Le 25 mars 2011, la Commission européenne a publié le règlement d'exécution (UE) n° 297/2011 qui impose des conditions particulières à l'importation de denrées alimentaires et d'aliments pour animaux originaires ou en provenance du Japon.
La Commission avait été informée après l'accident survenu à la centrale nucléaire de Fukushima le 11 mars 2011 que les taux de radionucléides décelés dans certains produits alimentaires originaires du Japon, tels que le lait et les épinards, dépassaient les seuils de contamination en vigueur au Japon pour les denrées alimentaires. Comme cette contamination peut présenter un risque pour la santé publique et animale dans l'Union, des mesures de précaution ont été prises au niveau de l'Union européenne de façon à garantir la sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ainsi que des poissons et des produits de la pêche originaires ou en provenance du Japon.
Il faut néanmoins savoir que les importations alimentaires du Japon sont relativement modestes, et représentaient en 2010 une valeur totale de 187 millions d’euros pour les produits agricoles et de 18 millions d’euros pour les produits de la pêche.
D’après ce règlement de la Commission, des contrôles obligatoires préalables à l'exportation s'appliqueront aux denrées alimentaires et aux aliments pour animaux originaires des préfectures touchées et de la zone tampon, et des tests aléatoires sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux originaires de l'ensemble du territoire japonais doivent être réalisés lors de l'importation.
Les niveaux admissibles maximaux sont publiés dans trois règlements du Conseil respectivement de la Commission dans le cadre d’Euratom, dont notamment le règlement Euratom n° 3954/87 du Conseil du 22 décembre 1987 fixant les niveaux maximaux admissibles de contamination radioactive pour les denrées alimentaires et les aliments pour bétail après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d'urgence radiologique, un règlement qui avait été adopté dans la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl de 1986 et qui a été mis à jour à plusieurs reprises.
Le 30 mars 2011, on pouvait lire dans des nouvelles diffusées par des médias allemands que l’UE avait "relevé les taux maximaux admissibles" pour le Japon. Dans la foulée, les Verts européens reprochaient à la Commission d’appliquer des taux maximaux de contamination supérieurs à ceux admissibles au Japon même. Et les Verts luxembourgeois reprochaient à la Commission d’avoir relevé certains taux maxima. Chose que la Commission a vivement contestée lors de sa conférence de presse quotidienne du 30 mars, à Bruxelles, où son porte-parole, Frédéric Vincent, a déclaré qu’elle n’avait fait que rappeler lors de la publication du règlement d’exécution du 25 mars le règlement de 1987 et la nécessité de l’appliquer, tout en prônant un renforcement des mesures de contrôle par les Etats membres.
Qui a raison ? De l’aveu même de certains spécialistes, la réglementation communautaire est "assez confuse" en ce qui concerne les valeurs limites de contaminations radioactives admissibles dans les denrées alimentaires et aliments pour bétail.
Le règlement d'urgence du 25 mars 2011 se réfère pour les niveaux admissibles de contamination radioactive au Césium 137 et Césium 134 au règlement Euratom N° 3954/87 du Conseil. La Commission a donc raison de dire que rien n’a été changé, puisque les limites de ce règlement restent d'application.
Mais il existe un deuxième règlement (CEE) n° 737/90 spécialement établi pour l'importation des produits agricoles après l'accident de Tchernobyl, qui fixe aussi des niveaux admissibles. Les valeurs limites n'y sont pas identiques à celles du règlement de 1987.
Les niveaux inscrits en 1987 sont de 400 Bq/kg pour les aliments pour nourrissons, de 1000 Bq/kg pour les produits laitiers, de 1250Bq/kg pour les autres denrées alimentaires à l'exception de celles de moindre importance et 1000 Bq/kg pour les liquides destinés à la consommation.
Les niveaux inscrits en 1990 concernant les tolérances maximales pour la radioactivité maximale cumulée de césium 134 et 137 ne doit pas dépasser 370 Bq/kg pour le lait et les produits laitiers énumérés et pour les denrées alimentaires qui sont destinées à l'alimentation particulière des nourrissons pendant les quatre à six premiers mois de leur vie et qui répondent à elles seules aux besoins nutritionnels de cette catégorie de personnes et sont conditionnées au détail en emballages clairement identifiés et étiquetés en tant que "préparations pour nourrisson"». 600 Bq/kg sont prévus pour tous les autres produits concernés. Ce sont ces valeurs auxquelles les Verts se sont référées.
Si la Commission a opté pour le règlement de 1987, comme règlement de référence, c’est parce que dans le cas de l’accident de Fukushima, la recherche de l'iode est indispensable du point de vue alimentaire, et pas seulement la recherche de césium, comme dans le règlement de 1990 remplacé en 2008 par le règlement (EC) 733/2008 qui fixe des valeurs maximales uniquement pour le césium suite à l'incident de Tchernobyl. Finalement, dans les valeurs limites envoyées par la Commission aux autorités nationales, la valeur de 370 Bq pour le césium a été reprise pour les aliments pour nourrissons. Mais la valeur de 600 Bq/kg pour les autres aliments ne se retrouve effectivement pas dans le règlement Euratom de référence
Des spécialistes expliquent cette démarche de la Commission par le recours à une logique européenne qui suit le principe du ALARA - "As low as reasonable achievable" – quand il s’agit de fixer les taux maxima admissibles de contaminants. Or, ces limites ALARA ne sont pas des limites de santé, mais des limites de bonnes pratiques.
Europaforum.lu a aussi pu apprendre que, depuis avril 2010, la Commission européenne essaie de refondre tous ces règlements en un seul, mais que cette position n’est pas soutenue par tous les Etats membres. La polémique autour du règlement de 1987 continuera donc. D’un côté, parce que les normes qu’il fixe pour les échanges entre pays de l’UE sont moins sévères que celles qui visent les produits importés. D’autre part, il différencie également les aliments destinés aux personnes et la nourriture destinée aux animaux. Finalement, et c’est là le point sensible, les normes liées à la contamination par des radionucléides qui sont légalement en vigueur pour les produits alimentaires sont gérées du point de vue juridique à partir du traité Euratom, et non dans le cadre du droit de l’Union inspiré par le Codex alimentarius, organe qui relève de l’OMS et de la FAO, organisations des Nations unies, et auquel la Communauté a adhéré. Ici, certains pays plus engagés dans l’énergie nucléaire freinent, car le traité Euratom ne concède au Parlement européen qu’une compétence consultative, alors que si les normes de contamination par radionucléides étaient définies par des instruments juridiques relevant du droit de l’Union, le Parlement européen aurait un droit de codécision, ce qui pose problème à ces Etats qui misent sur le nucléaire.
Comme du plutonium a été découvert sur le site de la centrale japonaise de Fukushima le 29 mars 2011, quand de l'eau fortement radioactive s'est échappée des bâtiments des réacteurs, ce qui fait craindre une pollution massive autour du bâtiment, "l'Union européenne va se pencher sur la question" au niveau de ses experts, a déclaré le porte-parole de la Commission européenne pour les questions de santé, Frédéric Vincent.
En contact étroit avec les pays membres, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) suit également de près l'évolution de l'incident et son impact sur la sécurité alimentaire.
Suite à l'incident nucléaire, les autorités du Japon publient des informations actuelles concernant les résultats d'analyse dans les denrées alimentaires et l'eau potable sur le site de son ministère de la santé.