A quelques jours des réunions ministérielles dans le cadre de la Conférence mondiale sur le climat de Cancún, les parlementaires verts, Camille Gira, député à la Chambre, et Claude Turmes, député au Parlement européen, ont passé au crible la politique luxembourgeoise en matière de changement climatique aux niveaux national et européen lors d’une conférence de presse qui s’est tenue le 3 décembre 2010.
Pour Claude Turmes, la conférence de Cancún doit aboutir à préparer un accord liant toutes les parties, pays industrialisés, pays émergents et pays en voie de développement qui entrerait en vigueur après 2012, quand le protocole de Kyoto viendra à expiration. Pour y arriver, il faut des engagements clairs des pays industrialisés sur les objectifs et leur financement à travers des mécanismes qui sont encore à définir.
Pour les Verts, 20 % de réduction d’émissions de CO2 jusqu’en 2020 ne sont plus suffisants pour limiter le réchauffement de la planète à 2 degrés. Ils sont pour que le Luxembourg et l’UE se fixent 30 % de réduction pour objectif. Le Luxembourg s’est engagé selon eux dans son programme gouvernemental dans cette direction. Mais dans les institutions européennes, il ne travaille plus sur cette trame, selon Claude Turmes parce que le gouvernement aurait cédé aux pressions de la FEDIL et d’Arcelor-Mittal. Or, ce que demandent les Verts, c’est que le gouvernement luxembourgeois reprenne l’objectif de 30 % de réduction d’émissions de CO2.
La critique la plus virulente des deux députés concerne le fait que le gouvernement luxembourgeois aurait satisfait à ses obligations dans le cadre du protocole de Kyoto à 98 % en achetant des droits d’émission par les mécanismes CDM (pour Clean Development Mechanism) et JI (pour Joint Implementation). Pour les députés verts, ces mécanismes ne conduisent pas à de véritables réductions, mais financent des projets qui auraient de toute façon été réalisés.
Pire encore pour Claude Turmes et Camille Gira, le recours par le gouvernement luxembourgeois à des certificats dits "Hot-Air", et ce malgré les promesses initiales du ministre compétent Claude Wiseler de ne pas y recourir. Les certificats "Hot-Air" sont détenus par les anciens pays du bloc soviétique et sont basés sur les fortes émissions potentielles d’une industrie lourde qui existait encore dans les années 90, quand l’accord de Kyoto a été conclu, mais qui telle quelle n’existe plus.
Claude Turmes a particulièrement dénoncé une opération sur des droits d’émission avec l’Estonie, Etat membre de l’UE, sur 30 millions d’euros, qui permet dans la république balte l’assainissement de logements sociaux. Il a déclaré qu’il n’a pas pu savoir, et la Commission non plus, sur combien de tonnes de CO2 cet accord portait, le gouvernement luxembourgeois n’étant "pas transparent sur ses achats de droits". Mais selon lui, il est généralement admis dans les milieux bien informés que le prix d’une tonne de CO2 sur le marché "Hot-Air" débouche sur 30 à 50 fois plus de droits d’émission. Donc une sorte de bulle de CO2 qui fait disparaître le CO2 en termes de droits rachetés, mais pas en termes d’émissions réelles, un tel rachat ne les limitant en rien, et bien au contraire. Pour Claude Turmes, "les fonctionnaires européens ne classent pas le Luxembourg dans le bon camp en termes de réduction d’émissions".
Les deux députés ont également critiqué le fait que la question climatique ne jouait aucun rôle dans le débat national, et que par conséquence les émissions de CO2 ne tarderont pas à augmenter. Les Verts approuvent l’idée du partenariat pour l’environnement et le climat lancé début 2010, qui est un processus de concertation rassemblant des représentants du gouvernement, des syndicats, du patronat, du Syvicol et des ONGs, et qui a pour objectif de poser par la proposition de 50 mesures les jalons du 2e plan d’action national de réduction des émissions de CO2 ainsi que du plan national d’adaptation au changement climatique. Mais ils critiquent le processus, qui entrera le 21 décembre dans une phase cruciale, parce qu’il n’est pas encadré par des objectifs chiffrés et ciblés en matière de réduction et des délais qui lient les parties. Autres points de critique : le partenariat doit aborder les questions de croissance, d’aménagement et de mobilité, de fiscalité aussi. Il doit bénéficier d’un accompagnement et d’un suivi scientifique. Les deux fonctionnaires responsables de la politique climatique sont selon les Verts totalement insuffisants pour que le Ministère du Développement durable puisse accomplir sa tâche.
Quant au pacte national pour le climat entre l’Etat et les communes, il devra aboutir selon les Verts à un transfert de compétences et de moyens financiers vers les communes.