", ajoute David Arendt.

L’entreprise, qui avait déjà dû acquitter des amendes de l’ordre de 2,6 millions d’euros en Australie ou encore de 119 millions de dollars aux Etats-Unis pour ententes illégales, avait cependant provisionné ses comptes au cours des années précédentes en vue d’une amende qui semblait devoir tomber.

Cargolux dit "analyser avec ses avocats" la pertinence de faire appel contre cette décision de la Commission. Les entreprises Air France-KLM, qui devrait acquitter la somme de 182,9 millions d’euros, et SAS, qui s’est vu infliger une amende de 70,1 millions d’euros, ont d’ores et déjà annoncé qu’elles entendaient introduire un recours, jugeant toutes deux les amendes infligées "disproportionnées".

Action en réparation

Toute personne ou entreprise lésée par des pratiques anticoncurrentielles telles que celles qui sont décrites ci-dessus peut porter l’affaire devant les tribunaux des États membres pour obtenir des dommages et intérêts. La jurisprudence de la Cour et le règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil confirment que, dans les affaires portées devant les juridictions nationales, une décision de la Commission constitue une preuve contraignante de l'existence et du caractère illicite des pratiques en cause. Même si la Commission a infligé des amendes aux entreprises considérées, des dommages et intérêts peuvent être accordés sans que le montant en soit réduit en raison de l'amende infligée par la Commission.

La Commission considère que les demandes justifiées de dommages et intérêts devraient avoir pour objet d'indemniser, de manière équitable, les victimes d'une infraction pour le préjudice subi. Un livre blanc sur les actions en dommages et intérêts a été publié.