Fin 2010, l’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE) a appris que dans un litige lié à l'obtention d'une aide communautaire pour investissements, les autorités administratives d'un Etat membre avaient refusé de donner une suite favorable à la demande d'une entreprise luxembourgeoise au seul motif de la non-reconnaissance d'un acte notarié d'un notaire exerçant à Luxembourg.
Astrid Lulling a donc voulu savoir par le biais d’une question écrite adressée à la Commission européenne "si la reconnaissance d'actes notariés d'un État membre peut poser problème dans un autre État membre".
L’eurodéputée a également demandé si cette reconnaissance est soumise à des conditions précises, et "si tel n'est pas le cas, quelles mesures la Commission compte prendre afin d'assurer dans la pratique la pleine reconnaissance des actes notariés dans l'ensemble de l'Union européenne". Enfin, Astrid Lulling s’est enquis des "moyens d'actions des personnes physiques ou morales qui s'estiment lésées afin d'obtenir gain de cause".
Le 3 décembre 2010, la commissaire européenne en charge de la Justice, des Droits fondamentaux et de la Citoyenneté, Viviane Reding, lui a répondu au nom de la Commission.
Dans sa réponse, Viviane Reding explique que "la Commission partage les préoccupations exprimées" par Astrid Lulling "sur la reconnaissance des actes authentiques dans l'Union".
La commissaire constate qu’en raison de la mobilité croissante des citoyens européens et du développement du marché intérieur, les actes authentiques doivent être de plus en plus souvent présentés dans un autre État membre.
"Tout comme les décisions judiciaires, l'exécution des actes authentiques est réglée par des instruments européens adoptés en matière de coopération judiciaire civile", ajoute-t-elle, précisant que chacun de ces instruments couvre un champ d’application spécifique.
Suit un inventaire de ces instruments.
En matière civile et commerciale, la libre circulation est aujourd'hui réalisée par le règlement n° 805/2004 portant création d'un titre exécutoire européen pour les créances incontestées. Ce règlement permet l'exécution dans les États membres d'actes authentiques dressés dans un autre État membre, sauf le Danemark.
Le règlement n° 44/2001 couvre également l'exécution des actes authentiques dans un autre État que celui où l'acte a été dressé.
En matière familiale, le règlement n° 2201/2003 relatif aux questions matrimoniales et de responsabilité parentale prévoit encore un contrôle allégé dans l'État requis.
Le règlement n° 4/2009 sur les obligations alimentaires supprime ce contrôle et assure également la reconnaissance de l'acte authentique en Europe.
Viviane Reding concède néanmoins que "la reconnaissance de l'ensemble des actes authentiques n'est pas réglée en tant que telle par les instruments précités". "Lorsque l'acte authentique n'est pas couvert par le droit de l'Union, il convient d'examiner les règles de droit international privé de l'État membre dans lequel l'acte est présenté", précise-t-elle en effet.
Ainsi, poursuit la commissaire, "la proposition de règlement en matière de successions (COM(2009)154), actuellement en cours de négociation, couvre tant la reconnaissance que l'exécution des actes authentiques tombant dans le champ d'application de la proposition. Il devrait en être de même pour les futures propositions législatives sur les régimes matrimoniaux et les aspects patrimoniaux des partenariats enregistrés".
"Pour répondre aux difficultés rencontrées en matière de documents par les citoyens européens et les entreprises, le Plan d'Action du Programme de Stockholm prévoit l'adoption pour 2013 d'une proposition portant sur la libre circulation des documents par la suppression de la légalisation entre les États membre", ajoute Viviane Reding qui annonce que, pour préparer cette initiative, un Livre vert lancera prochainement une large consultation en cette matière.
Et elle conclut pour ce qui est du problème de l’entreprise luxembourgeoise : "En l'espèce, l'entreprise luxembourgeoise qui s'estime lésée par les autorités d'un État membre dispose des moyens de recours internes prévus par le droit national de cet État membre."