Les projets européens COPHES et DEMOCOPHES auxquels participent les acteurs luxembourgeois et ceux de 23 autres Etats membres, sont financés par le 7e programme-cadre de recherche de l’UE (PCR7) et LIFE+, le premier à raison de 3,5 millions d’euros venant directement de l’UE, le deuxième à raison de 3,5 millions pour l’UE et de la même somme pour les Etats membres. En tout, plus de 10 millions d’euros pour voir s’il est faisable d’harmoniser des démarches européennes en matière de bio-surveillance et d’arriver à un "mariage" durable entre santé et environnement.
COPHES a pour objectif principal le développement d’un cadre fonctionnel de collecte de données comparables dans le cadre du bio-monitoring humain en Europe. Les participants feront l’inventaire et l’analyse des similarités et différences entre les études de bio-monitoring menées dans les Etats membres, des différences qui ont souvent à faire avec des différences culturelles comme les habitudes gastronomiques (régime viande ou poisson, régime méditerranéen ou autre) ou en relation avec le tabac, d’autant plus que la cotinine par exemple fait partie des substances étudiées. A partir de là, ils prépareront des protocoles d’étude qui seront testés par DemoCOPHES.
Le programme DemoCOPHES, étude de faisabilité au niveau européen, visera ainsi à partir de 2011 à analyser des couples mère-enfant pour différents paramètres, tels que le cadmium, la cotinine, les métabolites de phthalates, le Bisphénol A dans les urines et le mercure dans les cheveux, donc de manière non-invasive, sans prise de sang. Dans chaque pays où l’étude sera menée, 120 couples mère-enfant, les mères étant âgées entre 20 et 45 ans, les enfants entre 6 et 11 ans seront étudiés, mais 60 couples mère-enfant seulement pour les petits Etats comme le Luxembourg et Chypre.
L’étude du Bisphénol A est une valeur ajoutée luxembourgeoise, comme l’a expliqué Arno Gutleb du CRP Gabriel Lippmann. On retrouve le Bisphénol A dans les bouteilles et autres contenants en plastique, dans le papier thermique et la poussière domestique. Il agit de manière similaire aux œstrogènes et alors qu’il a été en septembre 2010 mis au Canada sur l’index des substances toxiques, il est entre autres mis en relation avec le diabète, des maladies cardio-vasculaires et des kystes aux ovaires et a suscité des discussions entre l’industrie, les agences de santés et les organisations de consommateurs. Le Danemark, l’Allemagne, la Belgique et la Suède travaillent sur cette question avec le Luxembourg, ou CRP Lippmann et LNS s’occuperont à établir et à valider la méthode, ce qui leur donne un rôle de leader.
Marc Fischer, du Laboratoire national de Santé, a expliqué qu’avec COPHES et DemoCOPHES, ce n’est pas l’influence de l’être humain sur l’environnement qui est étudiée, mais l’inverse, à savoir l’influence de l’environnement sur l’être humain. Il s’agit de voir, sous l’angle de la santé environnementale, combien l’être humain est exposé quotidiennement à des polluants environnementaux. Cette exposition à faibles doses à des éléments multiples est étudiée sur le long terme, tout comme l’effet de la combinaison de ces éléments. Car la science dispose ici de peu d’éléments de connaissance, contrairement à la toxicologie classique, qui se concentre sur l’exposition à court terme à des doses élevées d’un seul élément dont les effets sont connus.
Dans ce cadre, le bio-monitoring humain (BMH) est un outil permettant d’évaluer l’impact négatif de polluants environnementaux sur la santé publique. S’il est obligatoire en cas d’urgence et de santé du travail, il se fait ici, dans le domaine plus privé des expositions à long terme, sur une base volontaire.
C’est pourquoi il faut qu’à des activités de recherches comme celles de COPHES et DemoCOPHES participent des acteurs aussi différents que les décideurs politiques, les scientifiques, les parties intéressées et le grand public. C’est précisément cette interaction qui devrait permettre de développer un concept unique d’élaboration de politiques sur la base de données factuelles pour un environnement plus sain. Ces politiques peuvent, en se basant sur la connaissance d’éléments quantitatifs d’exposition de la population européenne à certaines substances chimiques, nouvelles ou anciennes, recourir à des mesures pour réduire les expositions considérées comme nocives, comme le contrôle régulateur de substances chimiques à travers REACH.
A titre d’exemple, l’exposition des Européens au plomb a été fortement réduite après 1975 suite à deux mesures politiques importantes : l’interdiction des conduites d’eau en plomb en 1973 et la réduction progressive du plomb dans l’essence entre 1972 et 1985.
Au Luxembourg, l’Initiativ Liewensufank s’occupera de l’échantillonnage basé sur le volontariat. L’asbl a déjà acquis de l’expérience en la matière lors de travaux sur le lait maternel avec l’OMS. Ici, l’association s’intégrera dans une démarche standardisée au niveau des Etats membres. Elle s’efforcera de trouver des volontaires bien répartis entre tranches d’âge et entre régions rurales et industrielles. Mais elle craint que sa communication ne soit brouillée par la campagne pour les élections communales d’octobre 2011 qui démarrera bientôt.
Dans un premier temps, l’étude qui est d’abord conçue comme une étude de faisabilité, se concentrera sur un nombre relativement limité de couples mère-enfant, dans la mesure où une première démarche révélera des différences culturelles qui ont une influence sur la manière de poser les questions et d’évaluer les analyses. Elle se déroulera aussi dans un cadre financier bien déterminé. Une grande étude ne pourra être envisagée que dans une phase ultérieure. Mais un COPHES II et III sont déjà dans les cartables des scientifiques, à condition que COPHES et DemoCOPHES amènent comme résultat une méthode de bio-monitoring qui peut être étendue à de nouveaux champs d’étude.